"
Assemblage" est le premier roman étonnant de
Natasha Brown. Sa narratrice est une femme noire britannique d'origine modeste. Elle est la fille obéissante d'immigrants jamaïcains, la petite amie dévouée d'un homme blanc libéral et satisfait de lui-même, et une employée modèle et serviable dans une banque d'affaires londonienne. Elle semble avoir obtenu tout ce à quoi elle aspirait, mais ce n'est qu'une façade.
Elle flotte au-dessus du monde, observant avec effroi les autres vivre leur vie avec espoir et enthousiasme. Sa narration en flux de conscience révèle sa lutte stérile contre le racisme, le sexisme, la misogynie, l'identité, le fait de ne pas être acceptée à cause de la couleur de sa peau ou de son genre.
Raconté de manière fragmentée et elliptique, j'avoue avoir été perdu plus d'une fois dans le récit de
Natasha Brown. Mais, comme les morceaux d'un puzzle qui s'assemblent, l'histoire se recompose progressivement avec précision, concision et brutalité. le récit à la structure inventive est un examen cru, érudit, succinct et incisif de l'histoire britannique, du colonialisme, de l'esclavage, du capitalisme, de la misogynie et de l'interminable série de petites agressions quotidiennes que la narratrice subit.
Pourtant, lorsqu'elle parle d'elle-même, elle est timide, refusant de fournir des informations qui pourraient affiner son autoportrait fragmenté. Elle n'a pas de nom, pas d'émotions, pas d'âge et pas de préférences. Comme si elle était le fantôme d'elle-même et cette absence de proximité et d'affect m'a déplu.
Visage de la diversité et du progrès dans son entreprise, la narratrice est tributaire des projections de chacun. Ses collègues jaloux remettent en question sa place dans la banque et dans le pays. Son petit ami voit dans leur relation la preuve d'un mythe post-racial. Elle supporte ces personnes odieuses, ces situations scandaleuses alors que même dans ses pensées elle les protège et les défend. Elle se sent étouffée par son environnement et s'enfonce chaque jour un peu plus dans la dépression. Lorsqu'un médecin lui diagnostique un cancer, la narratrice y voit l'occasion de reprendre le contrôle de sa vie. Elle refuse gentiment, mais fermement le traitement. « Mais après des années de lutte, à batailler contre le courant, je suis prête à baisser les bras », pense-t-elle. « À ne plus me débattre. À inspirer l'eau. Je suis épuisée. Peut-être qu'il est temps de la finir, cette histoire. » L'homme raisonnable et reconnaissant en la vie que je suis s'est demandé : pourquoi refuser un traitement ?
Ce geste m'a désorienté et a brouillé momentanément ma crédibilité de l'histoire. Et puis, après réflexion, j'y ai vu la métaphore du cancer du préjugé racial ou social que la narratrice ne pourra jamais vaincre. Il infecte chaque partie de sa vie et elle décide de ne pas lutter contre le cancer littéral qui envahit son corps. Elle choisit la mort, comme moyen de « transcender ».
Avec cette décision, "
Assemblage" devient un examen touchant de la vie d'une femme noire et une analyse acerbe du paysage social et racial britannique. La prose sobre et rythmée de
Natasha Brown rend les expériences de harcèlement de la narratrice avec clarté. En une centaine de pages, le livre avance à une vitesse presque vertigineuse. Mais je me suis demandé si la puissance et l'efficacité de cette sobriété, de cette brièveté n'étaient pas une excuse pour éviter d'étoffer son histoire. J'ai trouvé étrange par exemple que la narratrice n'explique pas comment elle vit avec un petit ami alors qu'elle ne l'aime pas. Pourquoi lui ment-elle sur son état de santé ? Qu'en est-il de la relation avec sa jeune soeur et de l'impact émotionnel que sa mort pourrait avoir ? Pourquoi ne s'interroge-t-elle pas sur son métier de trader qui participe aux inégalités du monde ? Cette femme est malheureuse à s'en rendre malade et je n'ai pas su dire si c'était à cause de sa couleur de peau, de son métier dans la finance ou de l'absence d'amour dans sa vie.
En dehors de ces réserves, je trouve qu'"
Assemblage" de
Natasha Brown est un livre étonnant qui met brillamment en lumière les inégalités bien ancrées de notre époque. C'est un premier roman intelligent, rapide, percutant et puissant qui marque un début impressionnant pour une carrière d'écrivain que je vais suivre.