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Critique de Kirzy


Kirzy
12 novembre 2022
°°° Rentrée littéraire 2022 # 45 °°°

Le roman s'ouvre sur la catastrophe d'Aberfan découverte pour ma part avec la saison 3 de la série The Crown qui la présentait comme le plus grand regret d'Elisabeth II ( elle avait beaucoup trop tardé, huit jours, pour se porter à la rencontre de ses sujets en deuil . le 21 octobre 1966 à 10 heures du matin, l'écroulement d'un terril déverse des centaines de tonnes de débris miniers sur l'école de la petite ville d'Aberfan, pays de Galles, tuant 144 habitants dont 116 enfants. Un appel est lancé à tous les thanatopracteurs du pays pour faire face à la situation.

Le jeune embaumeur William Lavery, 19 ans, fraichement diplômé, s'y rend. A son retour, il est mentalement brisé, pas nécessairement par l'horreur de la tâche à accomplir sur autant d'enfants à peine identifiables, mais à cause de la remontée de souvenirs lorsqu'il entend le Miserere d'Allegri à la radio. Quelque chose de douloureux qui sommeillait en lui le bouleverse au point de remettre radicalement en cause tout ce qu'il a construit jusque là. Ainsi, des questions se posent assez vite pour le lecteur : pourquoi William refuse-t-il de voir sa mère alors qu'il est orphelin de père et qu'il vit avec son oncle homosexuel, et son compagnon ? Pourquoi ne parle-t-il plus à son meilleur ami Martin ? Pourquoi a-t-il arrêté de chanter alors qu'il était promis à bel avenir de soliste ? Pourquoi est-il devenu embaumeur comme son père et son oncle ?

Une terrible délicatesse est un pur mélo, genre éminemment casse-gueule qui peut vite virer au tout-pathos lacrymogène. Forcément, avec des premiers chapitres sur Aberfan, les clignotants « danger » sont à leur maximum. Mais Jo Browning Wroe a trouvé d'emblée le ton juste en misant sur le respect et la dignité avec une approche qui ne surjoue pas les émotions. Durant tout le récit, elle parvient à rester en équilibre sur cette périlleuse ligne de crête tout en touchant profondément le lecteur avec le très beau personnage de William.

William n'est pas forcément un personnage immédiatement aimable, assez dur, têtue. Puis on voit sa personnalité évoluer, ou plutôt on apprend à la percer et la comprendre à mesure que l'autrice déploie ses nombreuses analepses pour éclairer le passé de William et notamment les années charnières passées à l'internat de Cambridge comme enfants choristes ( il était le plus doué d'entre eux ).

La construction peut sembler confuse avec son nomadisme temporel permanent. Les ellipses temporelles sont parfois longues mais permettent de placer pertinemment la focale sur des moments clefs de la vie de William. Avec comme beau fil conducteur le Misere d'Allegri et la chanson traditionnelle galloise Myfanwy, le récit enveloppe William. Même si on devine dans quelle direction va aller sa voie de résilience, la profondeur émotionnelle du roman humecte les yeux, touchés qu'on est de voir humanité et compassion venir au secours d'une âme blessée, effacer les douleurs invisibles et libérer jusqu'à accompagner William vers le pardon.

Une très belle leçon de vie par le biais des mots.
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