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Critique de Lemondeetmesyeux


160 pages environ. Voilà ce qu'il aura fallu à Edith Bruck pour faire le récit de la première moitié de sa vie. Et quelle vie... Je doute qu'elle serait d'accord pour dire qu'elle a eu une destinée hors du commun. Cela signifierait qu'elle concèderait avoir été au-dessus du lot et elle est, à mon avis, trop humble pour ça.

Quand il s'agit de la Shoah, la plupart des témoignages des survivants entendus racontent le voyage aller en wagon, la vie dans les camps, leur libération... et s'arrêtent là. Nous donnant alors l'impression que les rescapés ont bénéficié d'une sorte de rapatriement sanitaire chez eux et ont repris tranquillement leur vie d'avant, comme si ce qu'ils avaient vécu après était moins digne d'intérêt. Pour illustrer ce constat, je pourrais parler de l'oeuvre de Primo Levi. Si tout le monde connaît Si c'est un homme (23645 lecteurs à ce jour sur Babelio), peu de gens connaissent en revanche l'existence de la trêve (108 lecteurs). La trêve commence là où Si c'est un homme s'est arrêté, c'est à dire à la libération du camp d'Auschwitz par les Russes et raconte le voyage de l'auteur de plusieurs mois à travers l'Europe de l'Est qui le ramènera chez lui. Si c'est un homme m'avait accablé bien sûr mais j'avais déjà été mise au courant de l'horreur des camps. La trêve a littéralement changé ma vision de la Shoah en en repoussant les frontières temporelles au delà de la fin officielle de la guerre.

Dans le pain perdu, Edith Bruck partage également toutes les difficultés matérielles, administratives et sociales qu'elle a rencontrées lors de son voyage retour. Je crois que ce qui m'a le plus marqué, c'est l'attitude hostile de la population civile mais aussi celle de la propre famille d'Edith quand enfin elle revient auprès des siens. Un témoin gênant qui empêche d'aller de l'avant. Voilà à quoi elle est réduit.
C'est là que mon admiration pour elle arrive à son comble. Cette énième épreuve ne la met pas à terre. Certes, elle a vécu bien pire. Et sans une plainte, ni rancoeur elle s'anime et commence à vivre comme elle l'entend. Dans un monde post apocalyptique où tout élément de stabilité est vécu comme un salut miraculeux, elle se met à travailler, à s'exiler et surtout à se marier par utilité non pas une, ni deux mais trois fois en quatre ans.

J'écris cette critique de longs mois après en avoir fait la lecture et je crois que j'aurais été incapable d'écrire tout ça sitôt ma lecture achevée. Preuve que le pain perdu ne vous inspirera peut-être pas instantanément, mais que vous pouvez en revanche faire confiance à la plume simple et percutante d'Edith Bruck pour graver votre coeur pour longtemps et faire de cette grande dame une indéfectible source d'inspiration.
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