Cette haine qui ressemble a l'amour

Assis dans la bulle de savon de l'hélicoptère, le colonel survole les steppes où tout est figuration concrète de l'abstrait. Il revient d'une tournée chez les tribus dispersées sur les plateaux... les Chématas, et la poussière des fractions qui les compose... les Béni Hillal barricadé dans les palmeraies agonisantes, derrière les murs de boue séchée qui évoquent Memphis et Babylone... les Oulid-Adda qui errent derrière les troupeaux et les Chellalis, tapis au fond des trous creusés dans les falaises, comme des troglodytes. Il a rassemblé les "kebars"... les notables... goûté le lait aigre et les dattes sures, et bavardé de tout et de rien avec les hommes près des koubas grises, à l'ombre parcimonieuse des palmes.

L'eau de lune...
De vieilles recettes transmises depuis Rome, la Phénicie ou l'Egypte, couraient la montagne et les plateaux. Toutes semblables et toutes différentes. Les femmes les avaient lentement mêlées au cours des âges... n'en retenant que ce que la forme concrète de l'énoncé avait d'effrayant... négligeant jusqu'à l'oubli la trame translucide des symboles.
L'eau de lune...
Tu iras dans le cimetière quand la pleine lune se lève et qu'elle n'est encore qu'un étrange disque rouge à peine arraché à la terre... Tu ouvriras une tombe, depuis longtemps fermée... et, prélevant les os d'un squelette, tu les pileras dans un bol, tout en prononçant les formules... Puis dans l'eau ainsi obtenue tu feras macérer des cheveux... des poils, ou des ongles de la créature que tu veux atteindre...
Fawzya arrêta sa course brusquement, et jugée sur une pierre du chemin, elle regarda vers le cimetière.