Ce 2e tome de la vulgarisation de L'Iliade d'Homère est moins décousu mais plus répétitif que le tome 1 : les Achéens attaquent Troie avec l'aide d'un Olympien, les Troyens contre-attaquent avec l'aide d'un Olympien, et ainsi de suite... Les games of thrones divins se superposent ainsi aux games of thrones humains, et Achéens et Troyens sont des pions entre les mains des Olympiens (mais j'aurais bien aimé qu'on m'explique pourquoi dans le tome 1 Zeus observait une stricte neutralité dans son rôle d'arbitre impartial, alors que dans ce tome 2 il choisit sans ambiguïté de soutenir les Troyens). On passe donc du duel entre Ajax et Hector au duel entre Achille et Hector : Agamemnon a insulté Achille, donc Achille boude, les Troyens repoussent les Achéens à la mer, Patrocle revêt les armes d'Achille pour bouter les Troyens hors du camp achéen avant de les poursuivre jusqu'au pied de leurs murailles... Par-dessus cela il y a les tribulations divines, et la dénonciation de l'hybris : perso je préfère les version du mythe où la place du surnaturel est limité (David Gemmell en roman, Eric Shanower en comics, Wolfgang Pertersen en film).
Graphiquement c'est satisfaisant mais mainstream, malgré quelques trouvailles comme la planche qui mêle eros et thanatos, ou la mise en scène de la colère d'Achille... Sinon Alerte Enlèvement : en 100 pages toujours pas de nouvelles d'Hélène...
Les appendices de Luc Ferry sont toujours aussi imbuvables : il ne dit pas que des conneries, mais c'est noyé dans un salmigondis mêlant grandiloquence, redondances, lapalissade, contradictions, anachronismes, digressions, digressions dans les digressions, le toute dans le plus pur style de L'Âcadémie Française... En voulant vulgariser un un récit accessible à tous, il réussit l'exploit de transformer un mythe universel en branlette intellectuelle pour l'élite philosophique : en arriver à ce point-là c'est prodigieux ! (le pire étant qu'au final le message que veut faire passer Luc Ferry, je l'ai déjà lu des centaines de fois dans oeuvres étiquetées « divertissement pour les masses » qu'il méprise tant, et que c'était beaucoup plus claire, plus simple et plus vrai !). Pour résumer, grâce aux allocations sociales l'Etat Providence a relayé le christianisme pour soulager les masses anonymes de leurs angoisses existentielles, mais le vulgus pecus démocratique doit philosopher comme les aristocrates stoïciens pour transformer son inévitable mort noire en bonne mort... Sauf qu'entre la mort pour les masses incultes et la mort pour l'élite philosophique, ben reste juste la mort qui finalement rend tous égaux, et qu'il n'y a guère de différence entre le prolo qui vit sa vie sans rien demander à personne et l'aristo qui se masturbe en réfléchissant au sens de vie... (Et puis les grands stoïciens comme Sénèque qui écrivait que le philosophe doit être maître de ses passions mais que ne buvait que vin de Falerne dans des coupes en argent, on se passera bien de leurs leçons de morale !) Les récits homériques sont les héritiers des chansons de gestes que les aèdes devaient mettre en scène pour un public aristocratique, mais ils ont été mis par écrit à la grande époque de la démocratie athénienne : le monde grec a tenté l'aventure démocratique, et au final les crevards ploutocrates ont gagné la lutte des classes, mais ceci est une autre histoire...
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