Le Taoïsme. Chemins de découvertes

Or cette conception du corps comme celle d'un ensemble organique fonctionnel n'appartient pas seulement au Taoïsme mais aussi à la MTC. Ainsi en mettant en parallèle cette présentation schématique du corps de Yanluo Zi avec les représentations classiques des viscères utilisés dans les manuels de MTC, on constate qu'elle perd beaucoup de l'apparence ésotérique qu'elle semble avoir à première vue.

Dans la perspective de cet ouvrage [yinjiing] "le patient n'est jamais coupable d'avoir commis des actions qui auraient provoqué son mal ; la maladie est donc considérée comme totalement injuste pour celui qui la subit". Cette perspective [taoïste] totalement non-culpabilisante tranche avec la perspective du Moyen Âge chinois et celle du bouddhisme selon laquelle " la maladie était toujours liée au péché", en attribuant la cause, soit au patient lui-même, soit indirectement aux fautes de ces ancêtres.

Le Tao représente ce qui, pour toute chose, permet et suscite, en dernier ressort, tout mouvement et toute transformation. La possession du Tao sera par conséquent progressivement assimilée à la vie comme sa perte le sera à sa mort. Les différentes alternances de la vie, y compris celles de la santé et de la maladie, seront, dans ce schéma, comprises comme autant d'expression dialectique yin et yang. Or c'est le modèle qui servira de référence essentielle à la médecine traditionnelle chinoise (MTC). La stratégie thérapeutique fondamentale de la MTC consistera à essayer de "maintenir" ou, dans le cas d'une situation pathologique, de "ramener" la vie à se rythme structurant du yin et du yang.

La conception du corps qui se développa au fil des siècles dans les différentes traditions taoïstes, autant philosophiques que religieuses, étaient éminemment pragmatique. L'efficacité thérapeutique des pratiques préconisées était toujours fortement mise en évidence. C'était la un critère fondamental de leur popularité dans la population chinoise.

Ce jeu des cinq animaux va être repris par toutes sortes d'écoles et transmis entre autre par de nombreux taoïstes. La tradition mettra en parallèle les enchaînements des cinq animaux avec les cinq mouvements de la cosmologie traditionnelle, expliquant par exemple que la douceur tranquille du cerf est capable de vaincre la colère du foie (Bois), la férocité du tigre de vaincre les excès de joie du coeur (feu), la stabilité ferme de l'ours de rendre sa stabilité à la rate (terre) l'agilité dynamique du singe de vaincre la tristesse envahissante des poumons trop passifs (métal), et la légèreté de la grue rassembler les reins paralysés par la peur (eau).

Ces enchainements prenaient en exemples cinq animaux, dont on espérait acquérir la vertu spécifique en imitant leurs comportements : du tigre on cherchait la férocité, du cerf la douceur, de l'ours la fermeté, du singe l'agilité, et de la grue la légèreté de son envol.

Les salles de bol où on procédait à ces méditations visant à éliminer les sentiments et apaiser la nature des pratiquants vont être conduites à partir du XIVe siècle et jusqu'à nos jour. Toute une symbolique sera progressivement ajouté à ces exercices.

La tradition liturgique des maîtres célestes donnent aux femmes un statut en tout point identiques aux hommes, et la maîtrise est accessible aux uns comme aux autres. Au moyen âge l'exemple réclamait une parité d'hommes et de femmes, et les épouses de Dignitaires étaient au même rang religieux que leur maris. Aujourd'hui encore, la transmission héréditaire qui légitime les officiants peut passer en lignée maternelle comme en lignée paternelle.

La conception du corps et des différents éléments susceptible de favoriser sa saine évolution qu'on trouve dans le Taiping jing représente par conséquent une synthèse globale dans laquelle les lecteurs peuvent trouver pêle-mêle les différentes méthodes disponibles à la fin des Han pour mieux vivre son corps.

Seuls possèdent l'art de vivre selon leur corps, ceux qui savent d'adapter aux circonstances.