AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de BMR


BMR
31 janvier 2015
Pour celles et ceux qui aiment les barjots en quête de rédemption dans le désert texan.
Au Texas, les dieux nous sont tombés sur la tête.
Un roman , un polar, de James Lee Burke mais sans son flic fétiche Dave Robicheaux : Burke remet en scène dans ce roman récent, un ancien héros, un shérif, qu'il avait déjà installé au début de sa carrière, une sorte de prototype de Dave Robicheaux.
Et l'on quitte la Louisiane pour retrouver le Texas où est né Burke.
Un Texas écrasé de chaleur et saturé de poussière.
Voilà pour les nouveautés.
Pour le reste, Dieux de la pluie, c'est du grand James Lee Burke : une écriture toujours aussi foisonnante, riche, un roman toujours aussi tordu et complexe où tout devient prétexte à histoire(s), où même une simple église en bois recèle tout un passé, où même le moindre personnage secondaire possède toute une densité.
Avec toujours ce sentiment diffus d'une certaine confusion où il faut accepter de se laisser porter, emporter, dans une histoire très noire, aussi noire que l'âme humaine.
Dès les premières pages, nous voici plongés en enfer : à la frontière mexicaine, une dizaine de filles asiatiques, moitié putes, moitié mules, viennent de se faire hacher à la mitraillette et enterrer au bulldozeur. Celui ou ceux qui ont fait cela n'ont même pas pris la peine de vérifier si elles étaient bien mortes avant de passer le tractopelle.

[…] – Ces femmes orientales, à Chapala Crossing ? C'est pour ça que vous êtes là ?
– Certaines étaient des gamines. Elles ont été abattues à la mitraillette, puis enfouies par un bulldozer. Au moins l'une d'entre elles était sans doute encore vivante. »

Après la découverte de l'horrible boucherie du début, il ne se passera presque plus rien : ce qui intéresse James Lee Burke, ce n'est pas le côté polar, l'intrigue policière, mais ses personnages, les âmes de ses personnages, qu'il a plongés dans cet enfer (et nous avec).
Toute une galerie de multiples acteurs aux motivations et alliances un peu confuses qui vont s'éclaircirent peu à peu au fil de ce gros pavé.
Le shérif Hackberry Holland et sa jeune adjointe Pam Tibbs aux relations (et aux passés) complexes (Hackberry n'était pas revenu indemne de Corée).
Un jeune couple de paumés, embarqués dans cette sale histoire : Vikky la chanteuse de country et Pete, le GI qui n'a pas l'âge de la Corée mais qui regrette d'être revenu (pourtant pas plus indemne) de l'enfer du moyen-orient.
Nick le proxénète juif, exilé de la Nouvelle-Orléans depuis Katrina, et qui est peut-être à l'origine de tout ce bazar.
Esther, la charmante épouse de Nick, au prénom biblique qui lui sauvera la vie.
L'inspecteur Clawson des services de l'immigration et des douanes US, un officier trop border-line (excusez pour le jeu de mots) pour être clean et rester couvert par ses supérieurs.
Une bande de motards et pas mal d'affreux jojos, dont un irlandais et un russe en plus du juif, dont on ne sait pas qui en veut à qui (en fait c'est simple, voici un indice : tout le monde en veut à tout le monde et personne ne se fait confiance).
Et puis les agents fédéraux du FBI qui ont leurs propres cibles.
Tout ce joli petit monde se croise et se décroise sur les routes du Texas, sur l'air de I get around, parfois sans même se voir, entre motels miteux et diners crasseux.

[…] – Je pense que cet endroit est un asile psychiatrique en plein air.

Et puis il y a le plus barjot des barjots, le Prêcheur, dont on peine (dont tout le monde peine !) à deviner les motivations, capable du meilleur comme du pire, le plus souvent embarqué dans des délires mystiques.
Un type capable de vous découper le petit doigt sur le coin de votre bureau si ça peut faire avancer la discussion, un expert en grammaire et en mitraillette :
Ce Prêcheur qui campe sur la tombe de sa mère et qui mérite indiscutablement son entrée au panthéon des grands fêlés.
À peine arrivé à mi-parcours on comprend un peu mieux qui a fait quoi, qui a commis quoi, qui court après qui et pourquoi, mais il reste encore de nombreuses pages et, tout comme les personnages, on n'est pas encore sorti de cet enfer !
Certains lecteurs seront, comme nous, peut-être un peu gêné par l'empreinte mystico-religieuse (rédemption, grâce, culpabilité, …) qui est un peu la marque de fabrique de James Lee Burke et qui est ici un peu trop pesante, parfois.
Mais entre chaleur et poussière, à mesure que les cadavres s'empilent, au fil de ces pages pessimistes en dépit d'un peu de lumière apportée par les personnages féminins, on comprend vite que les Dieux de la pluie ont quitté le Texas depuis bien longtemps :

[…] C'est un de ces anciens dieux de la pluie. Il y en avait beaucoup qui vivaient ici quand c'était une immense vallée pleine de blé. Mais les dieux de la pluie sont partis. Et ils ne reviendront pas.
– Comment sais-tu ça ?
– Ils ont pas de raison de revenir. On ne croit plus en eux. »

Brrr…..

Lien : http://bmr-mam.blogspot.fr/
Commenter  J’apprécie          10



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}