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Critique de Cigale17


J'ai reçu ce livre dans le cadre d'une masse critique ; je remercie les éditions Presses de la cité et Babelio pour cet envoi.

C'est le premier livre d'Alafair Burke que je lis et la quatrième de couverture m'a appris qu'elle était la fille de James Lee Burke ; cet auteur est pour moi un des très grands auteurs américains vivants, tous genres littéraires confondus. J'ai souri en constatant que la « vraie » fille de J. L. Burke porte le même prénom que la fille adoptive de Dave Robicheaux, le personnage principal de la série que je préfère. Alafair Burke connaît son sujet : elle a été juge dans une cour d'appel, procureure-adjointe à Cleveland, spécialisée dans les affaires de violences domestiques ; elle a aussi assuré la liaison avec la police et elle intervient souvent comme commentatrice juridique pour les médias. de plus, si elle ne pratique plus le droit, elle l'enseigne toujours.

N'empêche ! au début, j'ai craint le pire : toute cette histoire me semblait un peu trop dans l'air du temps et j'avais peur d'être embarquée dans des situations mille fois rencontrées… Ce n'est pourtant pas le cas. Le prologue de ce roman en quatre parties nous plonge directement dans l'action. Une narratrice à la première personne, harcelée depuis douze jours par des journalistes, tente d'ignorer l'inspectrice de police qui frappe à sa porte. Elles se sont déjà rencontrées et Angela pense que l'inspectrice veut parler à son mari, Jason. En fait, elle veut savoir où était Jason la veille au soir… et Angela, sans même savoir de quoi il retourne, va mentir pour protéger son mari. Le lecteur comprend que Jason est harcelé par une femme, Kerry Linch, que celle-ci a disparu, que Jason et Angela ont un fils, Spencer, que Jason a une avocate, Olivia Randall, qu'Angela a eu affaire à la police douze ans plus tôt, et que l'inspectrice tente de la mettre en garde : son mari pourrait les entraîner dans sa chute, Spencer et elle. Angela appelle son mari au travail : « Je t'en prie, dis-moi que tu n'as pas fait ça à cause de moi ». Beaucoup de renseignements dans ces quatre pages, mais il faudra attendre la page 306 pour en revenir à cette étape-là du récit... Dans le premier chapitre qui nous renvoie une douzaine de jours avant le prologue, Angela apprend de la bouche même de son mari qu'une stagiaire l'a accusé de sexisme et qu'elle est allée se plaindre auprès d'un collaborateur de Jason. Ni l'un ni l'autre ne prennent l'histoire trop au sérieux, mais quatre jours plus tard, Rachel, la stagiaire, porte plainte contre Jason. Nous sommes page 24.

Et puis, alors que vous pourriez avoir l'impression d'avoir déjà lu cette histoire, Alafair Burke dévoile un élément qui touche Jason, ou Spencer, ou Angela, ajoute ou retranche quelque chose, donne une explication sur un point obscur et vous entraîne là où vous n'aviez pas prévu d'aller. Il y a beaucoup de secrets dans ce couple ! Le narrateur à la troisième personne qui suit l'enquêtrice, Corrine Duncan, ignore des éléments que connaît le lecteur, mais vient confirmer ses certitudes ou infirmer ce qu'il avait pris pour une vérité. Le memo qu'Olivia, l'avocate de Jason, verse au dossier, ainsi que les courriels qu'ils échangent éclairent aussi la situation d'un jour nouveau. Ainsi les personnages se trouvent petit à petit poussés dans leurs retranchements et les secrets finissent par refaire surface.

J'ai bien aimé ce roman qui présente une intrigue finalement complexe, contrairement à ce que pourrait laisser croire le début. Les personnages nous sont dévoilés peu à peu et ils se révèlent pleins de contradictions. Qui croire ? Tous mentent à un moment à ou à un autre, même Angela, si convaincante. Jason, séduisant, talentueux, charismatique, engagé et amoureux de sa femme est-il vraiment un harceleur, voire un prédateur sexuel ? Qu'est-il donc réellement arrivé à Angela il y a douze ans ? Rachel fabule-t-elle, a-t-elle exagéré ? Et Kerry ? amoureuse ? vénale ? L'opinion que j'avais des personnages s'est modifiée au fil des révélations. En plus de la trame de l'enquête très bien menée et de la progression des tractations inhérentes à la justice américaine, cette histoire fait écho au mouvement #metoo et à #balancetonporc. Les difficultés qu'éprouvent les victimes quand elles portent plainte, les immédiates suspicions auxquelles elles sont confrontées se trouvent particulièrement bien rendues. La sensibilité et la grande expérience de l'inspectrice Corrine Ducan, son attitude si différente de celle de certains de ses collègues masculins mettent en lumière les préjugés qui perdurent. Le portrait qu'elle dresse des victimes, sa compréhension de leurs hésitations, des demi-vérités par lesquelles elles essayent de se protéger, de se « préparer à ne pas être crues », sa compassion, sa pugnacité en font le personnage le plus attachant du roman.
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