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Critique de Presence


Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il comprend les 4 épisodes de la minisérie, initialement publiés en 1986, écrits par Kurt Busiek, dessinés et encrés par Trina Robbins, et mis en couleurs par Nansi Hoolahan. Il comprend également une histoire courte (6 pages) publiée dans Wonder Woman annual 2 (écrite par Lee Mars, dessinée par Trina Robbins), et l'épisode 318 de la série initiale, écrit par Kurt Busiek, dessiné par Irv Novick, encré par Rick Magyar.

Forgotten legends - L'histoire commence à Themyscira, alors que les amazones sont convaincues que Diana est morte pendant Crisis on infinite Earths (1985/1986, par Marv Wolfman & George Perez). La reine Hippolytha soigne son chagrin en utilisant une sphère magique qui lui permet de revoir le passé, en particulier sa fille dans les années 1940. Alors que Wonder Woman est à la tête d'une parade militaire, faisant virevolter son bâton de majorette aux côtés de Steve Trevor, Queen Atomia apparaît dans le ciel chevauchant un robot métallique, juste devant le Lincoln Memorial. Les robots attaquent Wonder Woman, pendant que les soldates d'Atomia attaquent des civils et des militaires pour les capturer et les transporter sur leur monde. Après avoir sauvé d'autres civils, Wonder Woman ne peut que constater l'enlèvement qui a eu lieu, Steve Trevor faisant partie des individus enlevés.

Une fois la bataille passée, Wonder Woman a la surprise de voir une jeune fille (une dizaine d'années) s'approcher d'elle, expliquer qu'elle s'appelle Suzie et qu'elle est la soeur d'Etta Candy. Après avoir vérifié auprès de cette dernière, Diana Prince accepte de s'occuper de Suzie pendant quelques jours. Suzie a vite fait de découvrir le pot aux roses concernant l'identité de Wonder Woman. Queen Atomia a tôt fait de revenir sur Terre pour continuer sa mystérieuse besogne. Alors qu'un nouvel affrontement contre Wonder Woman est en train de mal tourner pour cette dernière, une guerrière du Monde des Miroirs apparaît et vient à leur secours. Malheureusement, Queen Atomia réussit à endommager le vaisseau de cette samaritaine, et il s'écrase sur sa planète. Sur le Monde des Miroirs, Diana et Suzie sont accueillies par les 2 reines Leila et Solala.

Dans l'introduction, Trina Robbins (née en 1938) explique clairement son intention. Elle avait été contactée par un responsable éditorial de DC Comics pour réaliser une histoire de Wonder Woman, et elle avait clairement répondu que ce qui l'intéressait était de rendre hommage aux premières aventures de la superhéroïne, celles qu'elle lisait quand elle était encore une enfant et qui la faisaient rêver. Elle évoquait les premières histoires de Wonder Woman, celles écrites par William Moulton Marston (1893-1947), et surtout dessinées par Harry G. Peter (1880-1958). Effectivement, en parcourant rapidement ce tome, le lecteur observe des dessins simplifiés, réalisés pour un lectorat très jeune. Il repère également que comme HG Peter, Robbins ne se focalise pas sur les muscles de l'héroïne ou sur des postures de puissance, que les expressions des visages restent dans une gamme restreinte, que les décors sont simplistes (mais pas inexistants) et allégés, et que les couleurs sont assez vives. Toujours dans l'introduction, l'artiste indique qu'elle a été mise en confiance parce que le travail d'écriture du scénario (sur la base de ses idées) ait été confié à Kurt Busiek, un auteur appréciant également l'époque du Golden Age des comics américains.

Aussi, s'il est venu pour une histoire moderne de Wonder Woman (sans avoir perçue l'intention clairement affichée sur la couverture, jusqu'au logo originel), le lecteur découvre une histoire racontée à l'ancienne, avec de copieuses bulles de pensée explicatives, une intrigue comprenant des éléments surréalistes générant une poésie naïve, et un déroulement qui ne correspond pas à la structure des comics des années 1980, avec une mise en avant des personnages féminins, certaines se conduisant comme des pimbêches. Il se demande alors ce qui l'a poussé à tenter cette lecture, ce que Busiek avait fumé avant de sortir du chapeau une explication sur la physique quantique très décalée, et s'il était vraiment indispensable de ramener les kangas de Paradise Island, des montures à la morphologie évoquant celle du kangourou. Il ne retient finalement que l'utilisation simpliste de la mythologie grecque, mais avec des personnages moins connus qu'Héraclès : Persée (fils de Danaé & Zeus), Jason d'Iolcos, Oenomaos, Hippodamie & Pélops.

S'il a déjà eu la curiosité de lire les premiers épisodes de Wonder Woman (ceux de 1941 par Moulton & Peter), le lecteur apprécie beaucoup plus le récit. Cela reste une histoire enfantine à l'imagination éloignée des standards des comics modernes. Mais il se produit un phénomène inattendu. Il retrouve bien l'approche visuelle de HG Peter, avec des silhouettes assez fines, en particulier celle de Wonder Woman. Il y a les postures des personnages, assez peu réalistes, dénotant plus leur intention, le principe de leur action, que relevant vraiment d'une position naturaliste. Les décors n'apparaissent pas dans toutes les cases, mais le lecteur n'a jamais de doute sur le lieu où se déroule une action. Les environnements sont représentés de manière très simplifiée, mais là encore en transmettant bien leur nature. Les temples gréco-romains de Themyscira ne sont pas réalistes, n'évoquent que de loin ceux d'Athènes ou de Rome, mais le lecteur comprend immédiatement ce dont il s'agit. L'objectif de l'artiste n'est pas de produire des cases photoréalistes, mais d'évoquer des bâtiments ou des vêtements, ou plutôt leur principe. Peu importe que l'architecture ne soit pas respectée, ou que les tuniques des amazones ne soient pas pratiques, ou même que le bustier de Wonder Woman risque de ne pas suivre ses mouvements pendant les affrontements physiques. L'objectif est de faire rêver le lecteur avec des éléments sortant de l'ordinaire, quitte à abuser de la licence artistique.

Sous réserve qu'il adapte son horizon d'attente en matière de dessin, le lecteur peut alors se rendre compte des qualités de ce type de dessins. Pour commencer, Wonder Woman se retrouve débarrassée de toute connotation sexuelle, pour devenir un individu courageux sur qui on peut compter. Ensuite, ces dessins quasiment naïfs donnent une grande crédibilité au comportement de la fillette Suzie. Leur approche poétique permet de faire coexister les éléments les plus disparates dans un monde cohérent : une jeune femme peu vêtue qui vole, une femme qui chevauche un robot volant humanoïde, des prisonniers humains à la santé défaillante car empoisonnés par des radiations, des montures en forme de kangourou, et des grottes aux couleurs pastel. Effectivement, Trina Robbins a atteint son objectif de rendre hommage aux caractéristiques graphiques des pages de HG Peter, en respectant l'esprit de ses dessins, avec une apparence un plus polies, un peu plus agréable à l'oeil du lecteur moderne, mais sans faire de concession sur l'esthétique des superhéros de l'âge moderne, de l'âge de bronze, ni même de l'âge d'argent.

De son côté, Kurt Busiek sait intégrer des éléments de l'âge d'or des comics, comme le personnage de Paula von Gunther, ou de Steve Trevor dans sa version initiale, en les traitant comme des vrais personnages autonomes, et pas de simples figurants dédiés à mettre en valeur Wonder Woman. Il intègre des références choisies à la mythologie grecque et il raconte une histoire bien construite. Certains rebondissements ramènent effectivement à une époque où les auteurs pouvaient recourir à des explications pseudo scientifiques relevant de l'affabulation, mais dans le même temps, il y a bien une progression dans l'intrigue, suivant un fil directeur solide. Conformément aux histoires auxquelles il rend hommage, Busiek intègre une dimension morale à son histoire, avec une leçon donnée à Suzie, à la fois par les conséquences des actes de Jason d'Iolcos et de de Pélops, mais aussi par l'exemple donnée par Wonder Woman. Malgré tout, le lecteur sent son attention baisser dans la dernière partie, du fait d'une résolution trop gentille, manquant de dynamisme.

Cependant le lecteur se rend aussi compte que cette histoire a produit un effet très inattendu de vulgarisation. Trina Robbins et Kurt Busiek ont su capturer l'esprit des premières aventures de Wonder Woman et y insuffler leur respect et leur passion. D'une certaine manière leur histoire constitue une pierre de Rosette permettant à un lecteur contemporain de comprendre plus facilement ce qui pouvait enthousiasmer les lecteurs de la série Wonder Woman dans les années 1940, en quoi ses caractéristiques la rendaient unique et novatrice, adaptée à un lectorat féminin jeune. S'il ne tombe pas complètement sous le charme de ces dessins à l'apparence naïve et du scénario trop bon enfant, il découvre que le récit remplit son office de passeur vers ceux de William Moulton Marston & HG Peter, ce qui constitue déjà une prouesse. le lecteur achève cette histoire avec le sentiment d'avoir pu partager le plaisir d'une fillette découvrant Wonder Woman dans des aventures hautes en couleurs, avec une sensibilité plus féminine que testostéronée. 4 étoiles. Par la suite, Trina Robbins a eu l'occasion d'écrire une autre histoire de Wonder Woman : Wonder Woman: The once and future story (1998) avec Colleen Doran. le lecteur curieux d'en apprendre plus sur cette créatrice non conformiste peut se référer à Last girl standing, une autobiographie partielle.

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Play like (8 pages, Lee Marrs & Trina Robbins) - 2 enfants frère & soeur (Mei-Mei & Han) ont gagné un séjour sur Paradise Island (Themyscira), sous la supervision de Diana. le jeune garçon Han montre un certain goût pour la violence physique malgré son jeune âge.

Il s'agit à nouveau d'une histoire dessinée par Trina Robbins avec une approche graphique similaire à celle de la première histoire, mais avec un niveau de détails un peu supérieur. La scénariste Lee Marrs (née en 1945) propose une histoire mettant en évidence la limite de la résolution des conflits par la force et l'agressivité, à nouveau à destination d'un jeune public, avec un réel savoir-faire.

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Épisode 318 (16 pages) - Diana est sous le joug d'un cauchemar dans lequel Themyscira a été dévasté par des envahisseurs extraterrestres. Réveillée en sursaut et inquiète, elle utilise son lasso pour se rendre sur l'île. Elle y découvre les bâtiments dévastés, et une statue d'elle en commémoration de sa mort il y a des années de cela.

Le temps d'un épisode bouche-trou, Kurt Busiek propose une histoire complète en 1 épisode, mettant en avant les capacités guerrières de Wonder Woman, mais aussi sa confiance en elle, sa volonté d'aller de l'avant de manière constructive, ce qui fait d'elle un vrai modèle au sens moral du terme. Les dessins d'Irv Novick (1916-2004) évoque par moment ceux de Gene Colan, avec un encrage acéré de Rick Magyar, pour un rendu vif et des prises de vue faciles à suivre.
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