AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Zebra


« The Postman Always Rings Twice » (en français, « Le facteur sonne toujours deux fois ») est un polar écrit en 1934 par James Cain. Dans la collection le Livre de Poche, l'ouvrage, édité en 1957, fait 185 pages. La quatrième de couverture, un extrait de la superbe préface écrite par Irène Nemirowsky, donne de suite le ton : « Littérature brutale, ardente, fiévreuse et frénétique, sans une once de raffinement, littérature-en-coups-de-poings, qui plait malgré cela, ou à cause de cela, selon les tempéraments... On y goute quelque chose de sain, de vif et de fort qui ne se trouve actuellement nulle part ailleurs. »

L'histoire est d'une simplicité enfantine. Franck, la trentaine, vagabond et routard invétéré, court après son bonheur. Un jour, il rencontre Cora à la Taverne des Chênes-Jumeaux, une gargote comme il en existe des milliers le long des routes californiennes. Cora est mariée à Nick Papadakis, un Grec sympathique, dotée d'une belle voix de ténor, adorant chanter au milieu des voitures qu'il doit réparer (Nick est garagiste). Cora et lui tiennent un restaurant routier attenant au garage. Cora vit aux côtés de Nick qu'elle trouve gras, puant et trop routinier pour elle. Ayant travaillé pendant deux ans dans une cantine de Los Angeles, Cora a gagné un concours de beauté organisé par l'école supérieure de Des Moines. Décidée à prendre le premier type un peu fringué qui se présentera, Cora réalise que Franck peut lui ouvrir de nouvelles perspectives, moins monotones. Cora séduit Franck et le décide à l'aider à se débarrasser de Nick. Comment ? Simple : l'assommer avec un sac à sucre bourré de roulements à bille pendant qu'il prend son bain dominical dans la baignoire ; ensuite, lui plonger la tête sous l'eau, le noyer, se débarrasser du sac, appeler un docteur et faire constater le décès de Nick par noyade accidentelle (il a glissé, s'est fracassé le crâne et s'est noyé). Pas mal imaginé, sauf que … ça rate : le Grec en réchappe avec un fort traumatisme crânien. Qu'à cela ne tienne, Cora et Franck organisent un faux et banal accident de la route : deux types ivres (Franck et Nick), de l'alcool versé dans la voiture, une bouteille pleine servant de casse-tête pour que Franck fracasse le crâne de Nick, une voiture dont Franck enclenche la marche avant et qu'il précipite dans le ravin, bref « un assassinat si stupide que ça ne serait plus un assassinat ». Et bien, ça marche ! Nick meurt, broyé dans la voiture qui plonge dans le ravin, mais Franck, en sautant au dernier moment de la voiture, se blesse grièvement. Cora appelle les secours et Franck est soigné à l'hôpital. La police mène l'enquête. Sackett et Katz, ennemis jurés, avocat retors et agent d'assurance filou, essayent chacun de faire pencher la balance à leur avantage : est-ce que Nick avait contracté une police d'assurance de 10 000 $, ce qui expliquerait que Cora l'ait tué avec l'aide de Franck ? Franck et Cora répètent entre eux, et plusieurs fois, les réponses qu'ils doivent donner aux enquêteurs mais ceux-ci les dressent l'un contre l'autre : si ça n'est pas lui qui a fait le coup, alors c'est elle, ou réciproquement ! Cora flanche et avoue la vérité à Katz, mais Katz suggère à Franck de réclamer des dommages et intérêts à la Compagnie d'assurances. Sackett accepte. Franck ne sera donc pas accusé d'homicide par imprudence, ce sera un accident : en contrepartie, il n'y aura pas de dommages et intérêts. Tout est bien qui fini bien ? Cora et Franck s'en tirent par un non-lieu. Mais Cora, qui est enceinte (oui, Franck et elle n'ont pas su résisté à l'appel de l'amour) depuis plusieurs semaines, se sent mal alors qu'elle sort d'une baignade prolongée en mer : Franck l'emmène aux urgences. Paniqué, il roule trop vite et tente un dépassement malheureux : c'est l'accident. Franck en réchappe par miracle, mais Cora est tuée sur le coup. Franck est alors condamné pour le meurtre de Cora. Pourquoi ? Il avait eu, pendant une absence de quelques jours de Cora qui était allé voir sa mère malade, une liaison avec Magde, une éleveuse de pumas. Franck révait de poursuivre sa vie sous de nouveaux horizons ; il n'en pouvait plus de la pression qu'exerçait Cora sur lui, Cora qui voulait à tous prix agrandir le restaurant routier avec une terrasse où on vendrait de la bière, ce qui signifiait des frais et des servitudes inacceptables pour le vagabond né qu'il était demeuré. Et pour aller, libre et fortuné, vers de nouveaux horizons, il fallait évidemment que Franck se débarrasse de Cora. CQFD.

Je ne vous raconterai pas la fin mais ce livre fort, plein de noirceur, sans digressions, bourré de rebondissements, intense, bien écrit, court et bien construit vous séduira. Les personnages sont attachants. le récit à la première personne donne l'impression d'une confession désabusée. Morale de l'histoire ? le crime parfait n'existe pas ; on est toujours rattrapé par la fatalité. Franck et Cora sont deux êtres simples (les dialogues sommaires et populaires s'accordent à merveille à cette caractéristique), deux êtres en perdition, malmenés par la vie. le côté sensuel, vivant, pour ne pas dire torride de Cora vous étonnera peut-être mais James Cain écrit sans voyeurisme, avec beaucoup de pudeur. Au bout de l'adultère, un crime et un châtiment … pour punir un innocent. Ironie du sort, vous ne trouvez pas ? Superbe ouvrage : je mets cinq étoiles.
Commenter  J’apprécie          403



Ont apprécié cette critique (32)voir plus




{* *}