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Critique de Fleitour


Ils touchent presque le ciel, ils sont lumineux, ils dialoguent, se conjuguent, et de leur rencontre émerge une correspondance d'une beauté et d'une profondeur foudroyante.
Albert Camus et Maria Casarès dans le silence de leurs séparations écrivent une prose inouïe par la qualité littéraire mise à nue.


Quand le rideau tombe fin décembre 1959, ce sont nos pleurs qui chiffonnent le papier. L'inacceptable est arrivé au plus grand écrivain du XX ème siècle. Tout se dit et s'écrit sous sa plume avec une intelligence subtile, aimante, prenant toute la vie à bras le corps, les fulgurances de l'amour comme les ténèbres de son siècle, de sa ville, Alger, de son pays.


Pourtant elle sait qu'elle pourrait perdre Albert Camus. Elle pressent qu'un accident peut arriver. La seule chose qui me sépare de toi maintenant et qui me pousse à la folie par instants, c'est l'idée qu'un jour la mort vienne nous obliger à vivre l'un sans l'autre. "Lorsque cette pensée s'empare de moi avec cette acuité ... Avec l'idée que tu n'es plus là et que tu ne seras plus jamais là, toutes mes facultés se brouillent dans un chaos total."


Cette soif de vie Camus l'a exprimée avec force dans son livre L'Etranger. Quel auteur est capable d'écrire un tel livre, avec cette plume, neutre, dépouillée de toute émotion, en la portant au plus haut niveau de l'expression de l'absurde et achever le livre par un appel à la vie, "car s'il ne me reste qu'une heure, je veux la savourer, sans être dérangé par les prêtres, la vie oui, je veux toute la vie". Ce livre dévoile sa position inébranlable contre la peine de mort.

Ce n'était pas un livre qui pouvait s'affirmer dans l'émotion. Ce livre s'affirme pour l'abolition , il restera sur cette ligne de conduite, toute sa vie, et quelque fut l'homme condamné.


Dans cette correspondance il laisse toutes ses fibres confier ses plus belles émotions d'homme, puiser dans ses vagabondages, dans le désert vers une autre lumière, celle des amants, et confier au ciel des vœux fixés à ces étoiles filantes. Qu'ils retombent en pluie sur ton beau visage, là-bas, si seulement tu lèves les yeux vers le ciel, cette nuit. Qu'ils te disent le feu, le froid, les flèches, l'amour, pour que tu restes toute droite, immobile, figée jusqu'à mon retour, endormie toute entière, sauf au coeur, et je te réveillerai une fois de plus...Écrit Camus le 31.07.1948

Mais, l'absence de Maria Casarès, irradie son corps tout entier, un corps privée de sa source, de cette eau qui lave et apaise, car dit-il, j'étouffe, la bouche ouverte, comme un poisson hors de l'eau. J'attends que vienne la vague, l'odeur de nuit et de sel de tes cheveux. AC à MC 24 août 1948


le chassé croisé des lettres s'harmonise pour fluidifier cet intense dialogue à distance, entre Maria Casarès à Albert Camus, les échanges se font plus sensuels et plus poétique le jeudi 30 décembre 1948.


Elle lance," Ah viens vite et tout au creux de tes grandes jambes, lors , tout se fera tout seul... Et je t'emmènerais au milieu du vent, de la pluie battante, des rosaces, des vagues, dans l'odeur du varech, et je te ferais comprendre, "sale lacustre brûlé de soleil", " je t'aime de ce mouvement infini, tout mouillé, salé, où l'on ne peut vivre qu'au passé tellement l'instant est fugitif, et inaccessible".

C'est aussi dans ces échanges épistolaires tournés vers la vie partagée, qu'Albert Camus trouve des accents d'une beauté aveuglante ; nous aimer le plus fort et le mieux que nous pourrons, jusqu'à la fin, dans notre monde à nous, écarté du reste, dans notre île, et nous appuyer l'un sur l'autre pour faire triompher notre amour pas sa seule force, par sa seule énergie, en silence.

Maria Casarès y répond avec cette beauté singulière que donne au coeur l'intelligence de l'âme.
"La mer devant moi est lisse et belle, comme ton visage parfois quand mon coeur est en repos".
"Mais l'amour que j'ai de toi est plein de cris. Il est ma vie et hors de lui, je ne suis qu'une âme morte."

Les deux correspondances se répondent dans une langue à la poésie tenue, une écriture juste qui décuple les énergies de chacun. Ce sont deux amours fructueux, débordant de projets, d'attentions, de connivences, un couple soudé à leur devenir.

"Ta présence, toi, ton corps, tes mains, ton beau visage, ton sourire, tes merveilleux yeux tous clairs, ta voix, ta présence contre moi, ta tête dans mon cou, tes bras autour de moi, voilà tout ce dont j'ai besoin maintenant."
"Que tu m'aides un peu, très peu, et cela suffira pour que j'aie de quoi soulever les montagnes répond encore Camus à Maria Casarès."
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