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EAN : 9782072746178
1254 pages
Gallimard (09/11/2017)
4.39/5   185 notes
Résumé :
Avant propos de Catherine Camus (collection Blanche)


Le 19 mars 1944, Albert Camus et Maria Casarès se croisent chez Michel Leiris. L’ancienne élève du Conservatoire, originaire de La Corogne et fille d’un républicain espagnol en exil, n’a que vingt et un ans. Elle a débuté sa carrière en 1942 au Théâtre des Mathurins, au moment où Albert Camus publiait L’Étranger chez Gallimard. L’écrivain vit alors seul à Paris, la guerre l’ayant tenu éloign... >Voir plus
Que lire après Correspondance (1944-1959) : Albert Camus / Maria CasarèsVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (45) Voir plus Ajouter une critique
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Maintenant je peux me laisser choir dans la joie de l'été, sans autre forme que l'insouciance. La mort pourra bien venir après, malgré l'urgence de nos vies précaires. Il n'est pas facile d'entrer dans la Correspondance de deux êtres qui brûlent d'amour l'un pour l'autre. Parfois, nous hésitons à entrer dans la lumière des autres, ceux qui s'aiment. Je ne suis pas sûr de savoir bien dire les choses ici, je vais sans doute tâtonner un peu avec mes mots. Voilà, la Correspondance entre Albert Camus et Maria Casarès m'a donné tout d'abord l'impression d'entrer par effraction dans un rêve réveillé et brutal. Ces lettres incandescentes sont un acte d'amour de près de quinze années. Elles sont tout simplement belles et je me sens presque ridicule en vous le disant.
En lecteur indiscipliné, je n'ai pas pu m'empêcher d'aller à la dernière page. Mais je ne regrette pas. Je ne suis sans doute pas le seul. Nous savons qu'Albert Camus a trouvé tragiquement la mort dans un accident de voiture le 04 janvier 1960. Et la dernière lettre qu'il livre à Maria Casarès date du 30 décembre 1959. Pouvons-nous simplement retenir ce qu'il écrit : « Je t'envoie déjà une cargaison de tendres voeux, et que la vie rejaillisse en toi pendant toute l'année, te donnant le cher visage que j'aime depuis tant d'années (mais je l'aime soucieux aussi, et de toutes les manières). Je plie ton imperméable dans l'enveloppe et j'y joins tous les soleils du coeur » ?
Je me souviens de ce film « Les choses de la vie », avec Romy Schneider et Michel Piccoli. La première scène du film démarre par l'accident qui provoque la mort du personnage incarné par Michel Piccoli. Puis il s'agit d'un long flash-back pour revenir à la source de l'histoire. Voilà, c'est ce que j'ai ressenti en lisant la dernière page de cette Correspondance, puis en revenant aussitôt à la première page et en dépliant les pages suivantes. le reste est une histoire d'amour désormais livrée à nous-mêmes.
Une fois que je vous aurai dit que j'ai trouvé cette Correspondance passionnée, que dire d'autre ? Ce sont des lettres enflammées. Elles sont au nombre de 865. D'ailleurs, qu'importe le nombre...
Ils se portent l'un dans le souffle et la lumière de l'autre. La lumière est là. Elle est belle. C'est un soleil qui efface le doute et la mélancolie, le renoncement et les défaites possibles.
C'est une correspondance riche et croisée. Albert et Maria se parlent à distance dans leurs lettres, parlent un peu de tout, l'essentiel, l'insignifiant... Se questionnent, parlent encore, n'en finissent pas de parler, de leur vie, de leurs métiers... Ces lettres disent la joie d'aimer mais aussi les trop longues séparations, les jours sans l'autre, l'attente, la folle impatience des corps et des coeurs. Il suffit de balayer les pages pour entendre l'écho de leur voix.
Nous savons qu'Albert Camus a couru toute sa vie après le bonheur absolu. Nous le savons encore plus, après cette lecture.
Entre les pages, c'est parfois aussi lire entre les lignes. Dans la chronologie de ces lettres, il y a des trous, des absences de missives. Cela souvent veut dire que ces amants étaient ensemble à ce moment-là et donc, point besoin de s'écrire. Au fond, cela voudrait-il dire que ces lettres forment l'envers du décor de leur vie ?
L'écriture d'Albert Camus ne m'a pas surpris : solaire, exigeante, humaine. Nous découvrons aussi un homme à la santé fragile, parfois en proie au doute. L'écriture de Maria Casarès m'a étonné : flamboyante, sensuelle, excessive, ne cédant rien dans une forme d'intransigeance parfois cruelle. Elle voue à Albert Camus une fureur amoureuse, presque animale. Et il le lui rend bien.
Souvent, ils leur arrivent d'écrire sur la mort. Ils disent la peur de mourir. Étonnante et magnifique, cette phrase écrite presque criée par Maria Casarès dans une lettre datée du 15 septembre 1949, c'est-à-dire dix ans avant la mort d'Albert Camus : « La seule chose qui me sépare de toi maintenant et qui me pousse à la folie par instants, c'est l'idée qu'un jour la mort vienne nous obliger à vivre l'un sans l'autre. Lorsque cette pensée s'empare de moi avec assez d'acuité pour me faire vivre, par exemple, un matin, avec l'idée que tu n'es plus là et que tu ne seras plus jamais là, toutes mes facultés se brouillent dans un chaos total, je me sens une terrible envie de vomir, et des sons de folie se font entendre partout en moi ». La « faucheuse » viendra, nous le savons, pour l'un des deux de manière prématurée, à cause d'un platane, à cause d'une voiture qui sortit d'un virage, à cause d'un destin idiot qui voulut qu'Albert Camus ayant cependant un billet de train pour revenir du sud de la France pour Paris, accepta l'invitation de Michel Gallimard pour faire le trajet à bord de sa voiture...
Nous savons que la mort viendra et nous déroulons les pages avec des gestes encore insouciants : 1950, 1951, 1952, 1953... Pour l'instant, nous nous contentons de croiser la mort des autres : André Gide, Louis Jouvet, Marcel Herrand... Plus tard viendra celle de Gérard Philippe, leur grand ami, l'année même où s'achève cette correspondance.
Comme un voyage entre les mots, comme un train qui passe dans le paysage, nous visitons les villes qui ont hébergé leurs lettres, sinon leurs amours : Paris forcément, Ermenonville, Angers, Cannes, Cabris, Camaret-sur-Mer, Tipasa, Alger, Oran, Avignon, Moscou, Buenos Aires, Lourmarin enfin...
Le temps file, les pages s'égrènent comme des billes qui tombent d'un sac, elles sont brûlantes, le vent s'engouffre dans les doigts ou bien c'est peut-être le temps qui s'accélère. Décembre 1959, nous voudrions retenir leurs mots encore un peu, avant qu'ils ne s'éparpillent entre la terre et le ciel.
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Un auteur laisse toujours un peu de lui dans les romans qu'il écrit. Un peu de lui, de ses convictions, de ses sentiments, de ses amis, de ses galères, de ses conquêtes, de son amertume. Discrètement, son expérience, cette grande enveloppe où sont soigneusement rangées ses rencontres, ses humeurs, ses raisons de s'enthousiasmer, de se désespérer, de s'émouvoir, cette grande enveloppe qui contient tout ce qu'il est devenu, tout ce qu'il aurait aimé être, est posée tout près de sa table de travail. le roman avance, un pied dans la fiction, un pied dans la réalité avec comme principal objectif, celui de séduire le plus grand nombre, grâce à des tournures adaptées, des surprises, du suspens ou des exclamations………

Ce roman va plaire à certains, va vivre sa vie de roman. Dès sa publication il n'appartient plus vraiment à son auteur mais à un public de lecteurs auxquels il a été « offert ».

Les lettres c'est tout autre chose. Nous sommes invités dans l'intimité de l'auteur. Bien que Flaubert dénonçait « un genre réservé aux femmes », à l'instar des lettres adressées par la Marquise de Sévigné à sa fille, (textes sublimes certes, mais où la complexité du rapport mère-fille a été dénoncée bien avant nos spécialistes modernes) beaucoup d'hommes ont laissé une correspondance fournie à la postérité. Toutes ne parlent pas d'amour loin s'en faut. Voltaire, Descartes, Rousseau développent leur philosophie sous une forme épistolaire à une époque où les dites lettres étaient lues dans les salons. Balzac, plus pragmatique, débat de ses démêlés avec ses créanciers. Proust écrit des lettres qui font office de dossier de presse. (Un grand nombre a été dispersé très récemment aux enchères publiques). Plus proche de nous, une correspondance fournie de Roger Nimier donne une série de conseils littéraires plus ou moins fondés à sa maîtresse de l'époque, Madeleine Chapsal. Pas de quoi rêver, non…

La correspondance entre Albert Camus et Maria Casarès dure de 1944 à 1959 et elle fait rêver. Maria Casarès qui a gardé ces lettres précieusement, demande à Catherine la fille d'Albert Camus l'autorisation de les vendre. Elle a besoin d'argent. Catherine réunit la somme nécessaire achète et garde cette correspondance qu'elle fait publier. Une idée merveilleuse je trouve. Merci à elle.

Depuis la correspondance entre George Sand et Musset nous n'avions pas eu d'exemple de passion aussi exclusive, aussi flamboyante, aussi foudroyante. Albert Camus et Maria Casarès sont pris par leurs métiers respectifs. Ils se déplacent souvent, l'un obéissant à la promotion de ses livres, l'autre à celle de ses représentations. Ils se retrouvent mais sont très souvent séparés. Ils s'écrivent. 865 lettres entre celui que Maria appelle son seigneur, et celle qu'Albert surnomme sa lumière. le lecteur est sans cesse partagé entre la distance créée par l'éloignement et l'intimité, la proximité de cette relation charnelle, intellectuelle. le tout fonctionne de la manière la plus élégante, la plus cohérente, la plus humaine et la plus talentueuse qui soit.

Cet ouvrage contient 1300 pages. C'est long mais jamais lassant. Nous pouvons interrompre quand bon nous semble, lire une lettre ou plus au gré de nos envies, de nos disponibilités.
Albert Camus est ce que l'on a coutume d'appeler un homme au caractère entier. Un homme de convictions. Ces lettres privées sont cohérentes avec son oeuvre, avec sa vie.Maria l'a très vite compris et le lui écrit : « Enfin quoi que tu fasses, je sais que c'est bien, car j'ai le sentiment profond depuis que je te connais que tu ne diras jamais quelque chose en désaccord avec ce que tu es. Or ce que tu es est ce que j'aurais rêvé d'être si j'étais né homme. Après cela comment veux-tu que je ne t'aime pas ? Et après l'avoir compris, après en avoir eu la révélation profonde, comment veux-tu que cela ne dure pas jusqu'à la fin ? »
Elle écrit bien Maria. Lisez ceci : « Ce matin par exemple, il pleut d'une pluie fine et têtue qui nous annonce une de ces journées où le coeur pleure malgré tous les espoirs et les joies qui puissent lui être promises. Au début j'avoue qu'on y trouve de quoi se décourager et se révolter, mais peu à peu on y prend plaisir et à la fin, on en devient presqu'amoureux. Essaye tu vas voir…… ».


L'écriture de Camus s'est débarrassée de toutes les contraintes de la narration. Un élan à cha que fois. Elle est spontanée tout en conservant son style. Souvent il écrit sa peur d'être abandonné. le spectre de la maladie le taraude.

Le quotidien gagne en légèreté que ce soit dans un théâtre parisien, près des champs de lavande où pendant les séjours de Camus en Amérique du Sud. Nous voyageons au pays des belles lettres. Et plus encore….. L'absence les conduit tous les deux à explorer le plus profond de leurs sentiments. Leurs fragilités, leurs doutes, leurs attentes les plus précises, leurs objectifs les plus humains. Les voyages terrestres sont complétés par des voyages intérieurs tellement vastes et exaltants, tellement universels.

Oui bien sûr j'ai aimé lire ces lettres. Comme chaque fois qu'une lecture me coupe du monde ordinaire je mets cinq étoiles à ces deux étoiles qui ont imprimé définitivement leur tendresse, leur respect l'un pour l'autre, leur besoin d'être aimés, de le dire et de se le dire, dans ces échanges sublimes. Et pour tous ceux qui doutent d'un bonheur infini fait de petites choses et de grands sentiments, ils pourront lire ce livre.

La nuit venue ils lèveront les yeux vers le ciel. Deux étoiles brilleront encore, juste pour eux. Juste pour leur dire: oui, nous pensions vraiment tout ce que nous avons dit. C'était tellement bien.

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Nous les fervents passionnés de Camus attendions depuis longtemps, impatiemment, sans trop y croire, la publication de ces échanges épistolaires.
Avant tout, je pense qu'il faut remercier très sincèrement, très chaleureusement Catherine qui a accepté, avec un certain courage, de dévoiler un pan très intime de la vie de son père, en autorisant la publication de cette correspondance. Les derniers mots de sa préface sont sublimes, ils témoignent d'une sensibilité et d'une rare compréhension qu'il importe de souligner "Leurs lettres font que la terre est plus vaste, l'espace plus lumineux, l'air plus léger simplement parce qu'ils ont existé".
Avec la lecture de cette correspondance, on comprend cette passion transcendante, irradiante, indestructible, entre deux belles personnes, qui partagent mille choses variées : l'honneur, la justice, la passion pour le théâtre, l'exil, le goût du vrai, du bien- fait, la grâce, l'intelligence du coeur et de la chair mais aussi …les volutes nicotinées !
Une lecture ardente qui m'a transcendée, qui m'a irradiée qui m'a fait rêver , 1312 pages passionnées et passionnantes, qui racontent merveilleusement la plénitude d'un amour charnel et spirituel, exceptionnel, « un amour brûlant de cristal pur ». Ce n'est pas un roman, ce fut une merveilleuse réalité .
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Est-ce le timbre de la voix d'Isabelle Adjani qui me bouleverse ou les mots qu'elle prononce ? Dans la lettre du 30 juin 1949, adressée par Maria Casarès à Albert Camus, le lecteur devient le témoin de la plus poignante intimité des amants, la plus saisissante des confidences amoureuses, celle portée par la voix d'Isabelle Adjani semble avoir été écrite hier.


Prenant à témoin la mer, si forte, si riche, si immense, elle prononce ces mots à celui qui lui a écrit des lettres si déchirantes, si débordantes de fièvre et d'angoisse : "mon Amour, tu entendras crier mon amour comme jamais je ne l'ai crié devant toi, ne te tourmente plus, et tu verras mon beau visage que tu aimes tant, quand je suis sûr de ton amour je n'envie pas la mer d'être si belle."


Mais toi prêt de moi, toi, et ton amour, toute ma vie est remplie, et justifiée.


La voix d'Albert camus, dont je ressens le phrasé si ample, si détaché parfois tant la qualité de l'écriture dense et serrée tremble avec une émotion toujours contenue, et donne une mélodie mélancolique à la beauté de son style imagé. Les nombreux textes qu'il a lus ont imprégné notre mémoire, et là dans cette voix de Lambert Wilson, c'est Camus vivant qui nous parle.


Pourtant elle sait qu'elle pourrait perdre Albert Camus. Elle pressent qu'un accident peut arriver. La seule chose qui me sépare de toi maintenant et qui me pousse à la folie par instants, c'est l'idée qu'un jour la mort vienne nous obliger à vivre l'un sans l'autre. "Lorsque cette pensée s'empare de moi avec cette acuité ... Avec l'idée que tu n'es plus là et que tu ne seras plus jamais là, toutes mes facultés se brouillent dans un chaos total."


Quand le rideau tombe fin décembre 1959, ce sont nos pleurs qui chiffonnent le papier. L'inacceptable est arrivé au plus grand écrivain du
XX ème siècle. Tout se dit et s'écrit sous sa plume avec une intelligence subtile, aimante, prenant toute la vie à bras le corps, les fulgurances de l'amour comme les ténèbres de son siècle, de sa ville, Alger, de son pays.


Je me souviens de Maria Casarès dans la somptueuse pièce de Bertold Brecht, Mère Courage, je me revois en 1968 ou en 1969, écouter cette voix féroce, cassée, si forte qu'elle emportait tout comme un ouragan. Est-ce le deuil qui a fait d'elle la très grande tragédienne, comme portée par une blessure si démesurée.


Ils se découvrent dans ces correspondances intemporelles, le choix des lettres lues dans ce livre audio accentue cette impression de bonheur inaltérable. Ils touchent presque le ciel, ils sont lumineux, ils dialoguent, se conjuguent, et de leur rencontre émerge des écrits d'une beauté et d'une profondeur inouïe.


Dans cette correspondance Albert Camus laisse toutes ses fibres confier ses plus belles émotions d'homme, puiser dans ses vagabondages, dans le désert, dans une autre lumière, celle des amants, et confier au ciel des vœux fixés à des étoiles filantes. "Qu'ils retombent en pluie sur ton beau visage, là-bas, si seulement tu lèves les yeux vers le ciel, cette nuit. Qu'ils te disent le feu, le froid, les flèches, l'amour, pour que tu restes toute droite, immobile, figée jusqu'à mon retour, endormie toute entière, sauf au cœur, et je te réveillerai une fois de plus...Écrit Camus le 31.07.1948 "


Mais, l'absence de Maria Casarès, irradie son corps tout entier, un corps privée de sa source, de cette eau qui lave et apaise, car dit-il, j'étouffe, la bouche ouverte, comme un poisson hors de l'eau. J'attends que vienne la vague, l'odeur de nuit et de sel de tes cheveux. AC à MC 24 août 1948


le chassé croisé des lettres s'harmonise pour fluidifier cet intense dialogue à distance, entre Maria Casarès à Albert Camus, les échanges se font plus sensuels et plus poétique le jeudi 30 décembre 1948.

Elle lance," Ah viens vite et tout au creux de tes grandes jambes, lors , tout se fera tout seul... Et je t'emmènerais au milieu du vent, de la pluie battante, des rosaces, des vagues, dans l'odeur du varech, et je te ferais comprendre, "sale lacustre brûlé de soleil", " je t'aime de ce mouvement infini, tout mouillé, salé, où l'on ne peut vivre qu'au passé tellement l'instant est fugitif, et inaccessible".

"Que tu m'aides un peu, très peu, et cela suffira pour que j'ai de quoi soulever les montagnes répond encore Camus à Maria Casarès."


Maria Casarès y répond avec cette beauté singulière que donne au cœur l'intelligence de l'âme.
"La mer devant moi est lisse et belle, comme ton visage parfois quand mon cœur est en repos".
"Mais l'amour que j'ai de toi est plein de cris. Il est ma vie et hors de lui, je ne suis qu'une âme morte."


Ainsi cette sélection de lettres qui esquivent le travail d' Albert Camus et de Maria Casarès, est un pur bonheur d'écoute pour moi qui fut si friand de théâtre, et qui souhaite avec ardeur, que la poésie trouve par la musique et les voix un nouveau chemin vers le coeur des passionnés de beaux textes ?

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"Merci à eux deux. Leurs lettres font que la terre est plus vaste, l'espace plus lumineux, l'air plus léger simplement parce qu'ils ont existé. "Catherine Camus

Une correspondance unique entre deux êtres de feu, idéalistes, grands par leur carrière qui ,pour chacun , est un absolu en soi.... Correspondance d'amour entier, de complicité intellectuelle et passionnelle...
12 années de correspondance ininterrompue, lettres détaillées, fusionnelles... qui comblent comme elles peuvent les absences obligées de chacun...
Ils se sont rencontrés à Paris le 6 juin 1944, jour du débarquement allié....en janvier 1960, la mort les séparera...

Outre cette correspondance sublime... la préface de Catherine Camus est fort émouvante, et empreinte d'une admiration inconditionnelles, bien légitime, pour ces deux êtres d'exception...
Merci à Catherine Camus... pour la réalisation de cette publication "intime"...


Je transcris un extrait de cette préface qui exprime l'essentiel de cet amour aussi unique que riche d'authenticité :

"Il lui écrit le 23 février 1950: " Ce que chacun de nous fait dans son travail, sa vie, etc., il ne le fait pas seul. Une présence qu'il est seul à sentir l'accompagne." Cela ne se démentira jamais.

Comment ces deux êtres ont-ils pu traverser tant d'années, dans la tension exténuante qu'exige une vie libre tempérée par le respect des autres, dans laquelle il avait "fallu apprendre à avancer sur le fil tendu d'un amour dénué de tout orgueil" [Maria Casarès, Résidente privilégiée, Fayard, 1980 ], sans se quitter, sans jamais douter l'un de l'autre, avec la même exigence de clarté ? La réponse est dans cette correspondance.
Evidence irrésistible de ce coup de foudre : " Nous nous sommes rencontrés, nous nous sommes reconnus, nous nous sommes abandonnés l'un à l'autre, nous avons réussi un amour brûlant de cristal pu, te rends-tu compte de notre bonheur et de ce qui nous a été donné. [ Maria Casarès,
4 juin 1950 ]

"Egalement lucides, également avertis, capables de tout comprendre donc de tout surmonter, assez forts pour vivre sans illusions, et liés l'un à l'autre, par les liens de la terre, ceux de l'intelligence, du coeur et de la chair, rien ne peut, je le sais nous surprendre, ni nous séparer. [Albert Camus, 23 février 1950 ]

Une lumière irradiant de ces deux êtres créatifs, exigeants...amoureux de la vie et des gens...

Je ne peux rédiger qu'une très brève chronique... les mots sont superflus... après une telle lecture qui exprime tout ce qu'il est possible entre deux êtres flamboyants...
Il me faut, de plus, me résigner à rendre ce volume à ma médiathèque... La liste des réservations étant impressionnante...il me faut penser aux autres lecteurs impatients, admirateurs comme "bibi"... de Albert Camus, sans oublier cette grande dame du théâtre !!!
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critiques presse (3)
OuestFrance
22 février 2024
« La vie sans toi, ce sont les neiges éternelles, avec toi, le soleil des ténèbres, la rosée du désert. » Ces mots, adressés à Maria Casarès, sont ceux d’un Albert Camus amoureux, secret, que l’on découvre au fil de 865 lettres sublimes, une correspondance à laquelle seule la mort de l’écrivain appose un point final.
Lire la critique sur le site : OuestFrance
LeDevoir
18 décembre 2017
Tout comme Philippe Sollers et Dominique Rolin, leur amour se met à nu dans une abondante correspondance passionnée.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
Lexpress
04 décembre 2017
La sublime correspondance entre Albert Camus et Maria Casarès dévoile au grand jour la puissance d'un amour extraordinaire, resté "pur et dur comme la pierre" pendant plus de quinze ans.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (164) Voir plus Ajouter une citation
Maria à Albert
Dimanche soir, 22 septembre [1957]

Mon cher amour,
Tu ne me reconnaîtrais plus : je garde ma chambre depuis hier soir, et depuis hier soir je n’ai pris qu’un petit déjeuner. Je n’ai donc pas sauté un simple repas ; j’en ai sauté deux, et sans raison. Que t’en semble ?
Nous sommes arrivés hier à 6 heures du matin à Montevideo après un voyage en bateau de trois jours qui n’a servi qu’à me confirmer ce que je pensais secrètement mais que je n’avais osé formuler parce qu’il existe une convention plus que favorable pour les croisières. Je n’aime pas du tout le bateau de voyageurs et je déteste particulièrement la première classe. Cette roulotte marine qui tient de l’hôtel de luxe, de la plage mondaine où l’on est condamné à manger dans un faux restaurant, à faire de la gaieté factice dans une fausse boîte de nuit, à prendre des bains dans une fausse piscine qui tient du seau face à l’océan, où l’on voit les plus mauvais films dans un faux cinéma et où l’on doit dormir et se laver dans des armoires à vous rendre claustrophobes pour la vie, ne me procure aucun plaisir, et de surcroît je trouve parfaitement insupportable la cohabitation obligatoire et aimable avec des gens que l’on ne connaît pas et avec qui il semble naturel de lier connaissance. Non ! Non ! Non ! Il n’y a pas de pire prison que celle qui vous enchaîne devant le vaste horizon de l’océan et je ne trouve la mer sur un bateau de touristes que lorsque je passe une heure de solitude totale couchée sur la proue...
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Lundi soir [3 janvier 1949]
Maria à Albert

Oh oui ! Toi. Si tu savais comme j’ai de la langueur, de la nostalgie de ta présence et comme je me sens seule ! Ce soir, mon chéri, je voudrais tant pleurer contre toi, avec toi. Je voudrais tant me recroqueviller en toi. Toute petite. Me voilà toute petite et seule sans toi. Et humiliée, affreusement humiliée.
Mais laissons.
La nuit du réveillon, je n’étais pas seule. J’ai passé la soirée jusqu’à minuit et quart chez mon père avec lui et Pitou.
Il y avait la radio. Radio Espagne. Et en attendant les douze coups de l’horloge du ministère de l’Intérieur (Puerta del Sol), nous avons subi un discours de Franco, d’abord, et puis, pour me remettre à bien avec le ciel, La Vie en rose, chantée par Édith Piaf.
J’étais sentimentale, mais heureuse, patiente et bonne, réconciliée. Papa était très fatigué ce soir-là et j’ai fait de mon mieux pour le distraire. Dans tout cela, pas une seconde, tu ne m’as quittée, et lorsque minuit est arrivé je me suis tellement concentrée pour bien vouloir mes vœux que je me suis embrouillée avec mes raisins, et j’en ai mangé seize au lieu de douze, on ne sait pas très bien comment, au grand désespoir de mon père qui craignait pour ma respiration et au milieu des éclats de rire de Mireille et d’Angèle.
Quand j’ai fini, j’avais les yeux pleins de larmes et quelque chose qui les fit tous taire.
Ensuite je suis rentrée dans mes appartements privés avec toi.
Voilà mon réveillon.
...
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Lundi [17 juillet 1944]

Depuis mercredi, je ne t’ai pas écrit. Je n’ai pas cessé d’avoir le cœur serré comme dans un étau. J’ai voulu faire ce qu’il fallait pour me débarrasser de cette idée fixe que j’avais. Rien n’y a fait. J’ai passé deux jours entiers couché, à lire vaguement et à fumer, pas rasé, et sans volonté – le seul signe que je t’ai donné de tout ça, c’est ma lettre de mercredi. Je pensais qu’aujourd’hui je recevrais ta réponse à cette lettre. Je me disais : « Elle répondra. Elle trouvera des mots qui dénoueront cette chose si affreusement serrée en moi. » Mais tu ne m’as pas écrit.
Je ne crois pas que je t’enverrai cette lettre. On n’a pas idée d’écrire avec le cœur que j’ai. Mais je ne peux m’empêcher de te dire que depuis plus d’une semaine, je suis dans une sorte de répugnant malheur à cause de toi et parce que tu n’es pas venue. Oh ! ma petite Maria, je crois vraiment que tu n’as pas compris. Tu n’as pas compris que je t’aimais profondément, avec toute ma force, toute mon intelligence et tout mon cœur. Tu ne m’as pas connu auparavant et c’est pourquoi sans doute tu ne pouvais pas comprendre. Tu m’as pourtant parlé un jour de mon cynisme et il y avait du vrai. Mais où est parti tout cela ?
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Vendredi 6 août 1948

Maria à Albert :

Voici la première partie de la correspondance que je devais te remettre plus tard. Je pense qu’elle t’éclairera d’une façon nette et détaillée sur l’existence que je mène. Je n’en suis pas très sûre, n’osant pas la relire de crainte d’hésiter à te l’envoyer, la trouvant trop bête, inutile et pas assez claire. Or je ne me reconnais pas le droit de revenir sur ce qui normalement aurait déjà dû être entre tes mains. En tout cas voici brièvement le tableau de ma vie d’ascète :
Régime :
• – eau
• – dix cigarettes par jour
• – lever : 8 heures
• – coucher : minuit.
Occupations par ordre d’importance :
• 1) soins de mon père toute la journée.
• 2) lectures : fini La Guerre et la Paix (quel livre !)
• Les Pléiades (admirable) (dans la juste mesure)
Les Démons (charabia curieux, génial peut-être mais cela ne m’a pas prise).
• 3) soins Quat’sous matin et soir.
• 4) Promenades en « vélo ».
Matin 10 heures
Soir 6 heures.
• 5) dormir.
• 6) manger.
Aujourd’hui, cependant, j’ai fait une exception. J’ai fumé douze cigarettes et de midi à 8 heures du soir, je suis restée à Pressagny-l’Orgueilleux, avec Michel et Janine [Gallimard]. C’est là-bas que j’ai trouvé tes deux lettres mélangées à d’autres, dans un paquet qu’Angeles m’a fait remettre par l’intermédiaire de Janine et qui moisissaient là depuis mercredi. Du coup, la journée m’a paru merveilleuse ; quant à eux, je ne les ai jamais tant aimés...
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21 novembre [1944]

Heureux anniversaire, mon chéri. Je voudrais t’envoyer toute ma joie en même temps, mais il est vrai que je ne le peux pas. Je t’ai quittée hier le cœur déchiré. J’avais attendu l’après-midi, tout l’après-midi, ton coup de téléphone. Le soir, j’ai mieux compris encore à quel point je ne te possédais pas. Il y avait en moi une terrible chose nouée. Je n’ai pas pu parler.
Je m’en veux de te dire tout ça au milieu de ta fatigue. Je sais très bien que ce n’est pas de ta faute, mais que veux-tu faire contre cette douleur qui me prend lorsque je mesure tout ce qui te sépare de moi. Je te l’ai dit, je voudrais que tu vives contre moi, sans trêve – et je sais combien c’est absurde.
Ne fais pas trop attention à moi, je me débrouillerai bien. Sois heureuse ce soir. Ce n’est pas tous les jours qu’on a vingt-deux ans, ni toutes les années, je peux bien te l’apprendre, moi qui me sens si vieux depuis quelque temps.
Je ne t’ai même pas dit combien je t’avais aimée dans La Provinciale. Tu avais la grâce, la flamme, le style.
Oui, tu peux être heureuse, tu es une grande, très grande actrice. Et par-dessus tout ce qui me faisait mal, je m’en réjouissais avec toi.
Albert
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Quiz sur l´Etranger par Albert Camus

L´Etranger s´ouvre sur cet incipit célèbre : "Aujourd´hui maman est morte...

Et je n´ai pas versé de larmes
Un testament sans héritage
Tant pis
Ou peut-être hier je ne sais pas

9 questions
4724 lecteurs ont répondu
Thème : L'étranger de Albert CamusCréer un quiz sur ce livre

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