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Critique de Alcapone


" Aujourd'hui, voici Les possédés sur la scène. Pour les y porter, il a fallu plusieurs années de travail et d'observation. Et pourtant, je sais, je mesure tout ce qui sépare la pièce de ce prodigieux roman ! J'ai simplement tenté de suivre le mouvement profond du livre et d'aller comme lui de la comédie satirique au drame, puis à la tragédie. " Ainsi qu'en témoigne cet extrait de la 4e quatrième de couverture, Camus prévient d'emblée les spectateurs de toute éventuelle déception. Profondémment marqué par Les Possédés de Dostoïevski, Camus se lance dès 1953, l'ambitieux défi d'adapter le roman au théâtre dans l'idée d'en faire un somptueux spectacle. Interrogé sur sa démarche, Camus reconnait volontiers que les techniques narratives de l'auteur russe se prêtent bien à une adaptation théâtrale (nombreux dialogues, peu de descriptions, personnages comiques et tragiques, multiples coups de théâtre). Il démontre par le succès de sa pièce, sa maîtrise du travail de metteur en scène.

Les Possédés de Camus respectent fidèlement l'intrigue tissée par Dostoïevski : excepté les quelques entorses faites pour les besoins de l'adaptation théâtrale (suppression de certains personnages, de certaines scènes, notamment les scènes se déroulant chez le gouverneur, et coupes sur certains dialogues), l'histoire est sensiblement identique. Alors pourquoi Camus a t-il pris le risque de faire cette adaptation ? Pour reprendre ses termes, " Les possédés sont une des quatre ou cinq oeuvres que je mets au dessus de toutes les autres. A plus d'un titre, je peux dire que je m'en suis nourri et que je m'y suis formé. Il y a près de vingt ans en tous cas que je vois ses personnages sur la scène. Ils n'ont pas seulement la stature des personnages dramatiques. Ils en ont la conduite, les explosions, l'allure rapide et déconcertante. Dostoïevski, du reste a, dans ses romans, une technique de théâtre : il procède par dialogues, avec quelques indications de lieux et de mouvements. L'homme de théâtre, qu'il soit acteur ou auteur, trouve toujours auprès de lui tous les renseignements dont il a besoin. " Si l'intention est noble et la tentation d'une adaptation théâtrale justifiée, cette entreprise de Camus constitue pour moi un pari risqué : s'atteler à l'adaptation scénique d'un monument littéraire comme celui de Dostoïevski, surtout lorsqu'on en reconnait déjà les dispositions théâtrales, pouvait mener à une simple représentation édulcorée de l'oeuvre originale. Camus s'en sort pourtant avec dignité et bien que sa pièce ne présente que peu de différences avec le texte original, on lui accordera le mérite d'avoir porté sur scène avec intelligence, des personnages qui ne sont ni étranges, ni absurdes car si " Les possédés sont un livre prophétique, ce n'est pas seulement parce qu'ils annoncent notre nihilisme, c'est aussi qu'ils mettent en scène des âmes déchirées ou mortes, incapables d'aimer et souffrant de ne pouvoir le faire, voulant et ne pouvant croire, qui sont celles mêmes qui peuplent aujourd'hui notre société et notre monde spirituel. " p.262

J'ai pour ma part préféré le roman. Ceci dit, cette pièce mérite le détour : Camus y a déployé un rigoureux talent de metteur en scène. Et si certains sont tentés de penser que cette pièce n'est qu'une relecture simplifiée dont le seul intérêt est d'apporter de la lisibilité au roman, je considère cela comme de la mauvaise foi.
Lien : http://livresacentalheure-al..
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