J'ai lu «
Grains de Sel », je l'ai terminé depuis déjà quelques jours, mais c'est seulement aujourd'hui, que j'ai du temps pour poser mon commentaire.
Peut-être est-ce parce que j'ai l'imagination fertile, mais au cours de la lecture de ce livre, les images apparaissaient, défilaient et même se bousculaient. Je dois dire, qu'étant natif de la région, j'ai pu aisément visualiser certains lieux. Je tire mon chapeau à l'auteure pour la véracité de ses descriptions sur l'ambiance de vie de cette époque. Elle est précise et montre un soucis du détail qui m'a surpris agréablement. Sans doute est-elle originaire de la région d'Aix Marseille tout comme-moi ? Il est exact qu'il y avait une ligne de trolleybus qui desservait Marseille et Aix, qu'ils étaient de la marque Vétra et qu'ils avaient une livrée blanche et orange ! Je connais bien l'ancienne route qui dessert Marseille à Aix, en passant par le petit village de Luynes ! Là, il faut vraiment connaitre ! Il est vrai que le long de cette vieille route, (ancienne voie romaine) dans les années cinquante, il y avait quelques auberges et petits hôtels qui la parsemaient. La dernière a fermé il y a quelques années, mais demeure encore présente, les volets clos et son enseigne à la peinture passée, mais encore visible. Pour moi, par conséquent, il n'y a pas eu de mal pour obtenir les images, je n'avais plus qu'à me projeter soixante-dix ans en arrière. Je connais bien le 11é arrondissement de Marseille et je soupçonne l'auteure d'avoir pris comme exemple, un petit bout de la bastide des Millières et un petit bout d'une bastide détruite depuis, mais que j'ai très bien connue lors de mon enfance. La description en est saisissante ! Mais l'auteure est marquée par une forte empreinte de la région et de son paysage d'antan lorsque les cités d'HLM n'avaient pas encore envahi ces magnifiques demeures. Je retiens les personnages qui ne sont pas tous sortis de l'imagination de l'auteure, elle nous remet à jour en nous rappelant l'existence du couturier Jean Dessès, qui a connu ses heures de gloire, du parfumeur Lorenzo Salvaire qui a vécu à Cassis et qui avait créé entre autres « l'Eau de Cassis » elle nous apprend dans quelle circonstance fut créé le Hot Dog et par qui, et où ? Eh bien, à Coney Island ! Enfin, après avoir posé le décor d'un Marseille que j'ai encore connu à la fin des années 60, son centre-ville animé par tous ces commerces, la brasserie la Samaritaine, le marché aux poissons sur le Vieux Port, les établissements Fournier où mon père allait se fournir en matériel de dessin et de peinture ! On a même droit à l'Huveaune, cette rivière qui prend sa source à la sainte Beaume et qui traverse Marseille pour finir de se jeter sur les plages du Prado. Un petit clin d'oeil au quartier de la Pauline ! Bravo ! C'est une visite de la ville tout en regardant vivre les personnages.
Isaline Gautier, arrivée de son Ardèche profonde, fille d'instituteurs de Province, un père héros de 14-18, mort plus tard en 40, le destin parfois est têtu ! La mère bonne épouse, également institutrice, mais l'une des premières à obtenir son baccalauréat. Jeune femme au caractère bien trempé , mais néanmoins bardée de doutes, habitée par une passion, il faut en avoir pour parcourir le long chemin pleins d'embûches, nous en avons tous, mais elle, c'est particulier ! Nous avons tous dans notre existence comme dans un jeu de cartes, de bonnes cartes, de moins bonnes et de mauvaises cartes, c'est à nous de savoir quand les jouer. Sa bonne carte ? Valéra de Millière, sans cette grande Dame de la bourgeoisie, ancienne résistante, probablement qu'elle serait restée en bas de l'échelle sociale. Une simple couturière tout simplement. L'auteure relate la difficile ascension d'Isaline, les premiers contacts avec le couturier Jean Dessès, qui ne furent pas faciles, ni même agréables. L'homme ne faisait pas dans la dentelle, concernant les relations humaines. J'avoue que dès la première rencontre avec ce monsieur, j'aurai tout envoyé C…
Mais elle persévèrera, et ça payera, leur relation deviendra finalement une grande amitié teintée de beaucoup d'affections, que le destin peut -être surprenant !
Les personnages sont truculents, je veux dire attachants, oui, attachants, moi qui suis un provençal, j'imagine très bien Honoré, le gardien de la propriété, Suzain, le majordome, habillé comme Nestor, la cuisinière, Emelie, de forte corpulence et Lysmée la gouvernante et son faux air autoritaire, mais fermant les yeux sur les pitreries des jeunes pensionnaires et tout ce petit monde avec l'accent du Midi !
Et puis, il y a cette jeunesse, pleine de promesses, leur qualité artistique qui ne demande qu'à éclore si tenté que quelqu'un se soit penché sur eux. Pour eux, ce sera Valéra ! Zachariel, le pianiste, Edmérise la cantatrice, Alaïse, la danseuse étoile de l'opéra de Marseille ! L'auteure décrit tout ce petit monde qui est unis comme une famille, on a d'ailleurs le sentiment que chacun de ces personnages est orphelin de nature et qu'il a trouvé dans cette demeure, le foyer tant recherché pendant des années. On le ressent très bien chez Loveline, la petite Loveline dirais-je, un petit oiseau mi garçon, mi fille, un air à la gavroche, mystérieuse, Je dirais même secrète, elle aurait mérité plus d'attention de la part de l'auteure. Loveline apparait ponctuellement au cours de l'histoire pour aussitôt disparaitre. Elle clôture néanmoins l'écrit et laisse découvrir une partie de sa personnalité de sa vie, ou du moins, l'on suppose ! C'est pour moi le personnage le plus attachant, en lisant ce récit, vous comprendrez pour quelle raison. Je pense que Loveline aurait mérité une histoire pour elle seule. La fin ? Elle est triste, tout simplement parce que l'on s'est attachés à chacun des personnages et qu'arrivé si je puis dire à nos jours, la plupart d'entre eux sont morts ! le temps qui passe ne faisant pas d'exception avec eux. La fin est un rebondissement, l'on comprend le type de relation qui liait Loveline et Valéra. On ne s'y attend pas, l'auteure nous arrache des larmes aux dernières pages, des larmes de nostalgie, et c'est le temps qui court ! Rien ne l'arrête, il n'en reste que les souvenirs agréables, sa jeunesse et les bons moments que l'on a passé avec les personnes que l'on a aimé et qui nous ont tant aimés. Merci Sand, encore un récit touchant dans la même veine que la Rue de Blanche, un autre de vos écrits que j'ai tant apprécié dans un recueil,
Les nouvelles elliptiques.