AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de MicheleP


Un livre coup de coeur, en effet, que ce roman à quatre mains dont les auteurs sont l'un Français et l'autre Algérien. J'y retrouve un peu de l'ambiance de deux livres que j'ai adorés, « Harraga » de Boualem Sansal, avec sa vieille femme claquemurée dans sa vieille maison confortable, au milieu d'un Alger dévasté et « La vie devant soi » d'Emile Ajar, avec l'infinie tendresse du jeune Momo pour cette Madame Rosa éléphantesque et impotente qui lui sert de mère. Ici, dans ce roman à trois voix ou chaque personnage à son tour raconte (ou ressasse) son histoire, c'est bien sûr Louise, la vieille pied noir pleurnicharde qui joue les Madame Rosa. Louise, la belle jeune fille des années 50 devenue obèse, qui a tout raté, son premier amour avec son cousin Paul, son deuxième amour avec Kader, l'homme pour qui elle est restée à Alger, son troisième amour pour l'Algérie indépendante qui, à ses yeux, se clochardise de plus en plus dans sa bondieuserie. En face d'elle, Sofiane (Momo), le jeune voisin algérien qui vient frapper à sa porte le jour où meurt sa mère. Un garçon frais, droit, affectueux, qui veut s'en sortir et trace son chemin sans compromission. le roman s'allège du moment où il entre en scène, grâce à son affection sincère pour Louise et l'ouverture sur le monde que Louise lui apporte. Mais, hors de ces réminiscences littéraires, il y a Marc, le neveu de Louise, qui ne veut pas retourner en Algérie, un grand metteur en scène homosexuel, qui se détourne des siens. C'est, je crois, en lui que j'ai trouvé la part la plus émouvante du roman, cet homme qui, comme Louise, ne parvient pas à aimer et qui, malgré sa gloire, vit dans les tourments, la solitude, et les troubles psychosomatiques. A mon avis s'il n'est pas le personnage le plus sympathique du livre, il en est la plus grande figure, troublant, complexe et au final attachant.
Et puis il y a Alger, l'Alger colonial avec ses pâtisseries, ses décors de Noël, son prof de math et son hôtel Saint Georges, souvenirs que retrouvent avec émotion ceux de mes amis qui y ont vécu et l'Alger moderne, grouillant, délabré, mais vivant, si vivant.
Roman sur l'Alger d'hier et d'aujourd'hui ? Roman sur le temps passé ? Sur l'impossibilité d'aimer, sur les choses et les êtres qui s'éloignent et nous échappent ? Roman « choral », comme dit la quatrième de couverture, ou Mozart s'entrelace à la voix des muezzins ?
Ou serait-ce plutôt une fable, avec d'un côte l'Europe décadente et dépravée, si séduisante pourtant, de l'autre la jeune Algérie sans illusion mais généreuse et combative et entre eux, sur la touche, les vieux pieds noirs laissés pour compte, avec leur boule de désespoir coincée dans la gorge.
(Merci à Jamil Rahmani, co-auteur de cet ouvrage)
Commenter  J’apprécie          190



Ont apprécié cette critique (13)voir plus




{* *}