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Critique de Luxi


Luxi
10 décembre 2017
Un roman dans lequel s'emmêlent deux époques différentes : oui, ça se fait beaucoup depuis quelques temps mais ça fonctionne toujours avec moi. Et si on me plonge en plus en pleine Seconde Guerre mondiale, j'embarque aussitôt pour la traversée.
Ici, nous vivons à la fois en 1938, en Autriche, auprès de la famille Faber où être juif devient très dangereux, et en 1989, à Los Angeles, aux côtés de Katie Nelson, jeune femme dont la vie amoureuse se dissout et qui voit son père lentement s'exiler de sa propre mémoire. 1938 trouve de nombreux échos en 1989, la "Nuit de cristal" s'emmêle à la Chute du Mur de Berlin ; c'est émouvant, c'est bouleversant, c'est fort.
"La vie secrète d'Elena Faber" est précisément le style de roman vers lequel je me tourne le plus souvent : une femme se retrouvant face à une énigme soudaine qui fait irruption dans sa vie et qu'elle va vouloir déchiffrer. Nous la suivons à travers ses recherches, ses errements, ses exaltations et ses moments de doute. Ici il s'agit d'un petit timbre – et de façon plus précise : d'une lettre. Ce petit timbre ne serait pas aussi ordinaire qu'il n'y paraît et murmurerait un langage codé. La vie de Katie va en être totalement chavirée et réécrite.
Je retrouve alors ce qui me porte dans ce genre de roman, ce qui me fait briller le ventre, ce qui me chavire et m'électrise : la magie de deux époques qui se rejoignent. le sentiment d'un service décisif rendu. le sentiment surtout d'une justice rétablie.
Oui, ce roman m'a beaucoup plu. Je n'en révèle pas davantage sur le déroulé de l'histoire mais ce minuscule timbre d'un monument autrichien, collé sur une lettre de 1938 et non affranchi – étrange… – va bouleverser l'existence de Katie, égarée dans son quotidien, et lui faire parcourir de nombreux kilomètres.
La vraie richesse de ce roman, pour moi, c'est la perspective choisie par l'auteur pour évoquer ce pan terrible de l'Histoire : quelle originalité d'évoquer la Seconde Guerre mondiale selon l'angle d'un petit timbre mystérieux… J'ai adoré découvrir le métier éprouvant de graveur et percer les arcanes de la fabrication des timbres dont j'ignorais tout. J'ai vraiment trouvé cette approche inédite, touchante et très fraîche. Je savais que les actes de résistance se logeaient dans les plus infimes et improbables actions, mais j'ignorais ce domaine précis de la Résistance. J'ignorais qu'un petit papier aussi fin et anodin qu'un timbre pouvait devenir un véritable acte de résistance.
Seul petit bémol, rien de fantastique dans l'écriture qui reste tout de même, à mes yeux, sobre et efficace. Il m'a sans doute manqué un peu de profondeur pour m'attacher à tous les personnages que l'on rencontre mais cela ne m'a pas empêché de continuer à tourner les pages, angoissée pour eux et affolée qu'il puisse leur arriver malheur : ce roman est merveilleusement addictif. Malgré tout, le personnage d'Elena se détache un peu plus des autres. Elle m'a à la fois émue, agacée et captivée. C'est une jeune femme entière, indomptable, somptueusement courageuse, obstinée et fière mais avec intelligence. C'est un très beau portrait d'héroïne réaliste qui vous porte, vous inspire et vous ranime.
J'ai vécu ce roman comme une tension allant crescendo, jusqu'à l'une des dernières révélations qui m'a renversée sans que je m'y sois préparée. Et comme j'aime cette sensation de dépossession, de chute intérieure, lorsque l'histoire prend un tournant que l'on n'avait pas vu approcher et que tout devient plus doré, plus ardent, plus grandiose. C'est un roman sur la mémoire, sur la bravoure, sur le secret, sur les révoltes menées dans l'ombre et l'opposition aux tyrans. L'edelweiss, fleur de pureté et d'amour, "preuve d'une audace peu commune", plane sur le roman par sa symbolique raffinée. "En Allemagne et en Autriche, écrit Jillian Cantor, l'edelweiss est une fleur quasi inaccessible qui ne pousse que sur les terrains rocheux les plus escarpés. Des hommes ont escaladé des montagnes au péril de leur vie parce qu'ils voulaient en rapporter un à leur fiancée ! Et pour ceux qui ne l'ont pas fait, cette fleur est devenue le symbole du triomphe sur l'adversité."
Enfin, l'auteur nous confie à la fin du livre s'être inspirée de nombreux faits réels, ce qui accroît la puissance et le message du roman. "À l'instar de Katie, écrit-elle au sujet des timbres, je n'y voyais que du papier et de l'encre, un moyen d'acheminer mon courrier d'un endroit à un autre. Mais lorsque j'ai eu terminé ce livre, je les ai vus aussi comme des perles rares."
Alors merci Madame Cantor car comme vous je ne verrai jamais plus les timbres de la même façon. Merci à NetGalley et aux éditions Préludes auxquelles je reste décidément très attachée.
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