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Critique de saigneurdeguerre


Dans la cathédrale Saint-Patrick, Anton contemple les cercueils de ses parents morts tous les deux, à Anchorage, leur avion ayant percuté une déneigeuse. Son chagrin est tel qu'il a asséché ses larmes.
C'est la grande foule. Ses parents n'ont-ils pas bâti un empire qui s'étale sur tous les continents ? Beaucoup d'artistes sont présents. Après tout, ne doivent-ils pas tout, ou presque aux Scarzini ?

Ah, les Scarzini ! Une famille née dans une pauvreté absolue ! Ils en ont fait du chemin !

Anton a la réputation d'être un très grand avocat : créatif, déterminé, nanti d'une bonne dose de mauvaise foi, défendant ses clients avec acharnement.


Critique :

Dès la première page, je suis emporté par l'écriture de Bernard Caprasse. Il n'a guère fallu de temps pour lier connaissance avec Anton Scarzini, sa douleur, sa perte, son attitude d'homme collectionnant les femmes, les aimant avec passion avant de les rejeter sitôt que leurs qualités se transforment en défauts à ses yeux.
Et puis, on remonte le temps et on change de continent pour faire la connaissance d'une splendide jeune femme belge, Olga. Elle est la fille d'un cordonnier réputé, mais près de ses sous, j'oserais même le taxer d'avare. Un beau jour, le major de la Feldgendarmerie, Kurt Molte, pénètre dans la boutique de son père et lui demande s'il accepterait d'entretenir les chaussures de ses hommes, contre monnaies sonnantes et trébuchantes. Bon ! D'accord ! le client est un boche ! Un occupant au service du pouvoir nazi, mais peut-il s'exposer à la colère d'un envahisseur vexé par un refus ? Et puis, c'est la guerre ! Il faut bien vivre. Cet argent peut-il se permettre de le refuser ?
L'accord est passé et c'est Olga qui, à vélo, doit aller chercher et déposer les godillots à la Kommandantur. Pactiser avec l'ennemi est assez mal vu, on peut le comprendre. Prendre soin de leurs petits panards c'est de la trahison au regard de certains…
Mais le pire, c'est qu'Olga va tomber amoureuse de Kurt Molte… Comment ? Qui c'est ? Mais le fringant major de Feldgendarmerie. … Un barbare ? … Mais pas du tout ! Un homme raffiné, élégant, respectueux, très cultivé, un homme qui prend le temps de l'écouter, qui lui accorde beaucoup d'attention… Un homme très attiré par Olga… Il l'invite au restaurant à Liège, et pas n'importe lequel !

Olga est sur un petit nuage, nimbé de brouillard, et ne se rend pas vite compte que l'atmosphère change autour d'elle. Ses bonjours joyeux ne reçoivent guère d'écho. Son amie, Léa, sa confidente à l'époque du lycée, lui tourne le dos lorsqu'elle la voit arriver pour ne pas avoir à lui parler. Un jour, le doute n'est plus permis, tout le village est au courant de sa relation avec Kurt lorsqu'elle se fait agripper par sa voisine Eugénie, vous savez, celle qui pue de la gueule ! La seule femme à laquelle les femmes du village ne redoutent pas de voir leurs hommes parler !

Olga est donc devenue une vilaine collabo aux yeux des villageois… La maîtresse du sale boche ! Un crime impardonnable aux yeux des villageois… Et surtout des villageoises ! Imaginez celles dont le mari, le frère, le fils, est prisonnier de ces saletés de nazis… Quand il n'a pas déjà été tué… Imaginez les sentiments qu'elles pourraient éprouver pour l'une des leurs, super jolie de surcroît, qui couche avec une saloperie d'Allemand !

Pourtant, c'est Olga qui héberge dans sa cave des résistants de tous les bords, des réfractaires au Service du Travail obligatoire, des pilotes abattus, des prisonniers évadés… C'est encore elle qui fournit à la résistance des renseignements sur les opérations en cours puisqu'elle traverse plusieurs pièces de la Kommandantur pour aller déposer les godasses des feldgendarmes, et comme elle n'a pas ses yeux dans sa poche…
Et Kurt, son Kurt, n'aime guère le régime nazi. Il va même se compromettre pour elle…

L'ennui avec ce roman, c'est qu'il est basé sur une histoire bien réelle. En sa qualité de gouverneur de la province de Luxembourg, Bernard Caprasse a essayé de réhabiliter cette femme… Mais encore de nos jours, les rancunes, aussi injustes soient-elles, ont la vie dure et persistent alors même que la plupart des protagonistes sont décédés.

Entendez-moi bien : lorsque j'utilise le mot « ennui » dans le paragraphe précédent, il n'a strictement rien à voir avec ce que l'on éprouve à la lecture de ce roman. C'est tout l'opposé : un plaisir d'avancer dans l'histoire, tout en se demandant quel lien il pourrait bien y avoir entre Olga et Anton. Je voudrais bien vous le dire, mais vu mon grand âge, il se pourrait bien que j'aie oublié…

Ce livre est en lice en Belgique pour deux prix, dont le prix des lycéens, un prix prestigieux puisque décerné par plus de 3000 jeunes qui auront lu les cinq romans choisis par un groupe de professionnels…

Quel dommage que lorsqu'un livre est publié par un éditeur belge, les distributeurs français ne se donnent guère la peine de leur offrir une petite chance alors même que ces livres pourraient intéresser un très large public… Et pas que français ! L'histoire rapportée dans « le cahier orange » est un récit universel.

Une page d'histoire, une étude de moeurs, un amour authentique… A lire absolument !
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