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Critique de Fauvine


Dans ce roman, nulle suite d'événements sortant du commun ne vous sera contée puisqu'on reste presque exclusivement dans la résidence de l'Observatoire et centré autour des petits incidents de la vie quotidienne de ses locataires très peu nombreux. Mais toute la richesse de ce roman se loge là, dans le minuscule, le quelconque, l'insignifiant, représenté par la collection de Francis Orme, curieux narrateur qui amasse des objets plus banals les uns que les autres (ticket de caisse, soldat de plomb, bouton de veste…) pour constituer une sorte de musée personnel et secret qu'il vénère et contemple en cachette. Car des personnages bien étranges habitent cet endroit : une femme vivant uniquement par procuration à travers des feuilletons télévisés et ses personnages qu'elle confond avec des personnes réelles, une « femme-chien », qui se croit un canidé et ne vit qu'avec eux, que comme eux, et qu'on n'ose chasser de la résidence, le portier, qui ne parle pas vraiment mais « chuinte » et passe son temps à faire le ménage de façon maniaque, les parents du narrateur, une mère plongée à jamais dans la nostalgie du passé et un père apathique, comme mort au monde et à lui-même, ainsi qu'un professeur à la retraite ne cessant de transpirer et pleurer tout à la fois. Et Francis n'est pas de reste, plus étrange sans doute qu'aucun autre, avec ses gants blancs qu'il ne peut jamais quitter, sa « loi des gants blancs » qu'il s'est lui-même donnée et son incapacité à réellement communiquer avec autrui.
Mais une nouvelle locataire va entrer dans leur vie, bien malgré eux au départ, et, voulant se faire des connaissances, va peu à peu chercher à comprendre chacune de leur bizarrerie, ce qui va donner lieu à une entrée progressive dans le passé et le cerveau de toutes ces personnes incompréhensibles, car Anna, dont le nom n'est peut-être pas un hasard, est un peu comme une psychologue qui parvient, sans se laisser impressionner, à mettre au jour les traumas et mécanismes qui les ont fait devenir comme ils sont. Et comme en thérapie, il y a des résistances, les locataires ne veulent pas fouiller trop loin, ce qui menace de mettre en péril leur équilibre, le bouleverser mais pourrait aussi les mener vers une vie nouvelle plus ouverte au monde extérieur et plus heureuse…
Francis parait alors tour à tour affreux et malsain, vu tout ce qu'il met en oeuvre pour qu'Anna parte aussi vite qu'elle est arrivée mais on découvre aussi finalement les raisons profondes d'un tel comportement : en premier lieu la peur, une peur vissée au corps de la moindre nouveauté dans sa vie. Car ce personnage, à travers le regard duquel on sait tout ce qui se passe dans la vie de tous, et dont on se demande s'il est légèrement attardé, ou bien autiste, ou phobique social, ou bien insensible, ou bien tout autre chose, qui parait aimer certaines personnes puis être complètement indifférent à tout, qui parait perpétuellement obsédé par ses gants et les taches qu'il peut y faire et qui passe du « je » au « il » pour parler de lui-même, restera plus ou moins une énigme jusqu'à la fin mais on découvrira aussi l'origine de son obsession pour ses gants et l'importance de son trouble (qui faut le conduire à se laisser mourir, même dans le danger le plus grand, tellement sa phobie de transgresser sa « loi des gants blancs » est vissée en lui), de son goût pour le vol des objets d'autrui auxquels ils tiennent plus que tout dont il fait collection.
La fin du roman est très émouvante également.
En bref, voici un roman singulier aux protagonistes tout autant singuliers, dans un style également étonnant -celui de Francis puis du discours direct de ses parents un moment- , poétique, touchant, mystérieux, qui fouille l'humain, l'enfance et la magie du quotidien, qui doit se laisser apprivoiser mais qui est beau et mérite le détour dans cette résidences de « fous ».
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