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Critique de Godefroid


Le Nord-Est italien a été le théâtre, dans un passé récent, d'un essor industriel sans précédent. Il va de soi que quelques grandes familles ont su conforter à cette occasion leur position dominante. Francesco est le fils unique d'Antonio Visentin, avocat renommé et veuf jamais remarié ; Filippo celui de la comtesse Selvaggia Calchi Renier, une veuve prédatrice qui collectionne les amants ; et puis la splendide Giovanna, promise à Franceso, unique descendante des Barovier, n'a elle aussi plus que sa mère, son père ayant disparu après avoir purgé une peine de prison pour une tentative d'escroquerie qui a très mal tourné.

Giovanna veut fonder un foyer sur des bases solides : par amour pour Franceso, elle décide de lui avouer sa liaison avec un mystérieux amant dont elle est presque l'esclave. Celui-ci n'apprécie pas vraiment cette perspective, alors il la tue. Francesco est à l'envers : en menant sa propre enquête, il va découvrir dans quelle fange se vautrent ses proches et sur quelles bases complètement pourries se sont construites les fortunes qui se présentent aujourd'hui à lui comme un héritage naturel.

La publication d'un nouveau Carlotto est en soi un événement pour les amateurs de roman noir, et pour d'autres aussi peut-être. La première surprise est de voir son nom accolé sur la couverture à celui d'un co-auteur. Est-ce sous l'influence de cette information qu'en refermant le bouquin, celui-ci me laisse une impression mitigée, celle d'un produit composite présentant des faiblesses inédites jusqu'ici dans la production du romancier italien ?

Pour ce qui est de la forme, la narration fait alterner, au sein d'un même chapitre, des passages à la 1re personne qui nous permettent de suivre les découvertes et réflexions de Francesco, avec des paragraphes à la 3e personne développant des éléments de contexte et rapportant des événements auxquels n'assiste pas le narrateur. Cette facilité que se sont autorisée les auteurs est un peu perturbante et diminue l'implication du lecteur dans les malheurs de Francesco. Aussi, malgré l'énormité de l'histoire, ce roman est il moins intense que ce à quoi l'auteur nous a habitué.

Ensuite, c'est le "scénario", un peu alambiqué mais somme toute très classique, qui prête le flanc côté vraisemblance. La question est de savoir qui a tué. le lecteur passe en revue les candidats probables en supposant que le lascar se balade sous ses yeux depuis le début. La réponse sera la plus énorme, mais aussi la plus difficile à avaler – il suffit pour s'en convaincre de relire les premiers chapitres – sauf à admettre que l'assassinée était d'une naïveté extrême (ce que ses agissements démentissent). Bref, ça ne colle pas vraiment.

Alors que reste-t-il ? le style de Carlotto, sec et efficace, quasi exempt de digressions, est bien présent, et la traduction de Laurent Lombard suit impeccablement le mouvement. L'ouvrage se lit donc sans effort et reste captivant. Il vaut aussi pour la dénonciation des liens puissants et occultes existant entre industriels et maffias (ici la Camorra), et de leurs conséquences épouvantables, notamment pour l'environnement. Ne sachant pas qui a fait quoi dans Padana City, il ne m'est pas possible d'imputer à Marco Videtta la baisse de régime que traduit cet ouvrage dans l'oeuvre de Carlotto. Mais on peut néanmoins souhaiter retrouver ce dernier au meilleur de sa forme littéraire, dans un prochain roman ou dans la traduction des six encore inédits en France, parmi lesquels trois enquêtes de Marco Buratti (dit l'alligator). A bon entendeur...
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