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Critique de Sachka



"À la maison", "En casa" pour la version originale est un court récit de 43 pages, écrit en 1950, il a paru sous la forme d'une nouvelle aux Éditions de la Reine Blanche en 2021. Avec ce court récit Luisa Carnés nous emmène dans l'Espagne franquiste durant les années de guerre civile, plus précisément durant les jours qui ont suivi la tentative de coup d'État des militaires nationalistes dans la ville de Madrid en juillet 1936.

De nombreuses femmes, jeunes, moins jeunes ont été incarcérées dans les prisons franquistes entre 1936 et 1942, qu'elles soient militantes républicaines ou simplement des femmes, des mères, des soeurs de résistants républicains, elles ont payé le lourd tribut de la dictature de Franco et peut-être même encore plus durant les années d'après-guerre qui furent certainement les pires... La narratrice de ce récit est l'une d'entre-elles et c'est sur les traces de ce passé douloureux dans un Madrid brumeux et oppressant que nous lui prenons la main (et elle en a bien besoin) alors qu'elle sort d'une longue peine de prison : neuf ans, neuf ans c'est long quand on est une jeune fille de 24 ans qui n'a pas encore eu le temps de goûter à la vie ou si peu... juste le temps de voir disparaître ses deux frères au front et sa mère durant les bombardements aériens. Tant de souffrances dans une si jeune vie...

Quel est le sens du mot "liberté" après pas loin d'une décennie passée en prison ? Peut-on encore rentrer à la maison ? A-t-on seulement encore une maison ? La narratrice ne sait plus, elle est perdue dans cette ville qu'elle ne reconnaît pas, dans la peur et dans la confusion elle erre seule à la recherche des fantômes de son passé. le petit immeuble de la rue Moratin près de la promenade du Prado qu'elle partageait avec sa mère, l'atelier de couture de la rue du Léon, souvenirs d'un passé heureux je ne sais pas mais insouciant certainement. Une mélodie au piano obsédante et puis soudain le paysage change, ne reste plus que le silence morne des veuves dont les portes et les fenêtres restent closes. Que cherche t-elle si ce n'est une main tendue ? Celle de Rosita ou une autre pour ne pas sombrer, comme tant d'autres avant elle, dans la prostitution ou se laisser crever, crever de solitude, crever de froid, crever de faim. Quand on a passé neuf années enfermée, l'avenir c'est le passé, la narratrice n'a que ses souvenirs auxquels se raccrocher.

Un texte fort aux intonations douces-amères dont les dernières pages m'ont beaucoup émue. À lire pour ne pas oublier le sort qui fut celui de toutes ces femmes courageuses qui ont lutté pour la république, qui pour certaines sont mortes en prison et dont le mot "liberté" ne fut qu'un songe lointain.

Un petit mot sur l'autrice : Luisa Carnés (1905-1964) a fait partie de la Généracion del 27 entre 1923 et 1927, elle a publié un premier recueil de nouvelles en 1928 alors qu'elle avait seulement 23 ans, suivront "Natacha" en 1930 et "Tea Rooms" en 1934, roman inspiré en partie de sa propre histoire (qu'il me tarde de lire) puisqu'elle fut elle aussi une exilée communiste et féministe, une grande partie de son oeuvre a par ailleurs été censurée sous le régime de Franco.


* Je remercie "la femme Chocolat" (Yaena) qui m'a permis de découvrir cette nouvelle à la fin du mois de janvier et je vous invite, si l'envie vous prend de la découvrir à votre tour, à lire sa critique et celle d'Onee.

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