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Critique de Matatoune


Pour ce troisième roman, le jeu des si, Isabelle Carré formule une ode à la liberté, l'imaginaire et la fiction. Enfermée comme presque tout le pays pendant le confinement, privée du public de sa tournée de théâtre, la comédienne s'assoit et entremêlent les fils de plusieurs histoires où réalité et évasion se tissent à l'émotion et au désir.

Elle devra désormais s'appeler Emma, Emma Auster celle dont on ne connait pas le nom au début du roman. Elle devait se marier avec Martin. Elle avait un bon travail, une mère, etc. Parce qu'elle a suivi un chauffeur de taxi avec une pancarte, elle se retrouve dans un petit village, Lepokea. Tiens, même Google ne le situe pas ! Pourtant, le fronton de l'école avec sa devise révèle qu'on est bien en France.

Une femme, Adèle, l'accueille et ses deux enfants la découvrent : Suzanne a à peine six ou sept ans et son frère âgé de onze ans est grand pour son âge. Il s'agit de jouer les « Mary Poppins » moderne pendant plus d'un an et en plus de faire des photos des oiseaux, trésor écologique de cet endroit.

Évidemment, Isabelle Carré interroge la place qu'on occupe dans la société, celle qu'on prend et celle que l'on nous donne. En montrant son héroïne capable de se fondre dans le chemin d'une autre, elle flatte le désir de changement qui existe en chacun de nous. Devant les responsabilités devenues trop lourdes, les difficultés trop nombreuses, les obligations qui étouffent de plus en plus, l'envie de tout laisser tomber, de déclarer forfait, de vouloir changer devient de plus en plus prégnante.

A la manière d'une partie de jeu, Isabelle Carré bâtit son roman en trois parties : la première, la revanche et la belle. Lors de la revanche, on la retrouve qui s'exprime à la première personne pour raconter son confinement, le premier, celui qui nécessitait passeport et « visas » pour faire son kilomètre autour de chez soi.

Retirée en Bretagne avec son compagnon et ses deux enfants, elle fait comme toute les mères de famille. Elle se transforme en cuisinière au long cours et en enseignante, sidérée comme chacun devant les messages distillés sur ce moment de guerre sans arme, ni munition. A contre-courant des inquiétudes sur les violences faites aux femmes pendant cette période, « Isabelle » découvre l'infidélité de son conjoint et choisit une voie loin de la violence. C'est cette situation, hors sentiers habituels du genre, qu'elle nous raconte ici.
Pour finir,

La dernière partie permet à Isabelle Carré de révéler la vérité sur le jeu des si et permet de célébrer l'imaginaire retrouvé. Par ses tours de passe passe, elle démontre l'immense liberté de l'écrivain qui même contraint physiquement peut s'évader et vivre ses émotions avec une telle intensité, presque identique à la réalité, transmettant à son lecteur ce plaisir de découvrir des histoires inventées.

Isabelle Carré interroge les masques dont elle se pare pour son travail de comédienne, en suivant un chemin tracé par d'autres. En écrivant, elle jubile à laisser son imagination s'exprimer. Dans ce roman, son texte, toujours si bien travaillé, devient plus affirmé, plus organique, plus vivant, empli de désirs et d'envies. Comme si, plus rassurée sur sa légitimité à écrire, elle-même tombait son masque et se révéler plus charnelle.

En interrogeant le masque qu'elle présente, celui d'une femme gentille, souriante et attentive, son écriture s'enflamme et se libère. le jeu des si prend le lecteur par le coeur et l'entraîne au pays des possibles, celui de la liberté par la fiction, loin des contraintes, même si celles-ci physiquement entravent. Un bien beau moment de lecture !
Lien : https://vagabondageautourdes..
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