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Critique de Arakasi


S'atteler à écrire un livre sur un fait divers aussi sordide que le quintuple meurtre de Jean-Claude Romand n'est pas une mince affaire, même pour un écrivain aussi confirmé qu'Emmanuel Carrère… On risque sans cesse de tomber dans le sensationnalisme ou dans la fascination morbide, voire dans une complaisance du plus mauvais goût. Carrère ne s'engage d'ailleurs dans cette voie qu'avec des pincettes. Il regimbe, raconte les longs dilemmes moraux qui ont précédé ses premiers contacts avec le « Monstre », semble sans cesse hésiter sur la position à tenir, celle de simple observateur horrifié, de juge (et face à une affaire de ce type, nous nous intronisons tous juges…), de journaliste ou de romancier. de ce nuage d'incertitudes, émergent plusieurs grandes questions auxquelles l'auteur va tenter de répondre avec un succès plus ou moins mitigé : où débute la folie d'un homme ? Comment se construit-elle ? Et où se dissimule « l'Adversaire », cette essence du Mal et du Mensonge qui se calfeutre au fond de chacun : de vous, de moi ou de ce voisin à l'apparence si banal et au visage si doux ?

Résumons un peu le drame pour ceux – et j'en fais partie – que les faits divers laissent habituellement indifférents : le matin du 9 janvier 1993, Jean-Claude Romand, médecin renommé à l'OMS et bon père de famille, assassine son épouse et leurs deux jeunes enfants avant de se rendre chez ses propres parents de les abattre par balle. Voisins et amis sont bien entendu horrifiés en apprenant les faits, mais ils ne sont pas au bout de leur stupeur. L'enquête de la police ne va pas tarder à révéler qu'absolument rien n'était normal dans la vie de ce quadragénaire si rangé : il n'a jamais eu son diplôme de médecine, n'a jamais exercé de métier à l'OMS – n'a jamais travaillé tout court d'ailleurs –, n'a jamais eu le cancer qu'il prétendait avoir contracté, a passé la majorité de sa vie à escroquer ses proches pour soutenir son train de vie familial… Toute une vie basée sur une pyramide de petits et d'énormes mensonges ! Et quand ce voile de mensonges a finalement été sur le point d'être déchiré, est arrivé l'inéluctable, l'épouvantable et irréversible dénouement.

Comme bien d'autres personnes à l'époque des faits, Emmanuel Carrère – lui-même mari et père – a cherché à « comprendre » le drame et, en bon écrivain, a tenté de nous faire partager cette quête de la vérité. Y a-t-il réussi ? En ce qui me concerne, la réponse sera mi-figue, mi-raisin : certes, je suis prête à reconnaître que « L'Adversaire » est un ouvrage intéressant et reflète un excellent travail journalistique, mais il reste tout de même une relative déception. Malgré tous ses efforts et quelques pistes de réflexion prometteuses, l'auteur semble avoir du mal à dépasser la surface des faits et à décortiquer en profondeur les motivations du meurtrier. Dure tâche, j'en suis bien consciente, mais sans cette nécessaire profondeur, « l'Adversaire » ne parvient pas à être autre chose qu'une biographie romancée de bonne facture. En ce qui me concerne, j'en suis ressortie aussi révulsée et perplexe qu'au début de ma lecture et avec le sentiment d'avoir à peine effleuré le sujet du livre. En conclusion, une lecture plutôt intéressante, mais dont j'attendais un peu plus…
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