Citations sur Choquée: J'ai ce que vous cherchez ... votre fille ! (11)
Des souvenirs horribles, mais rien de bien méchant. Rien sur son enfance. Rien sur son corps. Rien. Et rien valait toujours mieux que des atrocités.
Racontez à quelqu’un qu’une table est une chaise, racontez-le-lui assez longtemps et assez fort, et il finira par vous croire. C’était ce qui s’était produit avec lui. On lui avait raconté ce qu’il avait fait, on lui en avait exposé les causes et les conséquences. Et bien qu’il ne l’ait pas cru, qu’il se soit battu, qu’il ait opposé ses souvenirs à ceux des autres, ces derniers s’étaient imposés par la force et l’avaient emporté. Il avait fallu des années, mais il avait fini par accepter la parole des autres comme vérité, leur mémoire comme souvenirs, leurs dires comme passé.
Il appliquait ses lectures à sa vie, à sa situation. À cette existence qui lui semblait courte alors qu’elle était longue, même si, la plupart des jours, c’était plutôt l’inverse. Non, pas la plupart des jours. Tous les jours. Et toutes les nuits. Les nuits étaient encore pires que les jours.
Car, chaque nuit, il faisait le même rêve. Lune après lune. Depuis qu’il était arrivé ici, des années plus tôt. Il rêvait de sa mort. Et c’était toujours une lente agonie : le cancer, la sclérose en plaques, le sida ou quelque chose qui y ressemblait. Un mal évolutif et incurable, qui s’emparait de lui petit à petit, transformait son corps en une cage dont il se retrouvait prisonnier.
– Des cachets, vite ! Ceux qui donnent des forces, qui aident à tenir. À ne pas sentir la douleur.
– Je ne crois vraiment pas que ce soit raisonnable. Vous ne… C’est dangereux. Ils peuvent vous nuire, vous faire du mal.
Des gens capables de kidnapper un enfant pour obtenir gain de cause n’éprouveraient aucun scrupule à renchérir dans la violence.
Il en gardait des souvenirs confus. La seule chose qu’il savait avec certitude, c’est qu’il était heureux à cette époque. Avant…
Avant que sa vie tourne au cauchemar.
Mais qui disait riche disait heureux. Cela, il le savait, parce qu’on le lui avait dit. Comme il savait que c’était bien d’être heureux.
Si les détails lui échappaient, elle se rappelait parfaitement son attitude, son comportement. Déboussolé, c’est le terme qu’elle aurait employé si elle avait dû le décrire en un seul mot. Un garçon déboussolé, perdu dans la grande ville après avoir lâché par inadvertance la main de sa mère. Il ne comprenait ni les événements autour de lui, ni la gravité de sa situation.
La prison, c’était quatre murs comme ceux-ci. C’était quelqu’un qui lui donnait trois repas par jour. C’était marcher dans un carré. Des cours et des ateliers. Des livres. C’était vivre dans sa tête. La prison, ce n’était pas ça. La prison n’avait pas une porte qu’il pouvait ouvrir.
Si le monde au dehors n’était ni silencieux ni vide, sa tête et son cœur l’étaient, eux. Le temps avait encore glissé, s’était contorsionné. Il aurait aussi bien pu être planté sur ce trottoir depuis quelques secondes que depuis quelques années.
Plus on est de fous, plus on rit.