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Critique de Apoapo


Quelques mois avant son décès prématuré mais prévu, Raymond Carver a accepté, sans doute encouragé, et contribué au projet photographique de son ami Bob Adelman de décrire, par des images en noir et blanc, son univers d'auteur dont le succès était désormais établi, au niveau national et international. L'univers narratif était aussi son propre univers personnel : on pouvait un peu s'en douter par le "précisionnisme" de sa prose (terme qu'il employait pour corriger les critiques qui lui avaient attribué celui de "minimaliste"), mais je n'en avais pas mesuré le degré de coïncidence.
Ce livre se compose donc des planches en noir et blanc d'Adelman, comparées pour chacune à l'extrait du texte de Carver (nouvelle ou poème) qui y fait référence. Une intéressante postface de Tess Gallagher, deuxième femme et compagne des onze dernières années de l'auteur, elle-même écrivain, fournit des précisions très utiles sur la biographie et la poétique de Carver, en insistant tout particulièrement sur ses longues années d'alcoolisme et sur la lutte héroïque pour son sevrage, et, sur le plan de la création littéraire, notamment sur sa conception de l'auto-fiction et son regard si particulier sur des personnages et des situations fondamentalement dépourvus d'espérance. Là réside par contre la distinction entre son écriture et sa vie.
Les photos comprennent de nombreux portraits de l'auteur, de ses parents, épouse, fille et amis, des paysages des lieux de domicile et endroits de pêche, des vues de maisons, de milieux agricoles ou industriels ou urbains "désertifiés", fréquentés ou parcourus et utilisés dans ses textes, des détails matériels (ex. voiture, cabine téléphonique, calque de dentition, etc.) qui constituent souvent l'axe d'une nouvelle, des pages manuscrites ou tapuscrites, des intérieurs de ses domiciles, des anciennes photos de l'enfance ou de la jeunesse. Elles sont toutes d'une intensité poignante.
Les comparer avec des textes - que je connaissais parfois - m'a permis de m'apercevoir, mieux que par des pages de discours sur la poétique, le procédé très particulier des descriptions et la force de l'implication - autobiographique ou de témoignage direct - de l'auteur dans son écrit, son empathie pour les losers : tout cela mis en relation avec la cyclicité dans la vie de l'écrivain entre la déroute alcoolique et la reprise de confiance en soi par l'expression écrite. Son humour noir face à la question de la désespérance déjà évoquée m'est semblé aussi plus compréhensible grâce au visuel.
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