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Critique de Presence


Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il comprend les 4 épisodes de la minisérie, initialement publiés en 2015, écrits par Joe Casey, dessinés, encrés et mis en couleurs par Paul Maybury.

Sur Terre en plein coeur de New York, un éclair signale l'arrivée de 3 guerriers légendaires venus de la planète Viken : Glorious Knox, Greghorn the Batlebjörn, et Jhago the Irritator. Malheureusement leur éclair a touché un avion de ligne qui passait par là. Heureusement ils sont en mesure de le faire atterrir à Central Park (sans prendre conscience que leur arrivée est l'origine de cette catastrophe aérienne). Ce n'est pas leur premier passage sur Terre, ils y étaient déjà venus il y a quelques dizaines d'années dans le même objectif : Gluttonalia, c'est-à-dire se payer du bon temps dans les bars. Ils commencent par se rendre chez Riley, bar autrefois propriété de George, maintenant tenu par Albert son fils.

Arrivant devant le bar Riley, ils sont plutôt fraîchement accueillis par la police, jusqu'à temps qu'un policier plus âge (Houlihan) les reconnaisse. le barman retrouve la recette de son père pour confectionner une boisson digne de ces demi-dieux. L'ambiance est plutôt bonne. Néanmoins le principe de Gluttonalia est de s'en mettre plein la lampe et il est temps pour le trio d'aller festoyer dans un autre estaminet. Mais avant ça, Knox explique à ses compères qu'ils doivent prendre avec eux un être humain, un vieux monsieur prénommé Arthur. Ce dernier se demande bien ce qu'ils lui veulent et ne les accompagne que contraint au bar de Jonas.

Joe Casey est un scénariste qui sort des sentiers battus, avec une solide expérience derrière lui. Il sait aussi bien réaliser des histoires courtes d'horreur (The mlikman murders), que des séries cosmiques en hommage à Jack Kirby (Godland), des histoires de superhéros Marvel (Vengeance), de superhéros étant ses propres créations (Bounce), de sauvetage de superhéros (ceux de Rob Liefeld dans Youngblood), ou ses propres séries indépendantes (Sex). le lecteur est donc assez curieux de découvrir ce que ce scénariste très original lui a mitonné pour cette histoire en 4 épisodes. En voyant Knox et ses camarades, il pense immédiatement à Thor et aux Warriors Three (Hogun, Fandral, Volstagg) de la série Marvel consacrée à Thor, sauf qu'ici il n'y a que 2 compagnons et que Knox ne manie pas le marteau mais la masse (oui, c'est vrai, ce n'est finalement pas si différent que ça). le lecteur constate également que la ressemblance avec le Thor de Marvel ne s'arrête pas là puisque ces 3 personnages s'expriment dans un anglais daté, avec des formes désuètes évoquant le théâtre de Shakespeare (pour les formes des pronoms personnels, pas pour la qualité d'écriture), à l'instar du mode d'expression de Thor écrit par Stan Lee ou Roy Thomas. le lecteur laisse passer quelques séquences pour en être sûr : il s'agit d'un hommage premier degré, sans moquerie ou raillerie. Les personnages parlent ainsi durant les 4 épisodes sans que cela ne donne lieu à des piques, ni entre eux, ni de la part des humains. le lecteur reste un peu dubitatif, parce qu'à part la fonction d'hommage appuyé, cette façon de s'exprimer n'apporte pas grand-chose à l'histoire. On ne voit pas pourquoi ces extraterrestres auraient adopté une langue équivalente à l'anglais écrit du seizième siècle.

Dans une interview, Joe Casey a clairement explicité son intention comme étant effectivement de rendre hommage aux comics de Thor réalisés par Jack Kirby. C'est la raison pour laquelle les personnages reviennent sur Terre 40 ans après leur premier passage, soit 40 ans après que Kirby soit parti de la série Thor. le scénariste joue un peu sur le passage du temps qui n'est pas perçu de la même manière par les humains et par Knox. Il joue également un peu sur la capacité des 3 compères à descendre de l'alcool, beaucoup plus importante que celle de simples humains. Il s'amuse à leur faire dire qu'ils sont venus sur Terre pour se payer du bon temps, et profiter de l'état d'esprit si particulier des êtres humains en général, et surtout de celui des newyorkais. Mais cela ne dépasse pas le stade de quelques remarques prononcées en passant, sans approfondissement sur la condition de quasi immortel. de la même manière, les 3 quasi dieux se vantent à longueur de page des batailles qu'ils ont livrées contre des êtres extraordinaires, éminemment dangereux, sans que cela ne dépasse le stade de la vantardise.

Il y a quand même une intrigue plus poussée qu'une simple tournée des bars, avec ce mystérieux Arthur. le fait que Knox ait fait des cachoteries aux deux autres va être l'occasion pour leur personnalité de s'exprimer, et pour le scénariste de montrer en quoi Greghorn et Jhago différent de Knox. Grehorn prend la tangente et cherche à retrouver des traces d'une ancienne amitié nouée lors de leur précédent passage sur Terre. Au contraire, Jhago adopte une attitude plus blasée, conscient de l'importance de leur amitié en tant que trio. Joe Casey dresse alors un étrange portrait pour Knox qui est clairement l'alpha-mâle du trio et les autres se soumettent à ses décisions (voire à ses désidératas) sans que le lecteur ne puisse déterminer ce qui vaut à Knox une telle considération de la part de ses amis.

L'histoire personnelle du mystérieux Arthur va également être l'occasion pour Knox de se confronter à sa nature différente de celle de l'humanité, à ses souhaits, à son mode de vie, à un échec cuisant et criant dans sa vie. La réflexion est progressive et se fait au travers de quelques affrontements physiques, en quantité restreinte. Découvrant les bonnes résolutions de Knox en fin de volume, le lecteur se dit que Joe Casey les a bien amenées, mais que leur nature était prévisible et que l'ambition de l'auteur était modeste.

Dans la même interview, Joe Casey a indiqué que Paul Maybury (avec qui il avait déjà travaillé pour quelques chapitres de Catalyst comics) n'était pas familier du travail de Jack Kirby, et qu'il lui a donc donné quelques indications du mode de rendu qu'il souhaitait. En surface les dessins de l'artiste n'ont rien de commun avec ceux de Jack Kirby, ni dans les poses des personnages, ni dans l'encrage ou l'usage des aplats de noir. À la rigueur, le lecteur peut voir dans les costumes des 3 quasi dieux, une rémanence de l'inventivité baroque de Kirby, mais sans en avoir la flamboyance.

Paul Maybury conçoit l'apparence de Knox, Greghorn et Jhago en leur donnant une tête assez plate sur la partie supérieure, pour un effet qui n'est pas comique, mais qui leur donne une apparence un peu de bêtas. La coiffure de Greghorn en forme de balai brosse est vraiment déconcertante, avec une surface trop grande pour son crâne. Knox sourit régulièrement comme s'il était très jeune et amusé de tout. La conception des costumes est donc fantaisiste, mais peu réaliste, ou en tout cas peu pragmatique. Ainsi les bottes très épaisses de Knox lui montent au-dessus du genou, alors qu'elles sont entièrement rigides. En le voyant évoluer sur la page, le lecteur à l'impression que l'articulation de la rotule est totalement enchâssée dans une matière inflexible, l'empêchant ainsi de remplir son office. Dans le même ordre d'idée, le bras gauche de Jhago se termine avec une sphère en lieu et place de la main, qui donne l'impression d'être en plastique. du coup le lecteur a l'impression de voir une figurine articulée plutôt qu'un personnage crédible.

D'une manière générale, le registre des expressions de visage des différents personnages est assez limité, sans beaucoup de nuances. Les décors sont présents régulièrement, simples mais reconnaissables, avec une approche graphique un peu similaire à celle de Tom Scioli pour la série Godland. Les êtres humains sont représentés avec des morphologies différentes, mais là encore avec des visages un peu figés. Pour autant la narration visuelle reste compréhensible et plutôt en phase avec le ton du récit. Elle n'est pas infantile, mais elle donne l'impression d'un artiste pas forcément à l'aide d'un point de vue technique qui hésite entre des dessins simplifiés pour un public de jeunes adolescents, des dessins de superhéros mais sans en avoir l'air car ce n'est pas ce genre de récit, et des dessins plus adultes ne jouant pas sur le registre de la séduction esthétique.

Au final, le lecteur est content de quitter ces personnages avec leur pseudo parler shakespearien, leurs atermoiements ne générant pas beaucoup d'empathie. Il a fini par s'habituer aux dessins et à apprécier leur côté un peu immédiat, sans pour autant être transporté par une expérience visuelle riche ou inédite. Il a bien perçu les intentions des auteurs : hommage aux récits de Jack Kirby sur Thor et réflexion sur un mode de vie dédié aux affrontements pour imposer les valeurs d'une société, sans que cela n'aboutisse sur un contenu très original.
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