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Critique de michfred


Vous avez tous en mémoire la ville troglodyte de Matera, en Lucanie, si oubliée du monde, et pourtant si célèbre depuis que le grand écrivain Carlo Levi - qui y a été relégué par les fascistes-  l'a immortalisée dans le Christ s'est arrêté à Eboli.

En Lucanie, près de Matera,  se trouve aussi , moins connu,  le petit village d'Artigliana.

Dans ce petit village, l'épicerie de Nononno et Nononna.

Et chez eux, pour toute la durée des vacances, leurs petits-enfants, Piero et sa petite soeur Nina.

Ils ont quitté pour un temps les tristes immeubles de l'industrielle "Milanox" -un compromis entre Milano et Bronx, explique Piero!- ,  un papa chômeur et veuf,  accablé de soucis et porté à  les noyer dans le vin.

Artigliana, c'est le paradis de leur enfance, le lieu des retrouvailles avec les copains de toujours, et surtout le village de Rosa, leur maman disparue.

Piero compte profiter de ces deux mois-là pour oublier son redoublement, sa tristesse et retrouver la trace de cette maman toujours vivante à ses yeux, qui vit ailleurs,   dans une "autre  maison" inconnue. Comment imaginer qu'elle soit partie sans lui laisser ces petits mots pleins de poésie et de sagesse qu'elle savait si bien semer partout? Piero porte sur son coeur un bout de photo déchiré dont il est bien décidé à retrouver, à Artigliana, l'autre moitié. 
Ce scapulaire, c'est son talisman. Son viatique...

Il cherche partout .

Mais c'est toute une famille d'immigrés clandestins que Piero découvre,   dans une grotte.
Et avec eux, un jeune garçon, Josh,  orphelin et musicien, mûri par les épreuves, qui va devenir son ami et l'aider à grandir.

 Artigliana pourtant accueille fort mal ces sept étrangers qui viennent leur enlever la polenta de la bouche. Bientot, après leur embauche au rabais par zi' Rocco, un parent, propriétaire de toutes les terres fertiles du pays depuis qu'il a empoisonné celles des autres, qui fait la pluie et le beau temps dans le village, les étrangers  sont unanimemment détestés :  n'est ce pas "à cause d'eux" que les maigres salaires des ouvriers agricoles  d'Artigliana ont été aussi sec revus à la baisse par le potentat sans scrupule?

Mais  les immigrés  réservent à  Artigliana des surprises: intelligence de la situation, courage, résistance, solidarité. L'espoir semble renaître.. .

La vie, hélas,  est loin d'être une fable humaniste.

Piero fait l'apprentissage accéléré de la confiance et de la trahison, du courage et de la démission,  de la superstition et de la vérité, du fatalisme et de l'émancipation,

Il découvre aussi la puissance vivifiante et  libératrice de l'amour qui le lie  à sa mère.

Car le chagrin du deuil peut tuer : c'est un poison comme celui qu'on répand sur les terres pour les faire mourir. Alors qu'il suffit parfois d'une amitié,  d'une phrase de Pasolini *au dos d'une photo pour vous indiquer la route..

Les adultes sont loin d'être des modèles à suivre, fussent-ils les plus proches, les plus chers. Il y en a qui sont comme des morts, et leur résignation  voudrait que tu leur ressembles.

Alors que tu brilles, au contraire. "E tu splendi". Beau titre, beau bouquin!

Ni enfantin, ni mélo,  plein de sel, de saveur et de sincérité,  voilà un récit  enlevé,  souvent  touchant, mais jamais complaisant, déchirant et  drôle à la fois, toujours  sensible mais  dynamique : il est à l'image de son héros et narrateur ,  le jeune Piero,  qu'on a envie de serrer dans ses bras pour lui dire comme on l'aime!

Bien écrit, animé de dialogues savoureux émaillés de patois -  j 'ai lu la V.O. , il n'est pas encore traduit, j'espère que la traduction sera à la hauteur de l'original!-  le livre de Giuseppe Catozzella, enfant du pays, fait vivre le "paese" d'Artigliana, au point de nous rendre  familiers ses rues, ses paysages et  surtout ses habitants, jeunes ou vieux,  personnages hauts en couleurs vus par les yeux d'un enfant qui franchit précocement la frontière de l'adolescence.

*La citation exacte de Pasolini est celle-ci: "Ceux qui sont destinés à être morts n'ont certes pas une jeunesse brillante, et voilà que ce sont eux qui t'enseignent à ne pas briller. Et toi, pourtant, tu brilles, Gennariello . "
Lettere luterane , 1976.
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