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Critique de Betty06


En 1932,dans le Voyage au bout de la nuit,Céline raconte, les aventures d'un homme banal: Bardamu, aux prises avec les dures réalités d'un monde cruel.
Le récit dont le héros est le narrateur est en partie autobiographique.
Il commence par la participation de Bardamu à la guerre de 1914 - 18, peinture à forte tonalité anti - militariste.
Puis la paix revenue, le roman nous emmène avec le héros, dans l'Afrique coloniale:
Céline y montre la corruption et l'atmosphère morbide qui règnent là-bas.
Souvent le récit, très réaliste en apparence bascule dans le rêve , l'imaginaire, voire le délire.
...Bardamu se retrouve sur une galère ( très symbolique ) : au bout du ( provisoire ) voyage,la découverte de l'Amérique.
L'Amérique (voir le beau roman de Kafka ) est, encore alors,un rêve, la patrie du droit et des libertés.
Mais,l'Amérique vraie de Céline est tout autre, c'est la patrie du " business ", des usines ultra - modernes et de la spéculaion. Bardamu découvre le travail à la chaîne, les restaurants " self - service ", le cinéma hollywoodien et surtout, plus terrible qu'ailleurs, la solitude.
"Pour une surprise, c' en fut une !
A travers la brume, c'était tellement étonnant ce qu'on découvrait soudain que nous nous refusâmes d'abord à y croire et puis tout de même, quand nous fûmes en plein devant les choses, tout galérien qu'on était on s'est mis à bien rigoler, en voyant ça droit devant nous...
Figurez-vous qu'elle était debout leur ville, absolument droite: New York.
On en avait déjà vu nous, des villes bien sûr et des belles encore, et des ports et des fameux, même.Mais chez nous, elle sont couchées les villes, au bord de la mer ou sur les fleuves, elles s'allongent sur le paysages,elles attendent le voyageur,tandis que celle - là l'américaine, elle ne se pamait pas, non elle se tenait bien raide à faire peur.
On en a donc rigolé comme des cornichons.ça fait drôle forcément,une ville bâtie en raideur."
Cet extrait donne une assez bonne idée du chef - d'oeuvre de Céline, dont l'écriture va bouleverser la littérature - pas seulement Française - avec ce mélange de trivialité, voire d'argot et d'effets stylistique prémédités.
On notera surtout l'habileté de la narration.Dans ce passage:
- La découverte retardée du "paysage" en contre champ, marque la surprise, dont l'effet cinématographique semble accrue par la brume.
- le passage permanent du réalisme le plus aigü à un monde imaginaire et délirant en apparence, mais qui n'en reflète que mieux la réalité, la vérité profonde des lieux, des êtres, d'une époque.
Ainsi, cette vue de New York jamais descriptive, ouvre sur le symbole et nous montre, avec des effets littéraires subtils, l'univers terrifiant, du monde capitaliste de, son refus de l'accueil, sa dureté, comme si la forme d'une ville annonçait déjà le coeur de ceux qui l'ont bâtie.
Les réactions des galériens sont déroutantes, réactions niaises en apparence d'un public populaire, ce que symbolise, entre autre ," la galère ", devant un monde qui n'est pas fait pour lui. L'Amérique des gratte-ciels, " elle se tenait bien raide " : Image de la dureté protestante, puritaine anglo - saxonne. New York est femme mais glaçante, " pas baisante ", repoussante, car inaccessible à l'image de ces belles blondes hollywoodiennes, que découvrira bientôt Bardamu, dans ses sorties solitaires au cinéma.
Le style Bardamu - Céline épouse ici comme ailleurs les méandres du langage parlé, mais avec tout un travail, parfois caché, de restructuration littéraire.
Céline met le lecteur en état d'arttente permanent.
Pour Céline la suite du roman dont l'action se déroule dans une imprécise banlieue parisienne, aucun doute possible: Dans cette jungle qu'est la ville, l'homme, le citadin est irrémédiablement seul.




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