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Critique de Archie


Voilà un livre dans lequel je suis entré tranquillement, qui m'a progressivement happé par son intensité en crescendo et dont j'ai terminé la lecture à bout de souffle.

Avec ce roman qui date d'une douzaine d'années, l'auteur, l'écrivain catalan Javier Cercas, s'efforce de disséquer les méandres de la culpabilité et du remords dans la conscience. Il entrecroise les parcours de deux personnages, qui cherchent chacun leur double dans l'autre. L'un est un vétéran américain du Vietnam, un ancien membre d'un escadron d'élite accusé de crimes de guerre, qui se débat dans la quête d'une impossible expiation. L'autre – narrateur de l'ouvrage – est un jeune écrivain qui, malgré les mises en garde, perd ses repères moraux dès son premier succès de librairie et doit en assumer de lourdes conséquences. Les drames arrivent en un éclair et transforment les destinées à la vitesse de la lumière. On ne les voit pas arriver, mais certaines pages sont brutales.

Le début est pourtant doucement anesthésiant – une sensation agréable, au demeurant ! –, comme lorsqu'on se trouve confortablement installé dans un univers familier, ou pour être plus précis, lorsqu'on a l'impression d'avoir déjà lu quelque part les pages du livre qu'on a entre les mains. Dans A la vitesse de la lumière, plusieurs traits m'ont conforté dans ce ressenti.

L'écriture de l'auteur, superbement traduite de l'espagnol, est faite de longues phrases qui se déploient et se redéploient en modulations harmonieuses ; de très longues phrases dont la composition unit, dans une syntaxe irréprochable, la narration des faits et le ressenti qu'ils inspirent au narrateur. Ça ressemble à du Proust et j'aime beaucoup. (Je relis souvent, au hasard, deux ou trois phrases de Marcel Proust ; une façon d'échapper à l'agitation du quotidien, comme lire de la poésie ou écouter de la musique.)

Comme A la recherche du temps perdu, A la vitesse de la lumière – un air de parenté dans les titres que je découvre en les écrivant côte à côte ! – pourrait passer pour une autobiographie. le narrateur, auquel on ne connaît ni nom ni prénom, ressemble en tous points à l'auteur, mais ce n'est pas tout à fait lui !... Une anecdote : après la publication du roman, Javier Cercas, qui enseigne à Barcelone, a dû préciser à ses étudiants qu'il n'avait pas été victime personnellement du drame subi par son personnage de narrateur dans le livre, un ouvrage de fiction.

La première partie du livre m'a rappelé des schémas de romans anglo-saxons contemporains. Un jeune plumitif au début de son chemin d'écrivain a opportunément trouvé un poste de professeur assistant dans une université américaine. Il s'y lit d'amitié avec un collègue plus âgé du nom de Rodney Falk, un intellectuel féru de littérature, dont le comportement étrange le pousse à chercher à en savoir plus sur son passé. Cette recherche se concrétise par la mise à nu progressive du personnage de Rodney, l'ancien militaire qui ne s'est jamais remis des contradictions auxquelles il a dû faire face, là-bas, au Vietnam et chez lui, après son retour. L'histoire est racontée par son père, dont la narration est enchâssée dans la narration principale, une construction romanesque courante dans la littérature du dix-huitième et du dix-neuvième siècles.

Toutes ces parentés littéraires pourraient traduire un manque d'originalité de l'ouvrage. Peu importe. Soulignant que certaines idées deviennent des clichés juste parce qu'elles sont vraies, Rodney avait prévenu son ami narrateur que, quand on cherche à « dire des choses originales pour faire l'intéressant, on finit par ne dire que des conneries ».

Dans la descente aux enfers des deux hommes, aucune rédemption par l'amour ne semble possible. Reste la mort… Et la littérature. Cette ultime voie passe par un retour aux sources qui boucle l'histoire. En trouvant ainsi comment terminer son livre, le narrateur trouve aussi son salut.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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