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Critique de Lamifranz



Parmi les thèmes évoqués par Gilbert Cesbron tout au long de son oeuvre romanesque, il en est un qui figure assez régulièrement, même s'il n'est abordé que de façon épisodique et épidermique : c'est l'évolution de la société depuis la fin de la guerre jusqu'à nos jours (c'est-à-dire les années 70).
L'action se situe entre 1944 et 1970, et raconte le destin de trois amis.
Benoit, Marie et Philippe, jeunes étudiants engagés dans la Résistance, prennent possession d'un immeuble où se prépare le journal « Le Soir ». Ils participent à la renaissance du journal. Benoit est un arriviste, prêt à tout sacrifier à son ambition. Il montera un à un les échelons pour arriver au sommet. Philippe, lui, est plus lucide, plus pur d'une certaine façon, mais lui aussi est contaminé par « l'imposture ». L'imposture essentiellement, c'est la compromission qui fait perdre de vue les vraies valeurs. Quant à Marie, aimée des deux garçons (elle épousera le premier), elle représente la Femme qui, aux yeux de l'auteur est le dernier garant des vrais principes. Car l'imposture est basée sur la perte de ces anciennes valeurs : l'être s'efface devant le paraître, l'imposteur sacrifie son amour à son ambition, et ce qui avait un sens n'en a plus, ou du moins ce sens est déformé.
L'imposture, cette gangrène de notre société est d'autant plus nocive qu'elle est contagieuse : les esprits les plus purs peuvent s'y laisser prendre. Elle touche tous les milieux (à commencer par les milieux de pouvoir et de communication). Gilbert Cesbron est journaliste depuis le début de sa carrière. Ces milieux, terreaux de l'imposture, il les connaît bien. Mais, comme il s'en explique dans sa préface, ce n'est qu'un décor : l'imposture existe partout, et depuis toujours. Mais notre époque moderne qui s'est convertie au pragmatisme, a détruit tous les garde-fous. L'évolution technique, jumelée avec l'évolution des moeurs, la politique de l'autruche jumelée avec celle de la paille et de la poutre, mènent à une civilisation sans repères.
C'est un constat amer, certes, et le malheur veut qu'il y ait peu de portes de sortie : c'est à l'intérieur de nous-même que sont les réponses.
Ce roman, paru en 1972, est toujours d'actualité. de toutes façons, Gilbert Cesbron a toujours été d'actualité. Ceux-même qui lui reprochent son côté suranné, reconnaissent que les thèmes qu'il aborde sont toujours contemporains. Si ses premiers romans étaient plus optimistes, c'est qu'il ne s'était pas encore pris à bras le corps avec la vie, la vraie vie, celle des bidonvilles et des prêtres-ouvriers, celle des enfants délinquants, des vieux, des malades, des enfants (des enfants surtout).
Gilbert Cesbron n'est pas seulement un excellent romancier, qui sait capter l'attention du lecteur avec une histoire forte et des personnages qui ne le sont pas moins. Mais il ne faut pas oublier qu'il est surtout un témoin de son temps, et même de tous les temps, car ce qu'il raconte est vieux comme le monde (dans le mal comme dans le bien) et il y a fort à parier que cela ne s'arrêtera pas de sitôt. Et, cerise sur le gâteau, et sans doute la raison pour laquelle il est toujours aussi populaire, Gilbert Cesbron est un homme de coeur, autant qu'il est un homme d'esprit et de sagesse : c'est une âme sensible révolté par l'injustice de la souffrance et de la mort, et il sait trouver en nous un écho à cette révolte.
S'il fallait donner un qualificatif à l'oeuvre de Gilbert Cesbron, je dirais que ses romans sont « justes », au sens normal de vrais, authentiques, et sans ambiguïtés, mais aussi au sens de porteurs de justice autant que de justesse, proches de la nature humaine, considérée sans a priori, avec humilité, compassion et amour.
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