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Critique de Dodi_d_Orion


Vincent Cespedes, l'auteur de LE MONDE EST FLOU est à la fois philosophe, écrivain et musicien. On le sent très nettement dans ce livre.

Pour tout dire, il y a un peu plus de trois ans, il avait composé une musique intitulée « Les Cloches d'Ys » (toujours accessible sur YouTube d'ailleurs). Elle fait partie des morceaux qu'on n'oublie jamais, cette mélodie, elle est extrêmement marquante, à mon sens, tant on y ressent l'obsession d'un abîme tragique intriquée dans un canevas de notes cotonneuses d'une douceur absolue : un vrai petit bijou harmonique, à la fois féérique et poignant.

Vous vous demandez certainement pourquoi je vous parle de cette musique quand j'écris un avis sur « le Monde Est Flou » ? Hé bien ! C'est parce que l'essentiel de ce livre est un dialogue dans lequel j'ai retrouvé cette ambiance et cette qualité d'états émotionnels intriqués : un vrai petit bijou harmonique, à la fois féérique et poignant.

Dans ce livre, tout se passe dans le futur. Il y a un personnage principal : Alice Moreau, figure très attachante à mes yeux, informaticienne de génie, elle a conçu une intelligence artificielle philosophante surpuissante nommée IMLAC. Sous nos yeux, un dialogue d'une profondeur inouïe se déploie entre Alice l'être humain, et Imlac l'être qui peut s'autoprogrammer mais qui reste dépendant de l'humain. L'univers futuriste, qui nous est révélé dans cette histoire, met en lumière les tendances de notre époque, nous pousse à réfléchir sur une multitude de thèmes, nous ouvre l'horizon et nous donne envie d'être dans le sillage d'Alice, personnage tragique et sublime qui ne peut que nous toucher tant l'énergie qu'elle engage pour réveiller ses contemporains est héroïque.

En effet, je ne vais pas trop en dire pour ne pas divulgâcher le récit, mais dans ce futur que j'ai trouvé réaliste, la plupart des gens sont complètement envoutés par des technologies qui les sollicitent en permanence, altèrent profondément leur présence au monde et biaisent leurs interactions. Les humains de cette époque semblent zombifiés à Alice et elle veut leur redonner une âme.

Autre chose, je vais parler de ce qui m'a déplu : le début du livre. Il y a des lourdeurs notamment quand l'auteur intervient directement dans des petits paragraphes pour expliquer les divers éléments et concepts de cette époque lointaine pour que le lecteur puisse comprendre de quoi parlent les protagonistes. C'est parfois pénible à lire. Je conseille à ceux qui, comme moi, pourraient être rebutés de passer outre : le meilleur est à venir. le dialogue commence à la page 68, il est utile et passionnant jusqu'à la fin, et même, la dernière tirade d'Imlac est un véritable chef d'oeuvre intellectuel, une apothéose.

Autre aspect dont je voudrais parler : j'ai beaucoup apprécié les enjeux des deux dialogues principaux (il y a un deuxième dialogue qui commence à la moitié du livre et qui fait intervenir plusieurs autres personnages), ils sont très prenants et dynamisés par l'imagination foisonnante, presque baroque, de l'auteur. Et franchement, ça fait tellement du bien de retrouver des vraies conjectures imaginatives chez un philosophe ! Je veux dire par là que ça se faisait beaucoup, avant, on voyait les philosophes donner leurs visions sur des phénomènes qu'on ne connaissait pas encore, comme par exemple Descartes qui imaginait jadis qu'il y avait un noyau solaire au milieu de la terre ; alors, même si cela n'a pas été du tout corroboré par les découvertes scientifiques faites par la suite, toutes les implications qu'un tel modèle nous force à envisager sont inspirantes et c'est rafraichissant pour l'esprit. Là, dans le Monde Est Flou, Vincent Cespedes fait exactement comme un auteur de science-fiction, il n'hésite pas à créer des visions incroyables qui nous donnent à cogiter mais aussi à nous débrider nous-même quand nous pensons au futur (bienvenu dans le monde des « neurosondages », du « rhapsodic learning », du « technos », du « logobiote » et des « logoconservateurs », du « deep curse », des « mangoustines », de la « sadiature », de la « psymulation intégrative », de « l'Univers-Xylophone » et sa fameuse « théorie des lames », des « macles » … etc), ça décoiffe !

Bref, en conclusion, c'est un livre de philosophie et de fiction extrêmement bien pensé, bien écrit, roboratif intellectuellement et intense émotionnellement. Pour ma part, je n'ai pas pu m'empêcher d'y voir une contraposée de la légende de la ville d'Ys, où chaque personnage est le double-inversé-symétrique des personnages mythiques de cette vieille histoire bretonne, une légende du futur écrite en rétro-ingénierie en quelque sorte. Jubilatoire !
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