Cette image me poursuivra jusqu’au bout : mon village en flammes dans le crépuscule, le rougeoiement du feu qui s’ajoute à celui du soleil couchant et irradie dans la nuit, les hurlements et les gémissements, le panache des chaumières qui se consument en torches cinglantes, les volutes noires et torturées qui montent à l’assaut des étoiles...Le spectacle était terrifiant et splendide à la fois. C’était tout mon passé qui s’effaçait d’un seul coup. Un passé que je ne regretterais pas, avais-je alors pensé.Debout à l’orée du bois, immobile et les pieds nus dans la boue gelée, je regardais les misérables chaumières disparaître au milieu de ces langues de feu qui léchaient le ciel comme pour lui fermer les yeux. Je suis restée là un long moment, face au brasier, sentant malgré la distance et le froid mordant la chaleur des flammes lointaines me caresser la figure. Puis je me suis mise en marche vers le village.