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Critique de Domterrier


Comment écrire la biographie d'un auteur qui a consacré l'essentiel de son oeuvre au récit de sa propre vie ? C'est le défi que s'est lancé Dominique Chabrol, un pari qu'il remporte haut la main. Le biographe sait se montrer discret tout au long des 450 pages de ce livre touffu mais il sait aussi, au détour d'un chapitre, questionner le lecteur sur ce qui peut faire, ou défaire, la vie d'un homme ordinaire, rappelant au passage qu'il suffit parfois d'un interligne plus ou moins espacé, ou d'une virgule mal placée, pour que l'oubli se transforme en notoriété et vice versa.
Une Vie à crédit, un titre qui renvoie au célèbre Mort à crédit de Louis Ferdinand Céline, écrivain majeur et maudit du vingtième siècle, qu'Alphonse Boudard considère comme son modèle mais qu'il ne suivra jamais sur le chemin de l'antisémitisme et de la passion pour la croix gammée. Un langage constamment inventif et l'emploi de l'argot dans des récits vivants et sincères, voilà ce qui rapproche les deux auteurs et dévoile une filiation indiscutable.
Enfant sans père, placé chez des paysans jusqu'à sept ans, puis petit parigot détenteur du certificat d'études, Alphonse Boudard va s'engager dans les FFI du mythique colonel Fabien puis dans la 1ère armée du non moins célèbre maréchal de Lattre pour bouter les Allemands hors de France. Blessé au combat, décoré de la Croix de guerre, gaulliste de la première heure, il tombe ensuite dans la délinquance et va tout droit en prison sans passer par la case départ. Affaibli par des années de détention et par la tuberculose attrapée derrière les barreaux, il rédige en prison un manuscrit de 800 pages, Les Combattants du petit bonheur, qu'il transmet clandestinement à son épouse afin qu'elle le propose aux maisons d'édition. Après de multiples échecs et de sanglantes désillusions, Alphonse Boudard devient célèbre et son premier roman obtient le Prix Renaudot en 1977. Quand il reçoit le Grand prix de l'Académie française en 1995 pour Mourir d''enfance, il refuse d'endosser le costume d'académicien et déclare, avec son style anti-conformiste et son accent prolétaire : « Pourquoi me faire porter une épée quand il n'y a plus personne à tuer ? ».
Boudard fait partie de la famille des écrivains-taulards, comme José Giovanni ou Edward Bunker, il refuse de se plaindre ou de passer pour une victime, il assume ses erreurs et emploie la dérision et l'humour pour cacher sa colère et son amertume. J'ai lu Alphonse Boudard il y a bien longtemps et ce livre m'a donné envie de le relire avec une vision nouvelle du personnage.
Pour ceux qui voudraient découvrir Alphonse Boudard voici ses trois chefs-d'oeuvre : La Cerise, récit des années d'emprisonnement, L'Hôpital, récit des années de sanatorium et Les Combattants du petit bonheur, récit des années de guerre. Merci à Babelio qui m'a envoyé ce livre dans le cadre du concours Masse Critique.
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