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Critique de Presence


Ce tome contient les 4 épisodes de la minisérie "Fragile Creature", initialement parus en 1991/1992, tous écrits, dessinés et encrés par Paul Chadwick. Il n'est pas besoin d'avoir lu d'autres tomes de la série, car Paul Chadwick fait en sorte de rappeler les quelques éléments nécessaires à la compréhension en début de récit.

L'histoire commence alors que Concrete (Ronald Lithgow) réside toujours à Los Angeles. Il est en train de faire installer des panneaux solaires sur le toit de sa maison. Avec Larry Munro (son secrétaire particulier), Concrete se rend à un rendez-vous avec des assistants à réalisateur pour être engagé sur le tournage d'un film à gros budget. Ce film de science-fiction est basé sur une ligne de jouets appelée "Rulers of the Universe".

Dès le début, ses employeurs lui font observer qu'il permettra de réaliser des dizaines de milliers de dollars d'économie en effets spéciaux, ce qui pourra créer quelques frictions avec les copains de ceux qui auraient pu en bénéficier. Larry Munro assiste à toutes les prises de vue. de son côté, Maureen Vonnegut a enfin rencontré quelqu'un spécialisé dans son domaine de recherches : un certain professeur Buchner, impliqué dans des manifestations politiques.

Dans l'introduction, Paul Chadwick explique qu'il avait choisi à cette époque (début des années 1990) de renoncer au rythme de parution mensuel, pour préférer une série de minisérie, lui permettant d'avancer à son rythme, et de raconter des histoires dans un format plus long qu'un seul épisode. Il indique également qu'il s'est servi de sa propre expérience dans le métier du cinéma pour ce récit. Chadwick a réalisé des story-boards pour plusieurs films. Ici le lecteur comprend rapidement que le film "Rulers of the Universe" est un titre transparent pour Les maîtres de l'Univers. Il y a également le scénario du film qui est identique, le premier rôle qui a un fort accent (évoquant Dolph Lundgren), etc.

Le lecteur suit avec plaisir la découverte du milieu du cinéma par Concrete au fur et à mesure que le temps passe et que la production avance. La propre expérience de Paul Chadwick en la matière assure une authenticité croustillante, d'autant plus croustillante que la production de "Masters of the Universe" fut mouvementée.

Fidèle à sa narration, Chadwick développe ses personnages autour de la trame principale. Ainsi Concrete côtoie les différents membres de l'équipe de tournage. Il voit un accessoiriste dépouiller sa propre voiture au fur et à mesure pour accéder à des demandes imprévues et devant être réglées à la minute. Il se fait alpaguer par Bernice Lavoisier, le premier rôle féminin, qui voit en lui un protecteur de grande envergure, avec l'avantage qu'il ne la poursuivra pas de ses assiduités.

Le lecteur bénéficie d'une vision de l'intérieur de la réalisation d'un film, à une échelle très humaine, avec également des éléments de contexte sur les difficultés rencontrées, d'ordre financières ou techniques. Chadwick représente avec minutie chaque élément. Il explique dans l'introduction qu'il a choisi de s'encrer avec un stylo plutôt qu'au pinceau comme d'habitude. Cela donne des contours fins et durs. le lecteur note également que Chadwick essaye différentes façons de représenter les ombres portées.

L'avantage de la finesse de ces contours est que l'artiste peut mettre de nombreux détails dans chaque case, toute en restant lisible. Comme dans les tomes précédents, Chadwick s'applique à dessiner de manière réaliste, sans aller jusqu'au photoréalisme. Ses personnages présentent des morphologies normales et variées. Comme dans le tome précédent, il éprouve encore quelques difficultés à rendre réaliste la manière donc Concrete passe par les portes, son épaisseur nécessitant une grande largeur (et pourtant il entre sans difficulté dans la caravane servant de loge à Bernice).

Le fait que Chadwick s'applique à être concret et factuel dans sa manière de dessiner ne l'empêche pas de réaliser des compositions mémorables. de temps à autre, il s'amuse avec un élément. Il y a ainsi l'entrelacs inextricables des autoroutes urbaines de Los Angeles qui finissent par délimiter les bordures de cases (page 15). Tout au long du tournage, l'artiste s'amuse à représenter les décors du film, avec un effet de décalage amusant. Ces éléments de décor sont placés sur le même plan que le reste du dessin, leur conférant une substance identique. Or les dialogues et le manque de budget font clairement comprendre que du point de vue du film, il s'agit d'éléments bricolés avec des bouts de ficelle, ce qui se verra à l'écran.

À la fin de chaque épisode, Paul Chadwick réalise un dessin en double page, encré au pinceau, représentant l'une des scènes du film. Il s'agit d'images superbes, avec du texte, évoquant des dessins d'al Williamson, période EC Comics (voir 50 Girls 50, and other stories).

Cette histoire est une très grande réussite, l'équivalent d'un roman pénétrant et divertissant. Paul Chadwick continue à se servir avec sensibilité de son dispositif narratif (le personnage principal un peu en retrait de l'humanité du fait de sa carapace de béton), pour faire apparaître la sensibilité des comportements humains, la fragilité de ces créatures (même si le titre se réfère en fait à la réalisation d'un film). Dans une séquence, Concrete se fait la réflexion que " Mon corps est mon destin", montrant au lecteur à quel point la morphologie d'un individu a des conséquences sur sa vie.
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