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Critique de Nemorino


Mon Chagall toujours rêveur et toujours rattrapé par la réalité… Couples d'amoureux, animaux, isbas, le magicien, le violoniste, le rabbin… C'est la métaphore poétique qui triomphe dans la peinture de Chagall et qui me séduit tant. Pourquoi la vache est-elle verte et pourquoi le cheval s'envole-t-il dans le ciel ? Ses camarades communistes se demandaient : « Quel rapport avec Marx et Lénine ? »
Ce livre est le fruit de l'amour de Marc et Bella. C'est elle qui a traduit l'autobiographie de Chagall. Ce n'est pas une biographie complète, loin de là, car elle s'arrête à l'année 1922. En 1923 Chagall émigre à Paris. Je rappelle quand même quelques dates : Chagall est né en 1887, à Vitebsk. Dans sa ville natale, en 1909, Chagall fait connaissance de Bella Rosenfeld, sa future femme, fille de bijoutier. En 1915, toujours à Vitebsk, il l'épouse. L'année 1931, c'est la parution de son autobiographie Ma vie, dans la traduction de Bella. 1937 Chagall acquiert la nationalité française.
Il y deux Chagall comme il y la vie avec Bella et après Bella où le climat s'assombrit. En 1944 Bella meurt d'une infection virale. J'imagine parfois que la chance de la vie de Chagall n'était pas dans son génie mais dans sa rencontre de Bella, son inspiratrice et sa beauté éternelle. Ce n'est qu'avec elle qu'il vit l'idylle poétique exprimée dans son autobiographie : « Enfin seuls à la campagne. Bois, sapins, solitude. La lune derrière la forêt. le cochon dans l'étable, le cheval derrière la fenêtre, dans les champs. Le ciel lilas. »
Les phrases spontanées de Chagall contredisent souvent les historiens d'art. C'est pour cela que le livre est intéressant. Il témoigne de l'humour discret de Chagall et de son insouciance et confirme que notre vie est un étalage d'illogismes. Chagall quitte la Russie ennuyeuse et malheureuse et pourtant son repli sur lui-même fait toujours revenir son enfance dans son oeuvre. Il refuse le côté trop intellectuel du cubisme et pourtant la méthode géométrique de l'éventail est bien présente dans ses créations. Dans ses écrits, il aborde le peuple juif dont il est issu avec une douce moquerie et une supériorité nonchalante d'un homme du monde et pourtant le juif errant ne quitte jamais son univers créatif. À tel point qu'on lui reproche la tendance à l'autonomie des motifs au détriment de leur puissance expressive : toujours les mêmes réminiscences au cours des différentes décennies, les motifs qui ne servent plus que d'étiquette, de moyen d'identifier la toile comme « un Chagall » et font dissiper l'aura d'étrangeté enveloppant Chagall… Enfin, Chagall refuse les absurdités politiques qui ont suivi la révolution russe et pourtant, l'ironie du sort, la famille Chagall emménage un jour avenue d'Orléans, dans un appartement avec un mobilier oriental qui avait déjà abrité Lénine !
Comme aucun autre artiste du 20éme siècle Chagall sut tout concilier : les différentes communautés religieuses et artistiques. Sa faculté d'intégration est comme une promesse d'un monde fraternel et paradisiaque.

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