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Critique de motspourmots


Il fallait de la sobriété pour servir le sujet. Sans cette écriture simple, faite de phrases courtes, sans cet attachement à relater les faits de la façon la plus directe on aurait pu basculer dans le sordide voire l'étalage. Au contraire, Sorj Chalandon parvient à livrer un roman puissant d'autant plus fort qu'on le sait inspiré de sa propre expérience. On comprend l'effet libérateur qu'a dû avoir la rédaction de ce livre sur l'auteur qui a attendu le décès de son père pour s'autoriser à écrire sur ce personnage singulier, complètement fou, odieux, détestable... que son fils ne peut pourtant s'empêcher d'aimer.

La profession du père, on ne la connaîtra jamais. Pasteur pentecôtiste, chanteur, parachutiste, agent secret... D'après ses déclarations, il a tout exercé, il connaît tout et tout le monde. N'empêche que le petit Emile Choulans a bien du mal à remplir la case adéquate à chaque rentrée des classes. Partagé entre admiration et crainte, il subit l'isolement imposé (personne n'est jamais reçu dans l'appartement familial), la mythomanie paranoïaque de son père, les brimades et les coups. A cheval entre les mondes imaginaires de l'enfance (qui n'a pas rêvé d'un père espion qui l'enrôle dans ses missions ?) et la brutalité induite par une pathologie jamais décelée chez cet homme qui passe sa vie en dehors du monde réel. Et que dire de la mère ? Spectatrice et victime consentante, qui choisira toujours son mari, sans que l'on comprenne si c'est par peur ou aussi par indifférence. "Tu connais ton père" se contente-t-elle de répéter.

Dans le roman, Emile se raccroche au dessin, comme l'auteur a dû se raccrocher à l'écriture. Une activité artistique, intellectuelle, qui fait appel à l'imagination, seul terrain capable de contrer les effets néfastes des histoires inventées par le père. La scène où les parents annoncent à leur fils qu'ils déménagent mais sans lui (en gros ils le jettent à la rue) est presque insoutenable. Sauf qu'à bien y réfléchir, on se demande s'ils ne lui ont pas finalement rendu service en le rendant à la vie normale. Mais que de brutalité !

Ce qui est remarquable dans ce livre, c'est la façon dont Sorj Chalandon parvient à faire ressentir au lecteur les différents états par lesquels passe l'enfant, puis l'adolescent, l'adulte et l'homme arrivé à maturité, devenu père à son tour. Sans pathos mais avec une lucidité poignante. Surtout lorsqu'il est question de l'amour inconditionnel que voue un enfant à ses parents. Comment comprendre que l'on bafoue cet amour ?

C'est un homme visiblement libéré qui a écrit ce livre, un homme en paix avec lui-même certainement grâce au pardon que l'on devine dans les dernières pages et sans lequel l'écriture n'aurait pu se faire. C'est tout le talent de l'écrivain que de transformer une histoire personnelle en roman universel.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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