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Note moyenne 4.1 /5 (sur 13824 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Tunis, Tunisie , le 16/05/1952
Biographie :

Sorj Chalandon est un journaliste et auteur français.

Il a été journaliste au quotidien "Libération" de 1974 à février 2007. Membre de la presse judiciaire, grand reporter, puis rédacteur en chef adjoint de ce quotidien, il est l'auteur de reportages sur l'Irlande du Nord et le procès de Klaus Barbie qui lui ont valu le prix Albert-Londres en 1988. Depuis 2009, Sorj Chalandon est journaliste au "Canard enchaîné", ainsi que critique cinéma.

Il est devenu un auteur reconnu grâce notamment à "Une promesse", qui obtint le prix Médicis en 2006, "Retour à Killybegs" couronné en 2011, par le Grand Prix du roman de l'Académie Française et "Le Quatrième mur", roman qui permis à Sorj Chalandon d'être lauréat du prix Goncourt des Lycéens en 2013.

En 2010, Sorj Chalandon apparut en dernière partie du film documentaire de Jean-Paul Mari "Sans blessures apparentes".

De 2008 à 2012, Sorj Chalandon fut le parrain du Festival du Premier Roman de Laval, organisé par Lecture en Tête. Depuis 2013 il est le Président du Jury du Prix Littéraire du Deuxième Roman.

En 2015, il publie "Profession du père", une oeuvre romanesque où il s’inspire de sa propre enfance.

En 2017, il publie le roman "Le Jour d'avant"", sur la catastrophe minière de Liévin-Lens qui a fait 42 morts le 27 décembre 1974.

En 2019, paraît "Une joie féroce", qui obtint un grand succès commercial.

"Mon traître", "Retour à Killybegs" et "Le quatrième mur", ont été adaptés en bande dessinée.

Bibliographie :
– Enfant de salaud (NOUVEAUTE GRASSET)
– Le Petit Bonzi
– Une promesse
– Mon traître
– La Légende de nos pères
– Retour à Killybegs
– Le Quatrième Mur
– Profession du père
– Le Jour d’avant
– Une joie féroce
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Bibliographie de Sorj Chalandon   (20)Voir plus


Entretien avec Sorj Chalandon, à propos de son ouvrage Le Jour d`avant

25/09/2017

Avec Le Jour d’avant, vous rendez hommage à un drame oublié de l’histoire sociale, celle des 42 ouvriers de la mine de Liévin décédés sous terre le 27 décembre 1974, à travers celle d’une fratrie brisée et du combat de Michel Flavent pour venger sa famille. Comment avez-vous abordé l’écriture de ce texte ?

Le 27 décembre 1974 – j’étais alors jeune dessinateur à Libération – cette catastrophe a incarné pour moi le pire de l’injustice. D’abord et avant tout parce que ces morts auraient pu être évitées. Ensuite parce que le mot « fatalité » est revenu en boucle – tant dans la bouche des politiques que dans les colonnes des journaux – nous expliquer pourquoi des mineurs mourraient à la mine. Ensuite parce que, depuis toujours dans l’imaginaire collectif, a été instillé le fait que le mineur mort est un homme qui s’était sacrifié. Cette fameuse « armée noire », partant au combat pour la France et mourant pour elle. Enfin, comme vous le dites dans votre question, parce que ce drame ne fut pas national et que son écho, sa mémoire, n’ont été inscrits que dans le Nord-Pas-de-Calais.

Cet ensemble de faits a constitué ma première colère d’homme. Je ne savais pas encore comment, mais il était important pour moi de contribuer d’une façon ou d’une autre à ce que les 42 oubliés de Liévin reviennent au grand jour.

Vous présentez la mine comme un monstre affamé qui dévore les hommes de l’intérieur, lentement mais sûrement. A votre avis, y a-t-il un équivalent de la mine aujourd’hui dans le monde ouvrier ?

Je n’ai pas d’avis. Je ne suis ni sociologue du travail, ni historien. Je vois simplement la caissière de magasin qui ne peut prendre sa pause alors que son ventre souffre. Je vois le guichetier insulté derrière son hygiaphone. Je vois les premiers métros parisiens, bondés de travailleurs étrangers que la France embauche à l’aube sans leur offrir de papiers en règle. Je vois les nettoyeurs de bureau, les passeuses de serpillières, les derniers ouvriers à la chaîne qui dorment dans le bus après le travail. Je vois les maçons sous la pluie, les couvreurs de toit dans le vent. Je vois les gamins en vélo pédalant dangereusement entre les voitures pour livrer des repas qu’ils ne pourront jamais s’offrir. Je vois les balayeurs de rues, les ravaleurs de quais, les ouvriers de nuit penchés sur les ballasts. Je vois les marins sous-payés. Je vois les grappes d’hommes, sur les trottoirs aux portes de Paris, qui attendent un boulot au noir sur les chantiers. Je vois les travailleurs, un lundi matin, qui apprennent à la grille de leur usine, qu’un patron voyou a déménagé leurs machines dans la nuit. Je vois les agriculteurs qui se pendent au faîte de leur grange. Je vois les petits commerces qui ferment. Les kiosquiers qui baissent les bras. Je vois les gamins, cravate trop large, trembler avant l’entretien d’embauche. Je vois les chômeurs de 55 ans. Les sans-emploi de 18. Je vois les inconnus, les invisibles, les sans-rien-du-tout que nous enjambons.

Je n’ai pas d’avis, je regarde et je vois.


Même si ça n’est pas son propos principal, votre livre évoque parfois indirectement la question écologique : le père de Michel est agriculteur et parle d’une « terre morte », alors que son fils Joseph va puiser dans des sous-sols de plus en plus pauvres. L’ouvrier apparaît ainsi comme un fusible de l’épuisement des ressources, y participant malgré lui…

Ce n’est effectivement pas son propos. Une terre morte veut dire une terre qui va être envahie par autre chose que ce que les bras du père y faisaient pousser. Il ne contribue pas à l’épuisement des ressources, il n’a simplement plus la force de résister aux céréaliers, à l’importation, à la division des terres. Quant à Joseph, il perce la veine à l’heure où le solaire n’existe pas. Où aucune éolienne ne tourne sur aucune colline. Le paysan creuse, le mineur creuse. On parle de vie, de survie. Et un jour, le monde – qui change, et c’est tant mieux – leur dit qu’il est désormais inutile de creuser davantage.

Dans la deuxième partie du livre, le narrateur et personnage principal Michel Flavent paraît complètement dépassé par son propre procès, qu’il avait d’une certaine manière tenté d’orchestrer. Pourquoi mettre autant à l’épreuve votre personnage, déjà largement victime de son histoire familiale ?

A l’image du Meursault de L`Etranger, j’ai souhaité que Michel soit comme absent de son procès. Je lui ai offert – cadeau empoisonné – l’attitude qui aurait été la mienne. Oui, il a souhaité ce procès. Oui, il est tombé dans la barbarie pour être contraint à la justice des hommes. Mais je me suis glissé dans sa peau. Le fait de n’avoir pas tué le vieux Dravelle est pour lui un soulagement. Il l’a recherché pendant quarante ans, puis côtoyé quelques semaines, puis respecté. Sa survie a été un soulagement immense pour Michel. Le plus beau jour de sa triste vie. Voilà Michel emprisonné, Dravelle vivant. « C’est un homme bien », lui avait dit Joseph, son frère. Cet homme bien est redevenu un mineur dans les yeux de Michel. Pas un porion, pas un contremaître, pas un salaud. Un mineur. Ayant échappé au pire : devenir un assassin, Michel se désintéresse de lui-même. La justice peut passer, elle ne le touche plus. Il n’est pas dépassé par son procès, il s’en est extrait. Le mal est fait, tout est dit. Comme j’aurais pu le faire et le vivre, Michel veut désormais qu’on le laisse tranquille, qu’on l’oublie, que plus rien de lui ne subsiste. Il lui faut demander pardon et retourner à son obscurité. Mais faisant cela, il marche droit vers la lumière.

Et moi, le protégeant, je lui offre sa victime et son avocate, pour assurer sa défense.


Est-ce que votre démarche, celle de l’écrivain, n’est pas diamétralement opposée à celle de l’avocat général, qui dans son réquisitoire réduit l’affaire à un simple fait divers ? Et est-ce que dans ce plaidoyer, il ne juge pas aussi l’écrivain racontant une histoire, faisant du réel une fiction ?

Absolument. Cela a été peu lu comme ça, ou peu compris, mais le procès de Michel est aussi le procès de mes personnages précédents. Flavent n’est pas seul dans le box. A ses côtés, il y a Tyrone, traître irlandais. Il y a mon père de réalité et de fiction. Et il y a moi.

Lorsque l’avocat général tonne : « Mais de quel droit vous être vous attribué ce rôle de justicier ? », j’entends cet homme dire : « Et vous, Chalandon, qui vous a autorisé à parler ici de la mine ? En êtes-vous l’enfant ? » Non. « Avez-vous été élevé dans les corons ? » Non. « Avez-vous souffert du charbon dans votre chair ? La mine vous a-t-elle fait orphelin ? Avez-vous les poumons durcis par la silice ? » Trois fois non. J’ai écrit ce réquisitoire parce qu’il le fallait. Il fallait que Michel s’affronte à la réalité. Et il fallait que je réponde à la fiction.


A la lecture des cinquante premières pages, j’ai dû pleurer au moins trois fois tant le récit du parcours familial des Flavent est bouleversant. Souvent le livre est d’ailleurs très sombre. Malgré tout, vous finissez sur une note d’espoir, d’apaisement, après la colère et la vengeance. Pourquoi cette volonté ?

Parce que c’est mon état d’esprit. Je n’avais pas le droit de laisser Michel et son lecteur au fond de la mine. Je tenais à les ramener tous deux au jour. Je voulais cette lumière. J’y tenais depuis le premier mot écrit. C’est une faible lueur, mais elle existe.

Vous avez travaillé chez Libération pendant trente-quatre ans, et écrivez aujourd’hui pour le Canard Enchaîné. Qu’est-ce que vous permet la littérature, que le journalisme ne peut vous offrir ?

Tout simplement, me réapproprier. Dire « je », laisser parler mes émotions. Tristesse, désarroi, colère. Je suis Michel dans Le Jour d`avant, Georges dans Le Quatrième Mur, Antoine dans Mon traître et Retour à Killybegs, Emile dans Profession du père, Marcel dans La Légende de nos pères, Jacques dans Le Petit Bonzi. J’ai offert à chacun de ces personnages des lambeaux de ce que je suis alors qu’un journaliste n’a pas le droit de se mettre en scène. En entrant dans les camps martyrisés de Sabra et Chatila, en septembre 1982, je pleurais. Ces larmes n’ont pas été écrites dans Libération et c’est normal. Mon travail de journaliste était de recueillir les larmes des enfants, des femmes, des vieillards palestiniens. Mais ma tristesse à moi, j’en fais quoi ? Je la donne à Georges. J’en fais un metteur en scène de théâtre, je lui demande d’entrer à son tour dans les camps de Beyrouth et je le supplie de pleurer pour moi.



Sorj Chalandon à propos de ses lectures



Quel est le livre qui vous a donné envie d’écrire ?

L`Enfant et L`Insurgé, de Jules Vallès.

Quel est l’auteur qui vous a donné envie d’arrêter d’écrire (par ses qualités exceptionnelles...) ?

Aucun. Les qualités exceptionnelles d’un écrivain sont une incitation à progresser.

Quelle est votre première grande découverte littéraire ?

Jeune homme ? Probablement La Nausée de Jean-Paul Sartre.

Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?

Les Coeurs purs de Joseph Kessel.

Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?

Je regrette n’avoir jamais ouvert La Princesse de Clèves, acheté précipitamment après les moqueries de Nicolas Sarkozy. J’ai même porté le badge « Je lis La Princesse de Clèves » lors du Salon du livre de Paris en 2009. Mais, pour l’instant, Mademoiselle de Chartres sommeille toujours dans ma bibliothèque.

Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?

A vous et à la vie : Lettres de fusillés du Mont-Valérien (1940-1944), édité par Tallandier et le Ministère de la Défense. Au hasard : « … Tu leur diras que nous avons été courageux jusqu’à la dernière minute », signé Antoine Thomas, assassiné à 26 ans, le 21 novembre 1942.
Ces derniers mots d’hommes libres nous permettent aujourd’hui de vivre et de faire de la littérature.

Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?

Je n’ai pas cette arrogance.

Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?

Dans un numéro spécial, Libération avait demandé à des dizaines d’auteurs : « Pourquoi écrivez-vous ? » Et tous ont planché sur des phrases et des pages. Sauf Samuel Beckett. Sa réponse a été publiée en caractères immenses : « Bon qu’à ça. »
Une merveille.

Et en ce moment que lisez-vous ?

L`Insoumise de la porte de Flandre, de Fouad Laroui (Julliard). L’histoire de Fatima, habitante de Molenbeek, à Bruxelles, voilée par les uns, dévoilée dans sa tête, dans son cœur, dans son corps.

Découvrez Le Jour d`avant de Sorj Chalandon aux éditions Grasset :



Entretien réalisé par Nicolas Hecht.


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Extrait du livre audio « l'enragé » de Sorj Chalandon lu par Féodor Atkine. Parution numérique le 16 août et CD le 20 septembre 2023. En savoir plus : https://www.audiolib.fr/livre/lenrage-9791035414177/ Commander sa version CD : https://boutique.audiolib.fr/produit/1275/9791035414177/l-enrage

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— Lorsqu’il remonte au jour, le mineur n’est qu’un survivant. Même s’il est décrassé, il rapporte le charbon en surface. Il lui en reste dans les cheveux, dans le nez, au coin des yeux, entre les dents. La mine a pris la place de l’air dans ses poumons. Le mineur n’est pas mort, non. Mais il sait que la mort l’attend

Page 287, Grasset, 2017.
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Je n’avais pas honte. Moi aussi, j’étais un ouvrier. Pour toujours. Paris ne changerait rien, je le savais. Mais il fallait que je quitte le bassin. Je ne voulais pas d’un horizon de terrils. De l’air âcre des cheminées. Je ne pouvais plus passer devant les grilles de la mine, croiser les gars sur leurs mobylettes. Baisser les yeux face aux survivants. Entendre le souffle des chevalements que seul mon Jojo avait le droit d’imiter. J’étais épuisé des hommes à gueules de charbon. Je ne supportais plus de voir leurs mains balafrées, entaillées, leurs peaux criblées à vie d’échardes noires. Les regards harassés me faisaient de la peine. Même le dimanche, même nettoyés dix fois, les cous, les fronts, les oreilles racontaient la poussière de la fosse.
Et mon frère disparu.

Page 33, Grasset, 2017.
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Mourir pour le profit de la Compagnie nationale des Houillères? C’est ça que tu veux Jojo? Crever comme ton oncle à vingt et un ans, les lunettes coulées sur le visage et les doigts soudés par la chaleur? Suer dans les entrailles de la terre pour engraisser les planqués du carreau? Passer tes jours à percer la nuit? C’est ça ton rêve, mon fils? Et si tu tombes à la fosse, tu auras gagné quoi? Qui te tiendra hommage? Deux écharpes tricolores venues d’une autre ville, un sous-ministre arrivé de Paris, un discours honteux sur le mauvais sort, trois fleurs payées par le syndicat et une garde d’honneur de copains qui n’oseront même pas regarder votre pauvre mère en face?

Pages 18-19, Grasset, 2017.
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Sorj Chalandon
J’écris de la maison parce que c’est moins loin de chez moi, le 3 avril 2020
Depuis quelques jours, « Les passantes » tournent lentement dans ma tête. La chanson triste et belle de Henri Pol et Georges Brassens. « À celles qui sont déjà prises / Et qui, vivant des heures grises / Près d’un être trop différent / Vous ont, inutile folie / Laissé voir la mélancolie/ D’un avenir désespérant. »
Aujourd’hui, les passantes ne passent plus. Certaines sont confinées auprès de cet être trop différent, prisonnières de cet avenir désespérant. Et c’est à elles que je m’adresse.
À vous, qui n’aviez que l’air libre pour respirer, la rue, le travail, les copines, tous ces instants sans lui. À vous, qui rentrez le soir la peur au ventre, en l’entendant marcher derrière la porte. À vous, que ses silences terrorisent autant que ses cris. À vous, qui cachez aux autres vos yeux meurtris derrière des sourires tristes. À vous, qui prétendez une fois encore vous être cognées contre un meuble. À vous, qui redoutez que sa main se transforme en poing. À vous, qui protégez vos enfants de sa rage. À vous qui pleurez tout bas. À vous, qui êtes prisonnières du virus, de vos murs, d’un homme cogneur. À vous, qui êtes captives d’un salaud.
Je ne connais pas votre prénom, mais à le prononcer, voilà les prénoms du monde. Tous les visages. Toutes les couleurs de peau. Peu importe votre vie. Beaux quartiers, quartiers vilains, vos larmes ont le même goût de sel. Et où que ce soit. Dans cette pièce misérable ou ce salon somptueux, vous êtes sœurs de douleurs.
Nous rendons hommage, et c’est justice, aux soignants qui combattent à mains nues. Aux inconnus, aux invisibles, à ceux qui font que la machine cahote sans s’arrêter.
Mais vous, qui vous console ? Lorsque vous souffrez, lorsque vous mourrez, je n’entends monter que des voix de femmes. Ils sont où, les hommes ? Pas les mecs, les hommes ? Ceux qui devraient combattre à vos côtés ?
Depuis des jours, le salaud a fixé un bracelet électronique à votre cheville. La promenade se fera autour du pâté de maison. Quelques courses et retour à la case prison. Les enfants, le ménage et le salaud qui ne sait plus quoi faire de lui. Qui occupe le coin télé. Le salaud qui boit la bière de trop.
Nous sommes loin de vous, passantes. Nous, applaudissant aux fenêtres, vous dissimulées derrière vos volets. Mais sachez que nous pensons à vous.
Nous pensons à vous parce qu’en plus des murs clos, un Minotaure vous terrorise. Et que cette idée doit nous être insupportable, à tous. Pas seulement en ces temps prisonniers mais après, bien après, lorsque nous nous embrasserons dans la rue et que vous resterez en cellule.
Sur nos autorisations de circuler, une case indique: « déplacements pour motif familial impérieux, pour l’assistance à personnes vulnérable ». En cas de danger, vous êtes cette personne vulnérable. Et vous mettre à l’abri est un devoir impérieux.
C’est à vous, a dit le poète, que je voulais dédier ces mots…

Sorj Chalandon
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Une vie : une médaille. Une rondelle de ferraille pour un cœur brisé. C’était indigne, dégueulasse. L’idée d’hommage à nouveau m’a hanté. J’avais décidé de combattre le mépris des vivants.

Page 45, Grasset, 2017.
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— 42 garçons sont restés au fond par ma faute. J’étais responsable de leur sécurité et je passais mon temps à leur dire : « Si on fait trop de sécurité, on ne fait pas de rendement. » Le rendement, les économies, c’était l’obsession de la Compagnie. Une politique brutale imposée à tous.

Page 287, Grasset, 2017.
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Le cancer n’est pas un rhume. Le cancer ne s’attrape pas, c’est lui qui vous attrape. Dans le mot cancer, il y a de l’injustice. De la traîtrise. C’est le corps qui renonce. Qui cesse de vous défendre. C’est une écharde mortelle. Un visiteur du soir que l’on voit se faufiler en tremblant. Il dormait sur votre seuil, comme un vieux chat fourbu. S’est installé sur le canapé. Puis dans votre lit. Puis s’est senti chez lui partout dans la maison. C’est l’importun. Le nuisible. L’ennemi intérieur. Celui qu’on n’a pas vu venir.
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Aller au bout de l’irrationnel oblige parfois à se confronter à la raison.
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Personne ne naît tout à fait salaud, petit Français. Le salaud, c’est parfois un gars formidable qui renonce.


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Le regard d'Antoine a été l'un des plus beaux jamais portés sur moi, et aussi l'un des derniers.
Lorsque le petit Français me regardait, je m'aimais. Je m'aimais dans ce qu'il croyait de moi, dans ce qu'il disait de moi, dans ce qu'il espérait. Je m'aimais, lorsqu'il marchait à mes côtés comme l'aide de camp d'un général. Lorsqu'il prenait soin de moi. Qu'il me protégeait de son innocence. Je m'aimais, dans ses attentions, dans la fierté qu'il me portait. Je m'aimais, dans cette dignité qu'il me prêtait, dans ce courage, dans cet honneur. J'aimais de lui tout ce que son coeur disait de moi. Lorsque Antoine me regardait, il voyait le Fianna triomphant, le compagnon de Tom Williams, le rebelle de Crumlin, l'insoumis de Long Kesh. Lorsqu'il me regardait, Danny Finley était vivant.
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