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Critique de Doudaminou


Avant même de commencer la lecture de ce livre je me suis renseigné sur l'auteur. J'ai alors découvert qu'il avait obtenu le prix Goncourt ce qui est généralement pour moi le signe précurseur d'un style pompeux, prenant forme dans des phrases d'une longueur extrême provoquant rapidement une terrible lassitude. Et j'avoue m'être trompé. Si le style propre à l'auteur est loin d'être simple et les phrases parfois longues au point que l'on oublie en le début, c'est au service d'un récit suffisamment passionnant pour ne jamais laisser l'ennui s'installer. C'est cet unique élément qui fait que l'écriture sophistiquée de Patrick Chamoiseau est, plus qu'acceptable, un véritable plaisir. C'est agréable, imagé et retranscrit presque par les mots l'accent du tueur martiniquais.

En ce qui concerne l'histoire, il y a deux personnages de base. D'abord, Eloi Ephraim Evariste Pilon, commandant de police effectuant sa dernière garde de nuit avant la retraite. Face à lui, la mort violente qu'il s'était attendu à rencontrer tout au long de sa carrière sans jamais la croiser, personnifiée en Hyperion Victimaire, tueur sanguinaire qui pense être habité par un Archange de la mort et rendre justice en son nom. Un pistolet braqué sur l'oeil dès le départ le policier est condamné à attendre sa fin imminente en écoutant le fou qui le tient en joue lui raconter sa nuit, des bribes de vie, comment il est devenue la main armée de l'archange, le regard qu'il porte sur son « oeuvre », la plénitude qu'il ressent une fois sa tâche achevée. En fond, il donne une image désenchantée de la Martinique : les villes, son voisin qui vit dans un taudis, le mysticisme ambiant, le rhum, la jeunesse qui se perd dans la drogue et la délinquance... D'abord partagé entre la crainte de mourir et de laisser derrière lui sa fille sans avoir véritablement eu l'occasion de la connaitre et l'excitation de se trouver enfin face à un tueur en série. Cette situation évolue rapidement : au fil du récit les deux hommes vont sembler de plus en plus distants avant que finalement leur vision du monde les rapproche. Chacun à leur manière, ils ont voulu sauver la Martinique de la gangrène qui la ronge. le policier a choisit la justice, l'autre a choisit la violence. A la fin, la limite entre le bien et le mal est floue au point que l'on se demande qui est le véritable coupable : celui qui tue même si ses victimes sont toutes coupables ou l'homme qui derrière sa morale inébranlable cache de lourds secrets…

A cela s'ajoute la forme du récit. Nous ne sommes pas dans une poursuite puisque les personnages sont déjà face à face et c'est Hypérion qui raconte et guide le lecteur avec une étonnante sensibilité mêlée à un regard froid et une logique implacable. Alors même qu'il ignore tout de l'homme qui se tient en face de lui, il va apporter les réponses à toutes ses questions et paradoxalement lui donner une leçon de vie.

Pour terminer, je pense que ce livre n'est pas accessible à tout le monde ne serait ce que par le niveau de langue utilisé mais aussi parce que l'histoire est tout de même particulière. Pour ma part j'ai véritablement accroché. On a toujours envie de connaitre la suite, chaque étape vers la rencontre de deux hommes que tout semble opposer et qui sont pourtant incroyablement proches. Bien sûr on attend avec impatience ce qu'il va se passer une fois le récit terminé, lorsque le monstre aura fini de se confier : si comme il le dit il a beaucoup de respect pour l'homme agenouillé devant lui, ce dernier reste un représentant de la justice.

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