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Critique de Shaynning


Second opus de la série #Sans Tabou, dont vous n'avez pas besoin d'avoir lu le premier tome, est un recueil de nouvelles, donc des histoires courtes, ayant toutes le même thème, à savoir la découverte de son orientation sexuelle chez cinq adolescent.e.s. C'est ce que l'auteur appelle "Le coming in", le moment où les ados comprennent qu'ils ne sont pas hétéros, mais homosexuel.les ou bisexuel.les.


L'histoire de Zachary, 15 ans, est l'un des plus gros clichés de la littérature ( et cinématographie) sentimentale, avec un sportif rebuté par l'école qui est "forcé" de travailler avec le gars ayant les meilleurs notes de sa classe, ce qui fait de lui un Intellectuel aux yeux des autres. le nerds et le Sportif, en somme. Il y a des fois où je me dis que l'école étant une micro société, le duo "sportif-nerds" est très probablement l'équivalent du Noble courtisant une paysanne (ou l'inverse). À croire que ce fantasme persistant repose sur l'énorme écart de statu social entre le haut de la pyramide et le plus bas de celle-ci, expliquant pourquoi ce genre de duo est encore si intensément présent dans les romans comme dans les films! Bref, une fois encore , on a un gars un peu trop centré sur sa réputation qui se retrouve coincé avec un gars qui prend ses études au sérieux et bien sur, découvre que même les Intellos ont des sentiments ( notez le sarcasme). Mais dans le cas qui nous occupe, notre Sportif hockeyeur et basketteur se découvre des sentiments d'une nature différente de la simple amitié et du même coup, son orientation homosexuelle.


Adriana, 16 ans, fait parti d'une famille mexicaine très pratiquante et croyante, ce qui l'amène a être à l'église chaque dimanche. le fait qu'elle soit croyante n'empêche en rien de trouver ces longs sermons passablement ennuyeux et sans intérêt. Quand elle rencontre Victor, elle vit sa première relation amoureuse, mais quand ce dernier se fait insistant, elle met fin à leur relation. Adriana fait ensuite la rencontre d'Anouk, drôle et pimpante, qui rend ses dimanche moins pénibles et lui fait une présence lors des soupers post-église avec la communauté mexicaine du quartier. Quand Anouk révèle que les filles lui plaisent, Adriana suspend leur relation, avec de grands questionnements à gérer. En fait, elle aussi se sent attirée par sa meilleure amie, mais alors, que penser de ses émotions liées à Victor? Et puis, est-ce que sa bisexualité peut être compatible avec ses croyances? Car l'Église n'a pas de tendres sentiments pour la diversité sexuelle ( même si 85 % des prêtres catholiques sont gays ( Source: Sodoma, F.Martel)). Adriana est le personnage qui a la ligne temporelle la plus longue, de 14 ans ( en Juillet) à 16 ans, en Juin, donc 2 ans.



Jesse, 13 ans, entre au secondaire, une jungle sociale qu'il n'arrive pas à comprendre et qui le confine à un rang de "rejet". Il est petit de taille, roux de cheveux, très peu doué pour les sports, n'a pas de répartie et aimerait faire la chorale, alors que son père macho a des idées très arrêtées sur ce qui fait "un mâle", un "vrai". Jesse se fait, en outre, traiter de "fife"( l'équivalent de "pédale" ou "pédé" en français européen). Quand Jesse rencontre le très dynamique Matthew, alias "Garfield", il se découvre aussi une réelle homosexualité, une énième "différence", qu'il ne se sent pas prêt à assumer. Ce qu'il aurait besoin, surtout, c'est un ami, au moins une personne avec qui se tenir dans cette vaste école qu'il déteste déjà beaucoup.


Maxime est une jeune ado qui ne comprend pas les filles. Elle s'insurge d'être traitée par rapport à son genre, alors qu'elle n'a rien de la fille "typique". Les robes, le rose, les bavardages insipides à propos des garçons, la fragilité physique, vraiment rien à voir avec elle, qui aime au contraire les activités physiques intenses, le noir et les vêtements confortables. Elle aimerait être traitée comme son frère. Ce côté d'elle qui est perçu comme étant "un garçon manqué" par les autres filles est aussi perçu comme du transgenre. Mais ça n'a rien à voir. Elle ne veut pas devenir un garçon, elle ne veut juste pas coller aux impositions dites "féminines" parce que sa féminité se manifeste autrement. Maxime est en colère, très en colère. Ce monde tente de la faire fondre dans un moule préconçu pour les "filles", qu'elle refuse d'adhérer. Son frère a le loisirs d'être fidèle à lui même, juste sous le prétexte qu'il est né garçon, alors qu'elle reçoit jours après jours des commentaires désobligeants, pas seulement de la part des filles de son école, mais aussi de ses parents, de son entourage. Un jour, Maxime reçoit un ballon en pleine tête par une joueuse de soccer/football. Une jeune femme aux cheveux coupés très courts, féminine à sa manière et des étoiles pleins les yeux.


William travaille dans une épicerie, dans un village. La seule du village, d'ailleurs, ce qui lui donne le loisirs de porter les sacs de ses clients chez eux, selon leurs besoins. Alors qu'il revenait de l'une de ses livraisons à domicile, il croise un jeune homme de son âge sur son chemin et comme il a faillit lui foncer dedans, se propose de l'aider à transporter ses sacs d'épicerie. Sa rencontre avec Étienne, de son petit nom, est le début d'une profonde réflexion qui va durer toute la journée. William pense notamment à son cousin, Dominique, qui a quitté le village pour trouver l'amour ailleurs. C'est que ce n'est pas forcément facile de trouver l'âme soeur quand on est dans une minorité d'orientation sexuelle, dans un village où il a peu de chance d'être quelques uns à en faire parti. Contrairement aux autres personnages, William a réellement une révélation sur son orientation bisexuelle: en moins d'une journée, il a l'impression de s'être enfin comprit. Tant mieux, dans un sens, car les "coming in" n'ont pas à être tous le résultat de longues réflexion. Parfois, ça tombe comme une évidence.


Donc, cinq histoires à géométrie variable, certaines longues et laborieuses, d'autres rapides et simples. Les cinq ados ont tous un thème parallèle à leur découverte de leur orientation sexuelle. Pour Zack et Jesse, nous sommes dans la composante de clivage social, en contexte scolaire, l'un ayant réussi à se hisser vers le haut, l'autre coincé tout en bas. Ça n'a rien d'inhabituel, puisque l'école est une version plus petite d'une société, régie par ses codes sociaux, ses conventions, sa hiérarchie et ses dynamiques de groupes. Pour Adriana, on est dans l'ordre de la religion, sur le fait que celle-ci peut être ostracisante, mais également accommodante, selon ce que nous en faisons. "Dieu", peut importe son nom, devrait être d'abord un concept personnel, entre le croyant et la divinité, plutôt que d'être conditionnel à moult conditions stigmatisantes. Ce n'est pas aux autres de juger qui peut être croyant et pratiquant, ou qui en est digne. Enfin, avec Maxime, on navigue entre deux concepts trop souvent corrélés, mais qui ne devrait pas l'être: celui d'identité sexuelle et celui d'identité de genre. On peut être une coquette fille aimant les paillettes et les licornes, en étant aussi homosexuelle. Au même titre, on peut être une fille aimant le confort, les sports et les couleurs foncées sans être forcément une fille gay. Genre et préférences personnelles ne devraient jamais être corrélées, mais elles le sont sans doute parce que la société a construit un seul archétype féminin de référence, contrairement aux gars, qui en ont des dizaines. Mais même les gars qui apprécient des choses qu'on associe à l'archétype idéal féminin sont sujets à moqueries et condamnations sociales, parce que même les gars ont des restrictions de genre liés aux préférences. Bref, on a du chemin à faire.


Cinq points de vus différents, cinq histoires ayant leurs enjeux. Cinq pistes de réflexions. Une plume efficace et un texte facile à lire qui a été inspiré d'histoires réelles, offertes par des ados à l'auteur dans le cadre de sa démarche pour monter ce petit livre, dont vous trouverez des infos dans la préface.


Vous trouverez également les numéro téléphoniques et adresses courriel des ressources d'aide et d'informations à la jeunesse à la fois Québecoises ET Françaises à la fin du roman.


Pour un lectorat du premier cycle secondaire, 13 ans+.


Pour les profs et les bibliothécaires: Ce recueil de nouvelles ne contient pas de scènes sexuellement explicites et de violence outrancière. Certains propos des personnages secondaires peuvent être indélicats ou légèrement confrontant, mais de manière général pas révoltants.
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