AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de igolenerougier



Albert, le personnage de ce livre, invite son lecteur à le suivre dans une longue introspection qu'il entreprend à la suite du décès de sa mère, dans la maison familiale dans laquelle la dame est morte, au coeur du domaine forestier de Mayenne qu'ont légué les ancêtres. Rien d'original à première vue à ce qu'un fils quadragénaire prépare les obsèques de sa mère en recherchant ses traces là où elle a vécu, avec l'objectif de trouver pour la cérémonie la chanson qui parlerait le mieux d'elle. Mais la banalité s'arrête là. Car Albert, seul dans la grande maison isolée au centre d'une immense forêt qui a été la raison de vivre de tant de générations, ne tarde pas à plonger corps et âme dans la vie et les légende de ce Domaine. Comme toutes les vieilles maisons de famille, la maison chante ; comme dans toutes les vieilles maisons de famille, les ancêtres se promènent et parlent, de préférence la nuit ; Albert ne tarde pas à être envahi par ces rencontres, ces dialogues, les injonctions des uns et les questions des autres, sans parler de sa mère qui, loin de s'éloigner, est de plus en plus présente. Une totale langueur ne tarde pas à s'emparer de lui, le rendant totalement non-opérationnel :
« Je suis là depuis cinq jours, et je peux sentir cette langueur, le Béja. Il s'est abattu sur moi dès mon arrivée et ne me lâche pas. Je ne sais plus qui a inventé cette histoire, mais depuis ma plus petite enfance, j'ai entendu parler de ce coup de massue asséné par la moiteur mayennaise. Dès que quelqu'un arrive de Paris, il subit dans les vingt-quatre heures un violent coup de fatigue ».
Très loin de ce qui était sa vie, hors du monde, Albert devient vite inaccessible. Plus personne n'aura de prise sur lui. « Prisonnier et heureux, confie-t-il au lecteur son complice, je vais rester ici jusqu'à ce que je trouve. Même si je ne sais plus ce que je cherche ». Et c'est là que tout commence, ou que tout finit, lorsqu'il devient « un arbre de la Plantation », lorsque la part sauvage prend le dessus :
« Je n'ai plus de famille, plus que les arbres, le ciel vide et creux, le vent qui s'y engouffre. Et la certitude qu'une part de moi-même se trouve dans le miroir sans tain de la vase de cette mare ».
A-t-il basculé dans une sorte de folie ? S'est-il élevé dans un au-delà ? Il appartient au seul lecteur de se le dire, dans cette introspection partagée à laquelle il se trouve tout naturellement invité, sauf à refermer le livre avant que d'en connaître le terme. Albert ne fait état d'aucune conviction, n'impose aucun point de vue sur le monde. Sa vie l'a carrément envahi et c'est cette invasion qu'il raconte. Un livre étonnant, dont la force réside dans la question qu'il pose : peut-on résister à la force des peurs et des croyances que les générations qui nous précèdent laissent en héritage ? Albert n'a pas résisté et l'homme sauvage de la forêt a eu raison de lui. Et toi, lecteur ?

igolène
Commenter  J’apprécie          100



Ont apprécié cette critique (7)voir plus




{* *}