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Critique de colka


colka
21 novembre 2018
Je me suis laissé happer par cette histoire comme le narrateur par cette forêt de Mayenne, dont il hérite après le décès de sa mère. Il vient sur les lieux avec une mission bien définie : préparer l'enterrement de cette dernière. Mais dès le début on sent bien que la normalité va être bousculée et que le narrateur va nous embarquer dans une histoire troublante car tout est dual dans ce roman, à la fois ordinaire et extra-ordinaire. L'auteur tisse sa toile insidieusement, patiemment et fait entrer sa lectrice ou son lecteur dans une sorte de cercle magique, un territoire où il n'a pas forcément l'habitude d'aller, celui du supranaturel.
Jugez plutôt.
Parti de Paris, où il quitte femme et enfant, le narrateur se trouve rapidement confronté à l'histoire familiale dont il fait, par bribes et souvent au gré de flashbacks, un récit très circonstancié empreint d'une ironie mordante, d'un humour décapant auquel se mêle aussi un grand sens de l'autodérision. Mais là où les choses se compliquent, c'est que plane sur cette famille l'ombre d'une forêt tutélaire devenue bien plus qu'un simple bien familial. Menacée de disparaître, elle est redevenue au moment où arrive le narrateur, la grande prêtresse où se rejoignent et se mêlent la vie et la mort. Et chacun des membres de la famille se retrouve l'héritier d'une sorte "de péché originel" auquel il doit faire face.
Sa mère l'a fait, le narrateur doit reprendre le flambeau. le récit va alors insidieusement basculer vers un autre monde et devenir une quête initiatique dont le narrateur va franchir une à une les étapes. La première sera celle d'un dépouillement ascétique progressif : perte des repères spatiotemporels, jeûne, longues marches dans la forêt... Communication avec la nature mais aussi plongée dans une vie méditative très intense et magnifiquement analysée. S'en suit un état euphorique doublée d'un sentiment de grande plénitude. Mais cette plongée vers un moi profond va aussi être la porte ouverte vers des perceptions terrifiantes, des peurs archaïques. Celles liées à cette maison familiale, très minutieusement décrite dans son historicité, mais aussi lieu étrange dont les bruits inconnus et les fantômes vont hanter les nuits d'insomnie du narrateur. le thème de la maison hantée n'est pas original en lui-même. Mais l'art de l'auteur est pour moi de nous faire douter, de mettre l'accent sur l'hypersensibilité acoustique du narrateur et de trouver les bons mots pour décrire tout ce qui relève de l'impalpable, du vibratoire.
Comme dans toute quête initiatique, notre héros rencontre des obstacles mais se fait des alliés. La encore, le sol va se dérober sous nos pieds car d'innocentes chansons bien ancrées dans une époque, celle où sa mère les écoutait vont se révéler être des sortes de talismans. Par leur pouvoir médiumnique, elles vont être une porte d'entrée dans le monde des souvenirs et aussi le sésame qui va donner accès au douloureux secret maternel, celui qui fait qu'elle échappe constamment à l'évocation que le narrateur essaie de se faire d'elle. A partir de là sa quête va être double : redonner à sa mère la paix qu'elle mérite et poursuivre à travers elle la mission familiale quasiment sacrée dont elle se sentait investie. S'en suit alors un récit que l'on peut qualifier de fantastique, mais si l'on a accepté d'entrer dans le cercle magique de l'auteur, il s'agit plutôt d'une sorte d'aventure mystique dans laquelle le héros trouve enfin son Graal et les dernière pages sont vraiment superbes par la force incantatoire de leur écriture.
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