Pensive, elle songeait au fait qu’elle n’avait jamais vécu l’amour. Celui que les bouquins lui décrivaient souvent. Elle s’était toujours convaincue qu’il existait sans doute — sinon, on n’en ferait pas une telle montagne — mais elle ne l’avait jamais approché, de près ou de loin. Sa mère n’avait pas été un exemple de ce côté-ci. Divorçant tour à tour des deux hommes qui lui avaient fait un enfant, elle ne semblait pas candidate à l’amour éternel dont parlait les contes de fées.
Lorsqu'un regard t'émerveille,
Lorsque le vent te fait danser,
Lorsqu'elles font briller le soleil
Tu danses avec les fées.
C’est drôle, les prénoms finissent toujours par te sembler ridicules lorsque tu les répètes plusieurs fois.
Ne te fournis pas une occasion de regretter. Ne te donne pas de fausses excuses : tu es là pour t’arranger avec tes proches. Prends le temps pour ça, même si tu n’as pas ce stupide travail. Enfin, ce n’est qu’un conseil. Encore une fois, je ne suis pas concerné.
Après neuf années, une autre de ces rares certitudes était l’amour profond qu’il portait à ceux qui habitaient son cœur. Il n’avait pas encore en tête que le plus dur serait sans doute de se pardonner à lui-même.
Ce n’était pas la première fois qu’il s’éveillait ainsi, déboussolé et fortement alcoolisé, loin de là. Ce ne serait pas non plus la première fois qu’il découvrirait, a posteriori, les bourdes qu’il avait faites durant sa veillée de beuverie. S’il devait compter le nombre d’occurrences où ses amis, ses flirts, ses camarades de promo — ou même de simples inconnus — l’avaient incendié pour son comportement de la veille sans qu’il en ait le moindre souvenir…
Son sourire immaculé irradiait de bonheur. On dirait un ange, pensa aussitôt Juliette. C’était incroyable de percevoir à quel point le couple semblait avoir fait entrer le soleil dans la petite épicerie : ils avaient franchi le seuil du commerce et voilà que l’atmosphère y apparaissait soudainement plus gaie, plus légère… Plus heureuse.
On dit que le hasard fait parfois bien les choses et Juliette en obtenu la preuve cet après-midi-là. Encore déçue de ne pas avoir pu éclaircir davantage l’histoire de Marc, elle avait bouquiné des heures durant, lunettes de soleil vissées sur le nez, assise en tailleur sur le granit de la fontaine.
Est-ce que tu vis pour toi ou est-ce que tu n’existes que dans mon regard et celui des gens ? Avoir ton tempérament, et qu’il ne soit pas toujours en phase avec celui des autres, ne fait pas de toi quelqu’un de mauvais. Ça fait de toi une personne. Et une vraie personne ne se ferait pas marcher sur les pieds comme tu le permets à certains de le faire, tu comprends ? Promets-moi que tu vas y réfléchir.
C’est comme ton envie de plaire à tout le monde : tu dois adopter tellement de facettes pour correspondre à chacun que tu n’as plus aucune personnalité ! Assume-toi un peu. Ça devient pénible, je te jure ! Qu’est-ce que tu n’aimes PAS écouter ?