Citations sur Traquée (17)
Dans une autre existence, peut-être que j’aurais accepté. Seulement, je suis dans la réalité et sûrement pas dans un de ces films où l’histoire se termine bien, non. Moi, je n’ai pas de fin.
Les yeux de mon avocat débordent de pitié pour moi. Il a dû en voir des vertes et des pas mûres durant sa longue carrière, mais je crois que cette affaire le touche plus particulièrement. Je ne sais pas pourquoi, il se montre très protecteur envers moi. Et pour être honnête, ce n’est pas à cause de l’histoire que j’ai eue avec son fils. Il ne m’appréciait pas franchement à l’époque. J’étais trop frivole, pas assez bien pour Alex et bla-bla-bla.
Toujours là quand on ne veut pas le voir, parce que pour le moment, j’ai juste besoin d’un peu de solitude pour trier mes émotions et me remettre de mon voyage intérieur dans le passé. Il a été très professionnel, alors que je me suis souvent montrée désagréable. Il a dû supporter mes angoisses, mes colères, et parfois quelques-unes de mes dérives. Il a été d’une sacrée patience envers moi. Il m’a beaucoup rassurée pendant le procès.
Moi, j’avais grandi et rencontré quelqu’un. Je voulais me convaincre que je construisais une véritable relation, mais je me leurrais. Alex est de ces hommes qu’on n’oublie pas.
Nos vies ont finalement pris des chemins différents. De ce que je sais, il est devenu avocat, suivant ainsi les traces de son père, et il s’est marié.
Finalement, je crois que c’est ce qui m’a fait le plus souffrir. Son silence. Son absence. De son côté, il avait pris son envol en abandonnant cette gamine qu’il avait un jour aimée. Tout ce que l’on pouvait partager me manque et me laisse un vide amer encore aujourd’hui.
Ma vengeance personnelle et incontrôlable venait de me mettre en miettes. Je désirais le contact de la peau d’Alex contre la mienne, son souffle au niveau de mon oreille. Par-dessus tout, je voulais que ses lèvres glissent sur mon épiderme à m’en faire frissonner.
Je me croyais investie, prête à me donner corps et âme pour lui, et j’arrivais à me projeter à ses côtés, mais mon caractère, ma philosophie... Tout ce qui émanait de moi ne lui suffisait pas. J’étais jeune, sûrement trop naïve et lui, il avait besoin de plus. De ce plus que j’étais incapable de lui céder.
Notre relation était fusionnelle, au point où l’on avait fini par sortir ensemble. Doux, gentil, compréhensif, il avait de multiples qualités. Je pouvais lui parler des heures entières de mes problèmes, il m’écoutait, me conseillait et me consolait. Nous étions complices, on ne faisait qu’un. Il me procurait la sécurité dont j’avais besoin.
Les fantômes de mon passé ne sont pas prêts à me laisser tranquille. Je vais devoir vivre avec cet immense poids et cette douleur sur les épaules le restant de mes jours. Je ne serai plus jamais heureuse. C’est un fait. Mon avenir est foutu. Comment retrouver celle que j’étais ? Je me pose souvent la question, je n’ai jamais trouvé de solutions. Il n’y en a aucune. Juste une évidence : l’Émilie que j’ai été a disparu.
Cette petite chose finira par me tuer, mais c’est le seul truc que j’ai trouvé pour m’apaiser un peu, là, maintenant. Ça et les médicaments que j’ai repris au début du procès et qui tentent en vain de ne pas me faire sombrer encore plus. On ne peut pas dire que ça fonctionne franchement bien. Je croyais qu’un simple chagrin d’amour pouvait m’anéantir, je n’imaginais pas que ce qui me tuerait serait aussi atroce que ce que je ressens actuellement. La douleur est incessamment la même. Elle a pris l’avantage sur ma vie. Et au fond, j’y tiens un peu. C’est peut-être la seule chose qui me permet dorénavant de respirer. J’en ai besoin.