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Critique de katell


« le lien entre les carnivores et le goût de tuer ne me paraît pas évident. Il suffit de penser aux abominations qu'a fait subir un végétarien à l'Europe et au monde. » est un passage qui m'a beaucoup déstabilisée parce que cela a heurté ma sensibilité de végétalienne. A cette lecture j'ai failli fermer le roman et de passer à autre chose sauf que cela aurait été trop facile d'autant plus que l'intrigue me plaisait.



L'histoire se déroule deux ans après la proclamation d'Indépendance de l'Inde. Les infrastructures et les rouages administratifs gardent encore la marque de l'Angleterre.

Une riche famille trouve la mort dans le violent incendie de leur maison. Que s'est-il passé ? La famille avait-elle des ennemis ? le magistrat Mahusudan Sen est chargé de l'enquête et décèle immédiatement ce qui cloche dans le macabre tableau : le serviteur, Basant Kumar est indemne et son apparente frayeur m'émeut point le magistrat qui le confond très vite.

C'est là que l'intrigue bascule.

Parce qu'en enquêtant sur les liens de la famille anéantie par le feu sacrificiel, il débarque dans un abattoir où il est témoin de tant de violences inutiles faites aux animaux et aux hommes, et qu'il sait que le système juridique en Inde est d'une lenteur effroyable, Mahusudan Sen décide de devenir végétarien jusqu'à ce que le coupable soit châtié.



Basant Kumar est coupable, c'est indéniable et irréfutable. Cependant il a des circonstances atténuantes : il est maltraité, mal nourri et doit quand même garder le sourire et servir la famille. Seulement, un soir, affamé, il perd tout sens commun et commet un carnage qu'il tente de dissimuler en incendiant la maison. Par un feu purificateur.

En prison, un codétenu lui explique pourquoi il doit rédiger une lettre de recours en grâce, lettre qu'il enverra régulièrement.

Les années passent, on pourrait penser que Mahusudan Sen pense à autre chose, or il n'en est rien. Il guette le moment où il mettre fin à la procédure juridique. Il a gravi les échelons au cours des vingt années écoulées pour se retrouver bien placé dans un ministère, bien placé pour intercepter la moindre information concernant son affaire.



Il y a une scène importante, dans le roman, qui se déroule dans un temple vieux de mille ans alors que la ville n'en compte qu'un peu plus de soixante-dix. La viande est tabou dans le temple et dans ses alentours, englobant la ville de Batia, lieu où tout commence. le carnage de Basant Kumar a pour origine un ragoût de boeuf, viande doublement sacrilège. Cet acte est au coeur de la satire du roman : Upamanyu Chatterjee n'épargne rien ni personne de sa plume acérée, trempée dans l'encre la plus noire pour mieux souligner la noirceur d'une société hypocrite et sans pitié.



« La vengeance du carnivore » n'est pas une plaidoirie pour que cesse la souffrance animale et encore moins une plaidoirie pour le végétarisme. le roman décortique avec précision les travers d'une société indienne qui vénère les animaux et qui n'a que mépris ou indifférence envers les castes inférieures. Une parentèle pauvre, un serviteur peuvent être battus, affamés, personne n'en a cure puisque c'est ainsi depuis que le monde est monde.

« La vengeance du carnivore » est aussi une dénonciation du système juridico-policier : la lenteur de l'administration, les petits arrangements entre amis, les pressions de la hiérarchie sur les subalternes, un système dans lequel l'impartialité n'existe pas. L'auteur montre également comment le système carcéral broie les prisonniers, les maltraite sans vergogne lors des interrogatoires ou les spolient de leur humanité.

La chute est effrayante par la froideur dégagée par le magistrat devenu chef de cabinet ministériel.



J'ai aimé découvrir l'auteur Upamanyu Chatterjee et son écriture précise. Une belle surprise !



Traduit de l'anglais (inde) par Sylvie Schneiter
Lien : https://chatperlipopette.blo..
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