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Critique de EvlyneLeraut


« Le jour où l'iceberg s'échoua sur l'île, les cerisiers étaient tous en fleur ».
L'incipit lève le voile sur un récit espace-temps, captivant, d'ombre et de lumière.
L'écriture est un flambeau. Pas après pas, la trame dévore tout. Nous sommes en plongée dans le coeur même de la nature, gémellaire des protagonistes. Et c'est beau, profondément humain.
Une petite île dans le golfe de Gascogne. Un huis-clos, cage dorée, qui enserre le genre « Nature Writings », entre le vent, les bruyères, les vastes paysages. On déambule sur 4 kilomètres. Ce pourrait être la normalité, si un iceberg ne s'était pas échoué contre les roches de ce lieu isolé. Loin de toutes terres habitées, la quasi autarcie et l'île pour un seul maître des lieux, riche propriétaire et businessman dans le domaine pharmaceutique. Très gravement malade, mourant, il est sur le fil tangible de la finitude. L'île le borde. Octroie pour lui seul, un gardien Tortu qui veille sur lui, affûte ses regards au moindre frémissement de cet espace qui pourrait être édénique, si. Si, les êtres qui gravitent dans cet entre-monde ne cherchaient pas l'issue de leur raison de vivre. Ils sont deux et seuls. Binôme bancal. Tortu porte le poids du monde sur ses épaules. Ses secrets et batailles, l'exutoire n'est pas pour maintenant, pas encore. Pour demain peut-être. On ressent une tendresse pour ses assoiffés d'air et de senteurs, de normalité. Tortu connaît les moindres recoins de l'île. Semblable à un point minuscule sur la mappemonde. Et pourtant l'iceberg vient heurter sa conscience, sa tranquillité. le réchauffement climatique est une preuve, mais pas que. La parabole de nos faillites et de l'inconséquence humaine. Au plus profond des errances de Tortu, l'iceberg est le macrocosme de sa quête existentielle. La démonstration de ses questionnements et de cette résurgence fantomatique. Dorothée arrive sur l'île. Elle vient soigner son père, prendre le relais de Tortu et régler elle aussi, ses propres comptes. On pourrait alors croire à une histoire d'amour naissante entre elle et Tortu. Mais Renaud de Chaumaray est un auteur surdoué. Il avance les pions, brusque les prises. Les brouillards tombent sur l'île, tels des rideaux de plomb. Plus aucun des protagonistes n'a de prise sur son advenir. C'est l'envoûtement des « Mille hivers ». les existences comme des ressacs. Les expériences dont le poids lourd brise les élans de Tortu et de Dorothée. Nous sommes sous le charme d'une rencontre qui pourrait tout brusquer. Mais, il y a l'iceberg et sa signature. Fable métaphorique, l'initiation comme la septième vague. Ce roman est percutant et le point commun de notre émancipation à la vie. Trois jours pour que tout change. « Mille hivers » est le livre des possibilités. Ne rien céder face à l'irrévocable. Oser nager à contre-courant. Tel, pourrait être l'adage de ces hivers salvateurs. Mille hivers, chacune des secondes est l'importance souveraine et cruciale. Délicat, sensible, ce livre est le sanctuaire. On ne peut être sans lui et sans ses preuves.
Il est question d'émancipation, de rappels pavloviens, le passé et le présent, les erreurs et les changements de cap. L'iceberg est sans aucun doute, celui qui sonne le glas de l'obsolescence programmée. La parabole et des tremblements de nos propres coeurs et du vacillement du monde. L'étrange, ici, est comme un cri, un rappel à la loi.
« Mille hivers » est le piédestal de cette rentrée littéraire, car unique et magistral.
Écoutez les craquements de la glace dans le filigrane et vous comprendrez.
Publié par les majeures Éditions le Mot et le Reste.
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