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Critique de HordeDuContrevent


Quelle fable magnifique, d'une poésie puissante, touchante, intimiste ! Un récit de voyage unissant un enfant de huit ans et un vieillard où dominent tendresse et émotion, un périple initiatique ponctué de découvertes, d'apprentissages, de bienveillance. Rien que la couverture, illustrée par Kévin Deneufchatel, nous offre la promesse d'un cheminement solaire, d'une quête où la destination importe moins que le chemin. Et tout part d'un seul rêve…

Malou, ce garçonnet de presque huit ans, se réveille un matin dans son petit village, Paleval, après avoir fait un rêve extraordinaire dont il parle aussitôt à ses parents. Interloqués, les parents décident d'en parler aux sages du village qui immédiatement font le parallèle entre ce rêve et une prophétie bien connue. D'après eux Malou est un réliant, un être d'exception choisi pour recevoir les doléances humaines et les relayer auprès des esprits des éléments et, réciproquement, capable d'invoquer les esprits via les rêves pour demander conseil. Pour en être certain, ils décident d'envoyer Malou à Beniata, contrée extrêmement lointaine, pour rencontrer le Conseil des Conseils qui seul pourra confirmer, ou pas, qu'il s'agit bien d'un réliant. Et dans ce cas, quelle chance incroyable pour le village qui attend cela depuis très longtemps, avoir un réliant en son sein permet d'attirer du monde, d'être moins isolés et d'être protégés. Les sages décident que ce long voyage se fera avec le vieux Foladj, le seul à avoir voyagé aussi loin.

Et voilà que commence ce long périple durant lequel nous tournons les pages, émus, intrigués, pour savoir si oui ou non Malou est bel et bien un réliant. Les toutes dernières pages nous donnent la réponse. Mais, avant même cette réponse, nous percevons au fur et à mesure de la progression que le voyage est plus important que la destination…multiplicité des paysages traversés, multiplicités des moyens de locomotion utilisés, faune et flore qui nous émerveillent de leur exotisme, diversité des personnages rencontrés, alternance de moment fabuleux et d'instants très difficiles, avec, pour clore chaque journée, la question de Foladj à son jeune maître, question devenue rituelle : « qu'as-tu appris aujourd'hui ? ». Question que nous pourrions prendre l'habitude de nous poser régulièrement me suis-je dit à maintes reprises…

« le pays de Benter laissa place aux marche du fleuve. Les pas des lanquedins s'enfoncèrent dans un limon épais et souple, ils foulaient de vastes champs d'herbe grasse qui répondaient à leur marche par un enchantement de parfums amples, sombres et suaves ».

Christian Chavassieux magnifie ses personnages, leur donne chair, de façon approfondie et subtile. le petit Malou est à l'aube de sa vie, innocent et pur, il s'émerveille de tout, observe et apprend de chaque situation, dispose d'une maturité étonnante pour son âge ce qui en fait un personnage particulièrement attachant. le vieux Foladj est au crépuscule de la sienne, ce voyage est l'occasion pour lui de faire un bilan, à la fois sur les événements sombres de son passé de guerrier mais aussi sur les éléments plus lumineux de défenseur acharné d'une race d'hommes à présent éteinte, la race ancienne. Faible, fatigué, tiraillé par ce passé aux multiples facettes, Foladj voit en Malou une forme de rédemption, une façon de racheter ses péchés passés. Quant à la complicité entre les deux personnages, Christian Chavassieux nous éblouit de cette amitié grandissante, basée sur le respect, l'admiration, leurs liens se faisant de plus en plus forts au fur et à mesure du voyage, chacun apprenant de l'autre…Ce duo attendrissant est la clé de voute de la fable. L'auteur apporte à ses personnages une âme « qu'on ne trouve dans la plupart qu'en miettes et en souillures ».

« - Je n'ai jamais rencontré de personne plus précieuse, plus gentille, plus patiente et attentive. Il me serait facile de mourir pour toi. Que tu sois un élu des esprits ou pas, quoi qu'il advienne, je t'aurai connu et servi, et cela vaut toutes les prophéties - La conviction du vieux entrait dans son regard en générant une sensation de chaleur. L'enfant sentit sa gorge se contracter, réaction qui, songeait-il, précédait généralement un gros chagrin, et dont il ne comprenait pas ce qu'elle venait faire là, à cet instant, car il n'était pas triste, c'était une douleur tendre qui le saisissait, une sensation complexe, rarement éprouvée. Sur une impulsion, il se pencha pour entourer de ses petits bras le cou du vieux. Ils se serrèrent l'un contre l'autre. La poitrine de Foladj émettait de secs petits hoquets, un bizarre rire étranglé. Malou chuchota : - avec toi je n'ai pas peur – ».

Alors qu'ai-je appris de cette jolie fable ? « Que l'on peut vouloir être plus que soi-même. Et c'est cela qui oriente et prescrit. C'est ce désir qui fait d'un enfant qui rêve, une promesse pour demain, et d'une brute repentie, un être de conscience ».
Merci Christian Chavassieux pour ce récit intimiste, ce moment de beauté, de pudeur, de tendresse, je suis ressortie à la toute dernière page, « dévastée et reconstruite dans la même respiration ». Comme Malou. Comme Foladj. Une telle intensité d'émotion est rare ! de plus ce roman de voyage nous offre avec subtilité de multiples messages sur les relations intergénérationnelles, sur les bienfaits de la mixité des cultures, sur le respect de la faune et de la flore. Messages à la portée amplifiée par le côté fable du livre. Un récit solaire qui fait du bien. Et qui apporte une belle respiration humaniste…salvatrice !

« Les heures pulvérisaient les braises du jour qu'avait répandues la prodigalité du soleil ; d'autres heures bâtissaient des voutes adamantines venues avec la nuit. Les mots de l'enfant et les pensées du vieux élevaient sous ces deux clartés les sortilèges de l'amitié ».

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