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Critique de SZRAMOWO


Au-delà du récit détaillé de sa propre histoire et de sa dérive personnelle, le livre d'Alain Chémédikian est un témoignage précieux sur l'évolution de la société française entre les années 1960 et les années 2000.
Le livre est précis, factuel, écrit sans fioritures inutiles. L'auteur ne cherche ni à faire pitié ni à se présenter comme une victime, il assume les faits et n'est pas tendre avec ses erreurs.
Fils d'une famille d'immigrés arméniens, employés d'une « usine à soie », échoués dans la banlieue lyonnaise, il est destiné lui aussi à devenir un employé modèle et travailleur.
Plâtrier de son état, il est souvent confronté à l'étalage de la richesse de ses clients et se dit pourquoi eux et pas moi.
Le milieu ouvrier dans lequel il vit lui donne par ailleurs des clefs d'analyse des rapports sociaux et de l'injustice souvent criante, mais présentée comme légitime, entre les différentes strates sociales.
« le patronat envoie toujours à la bataille ceux qui sont en bas de l'échelle » écrit-il…
Il raconte par le menu, cette vie simple et droite où le bonheur est avant tout matériel et guidé par le travail jamais rare. « A l'époque, tu claquais la porte d'une boite à, 11 heures, une autre entreprise t'embauchait à midi. »
Tout commence par du trafic de voitures, une rémunération d'appoint qui le conduit une première fois en prison où « Dans la cour de promenade (…), on prépare la suite de sa carrière. »
Une petite bande de copains, sous l'impulsion d'Alain, surnommé le Taureau passe à l'action. Des casses de petites banques, supermarchés et stations-service. Des coups préparés minutieusement, avec professionnalisme de façon à réduire les risques pour eux-mêmes et pour ceux qui sont censés protégés leur argent.
La façon de procéder est toujours la même : observations précises des lieux du casse et des habitudes des responsables de la caisse. On imagine difficilement qu'à l'époque la quasi-totalité des paiements se faisaient en liquide et que les recettes des supermarchés étaient acheminées à la succursale de la banque la plus proche par un caissier. C'est à ce moment précis que les deux comparses intervenaient dans une voiture volée. Une deuxième voiture relais, volée elle aussi, était stationnée sur un itinéraire de repli étudié au préalable et se substituait rapidement à la première voiture que des témoins avaient pu voir. C'est dans cette voiture relais qu'ils rejoignaient leur planque.
Alain Chémédikian insiste sur l'inexistence des portables, des GPS, des recherches ADN, à l'époque qui autorise l'organisation de casses qui laissent peu de traces. Il insiste aussi sur le caractère minutieux de leur préparation qui ne doit rien laisser au hasard. Calme, audace, discrétion, réalisme semblent être ses mots d'ordre.
« Peu de personnes savent à, quel point un bon braquage nécessite travail et organisation, sans oublier la patience. (…) La préparation d'une opération pouvait durer plus de quatre jours, jusqu'à un mois dans certains cas. »
Dans un premier temps, avec Wurtz et Chaïn, des copains d'enfance de Décines, tout roule comme prévu.
La machine est enclenchée « (…) nous avons continué au rythme d'un braquage tous les trois mois environ. »
Masques de vieillards, ou cagoules et gants, plaques logos amovibles sur les véhicules pour ajouter à la confusion, l'imagination ne manque pas…il convient surtout de donner le change.
« J'avais deux professions, peintre-plâtrier et gangster, l'une ordinaire, l'autre moins. »
C'est lorsque qu'Alain rencontre Michel Daumas, un grand voyou qui le met en relation, d'abord pour des travaux de plâtrerie, avec Don-Jean Giovanetti, « Un flic. C'est un magouilleur, t'inquiète pas, sens-toi à l'aise. » Lui assure Daumas.
C'est le début de la fin pour la petite bande de copains, amoureux du travail bien fait et de la sauvegarde des apparences.
Avec Giovannetti ils entrent dans un système, qui au début leur procure des facilités (fuite sur les barrages organisés par la police, couverture par les flics ripoux etc…) mais devient vite ingérable du fait de la voracité et de l'âpreté au gain de policiers qui finissent par péter les plombs et prennent de plus en plus de risques.
Alain le vit mal, mais s'il entrevoit la catastrophe, il répugne à faire ce que ses nouveaux collègues lui suggèrent, descendre un membre du gang qui est de plus en plus identifiable.
Le gang tombe lorsque la BRI et paradoxalement le commissaire Michel Neyret qui tombera lui aussi des années plus tard s'en mêlent.
Le procès aux assises est une véritable débandade, chacun essayant de sauver sa peau. Alain écope de la perpétuité mais est libéré au bout de vingt ans.
J'ai apprécié la lecture et le style de ce roman qui restitue les dessous d'une affaire qui a ébranlé la France pendant de nombreuses années et qui a fait vibrer l'opinion, les braqueurs étaint perçus comme des Robins des Bois contemporains. Mais les premiers morts parmi les gardiens, convoyeurs de fonds et policiers, en dépit toutes les préventions qu'Alain Chémédikian avait du mal à faire partager à ses nouveaux associés ont ébranlé l'opinion.
Il est vrai qu'à la lecture de ce récit très réaliste et palpitant à la fois, on pense à Vidocq, à l'agriculteur braqueur du film le bonheur est dans le pré. On mesure aussi combien notre société a évoluée. Elle s'est dotée de moyens de sécurité contraignants à l'extrême sans parvenir à régler véritablement la question de la délinquance.
Le roman pose aussi la question de la loi et de l'ordre, de la morale et de la justice sociale. Alain Chémédikian peut être vu comme un homme issu d'un milieu ouvrier, porteur de valeurs de solidarité et de partage, qui a voulu régler à sa façon la question de la répartition des richesses, question d'une actualité brûlante.
Merci à Babelio et aux éditions Nouveau Monde pour avoir permis cette lecture dans le cadre de la dernière Masse Critique.







Lien : https://camalonga.wordpress...
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