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Critique de SophieLesBasBleus


C'est un bien chouette roman que "La vie de ma mère !" de Magyd Cherfi. Un roman au plus proche des êtres, de la complexité de leurs liens, des sentiments et de la vie.

Kabyle de deuxième génération, Slimane, le narrateur, semble réunir toutes les conditions pour passer une cinquantaine paisible. Excellent cuisinier, il possède un food-truck, réputé pour l'inventivité de ses burgers halal ; ses deux grands fils s'émancipent peu à peu, loin des cités et de leurs innombrables trafics, tout en gardant une belle complicité avec leur père ; sa femme, dont il est séparé, continue à le soutenir de sa tendresse et de sa compréhension. Oui, la vie de Slimane pourrait être parfaite... Mais voilà qu'après huit mois de silence, il se décide à rendre visite à Taos, sa mère. Et là tout vacille, tout convulse, tout chavire et tout blesse.

Déterminé à être le "bon fils", affamé d'une tendresse maternelle évanouie depuis le temps de l'enfance, Slimane passe outre les rebuffades, les méchancetés, les remarques acerbes et prend en charge les soins nécessaires à Taos, malgré la désapprobation de ses frères et soeurs. Et une métamorphose survient : celle qui était vouée à n'être que leur mère, aliénée à son mari et à sa progéniture, n'ayant d'autre existence que celle de les servir, de s'occuper de leur bien-être, de les aimer sans rien demander en échange, devient une femme volontaire, pleine de vie et d'envies, indépendante, chaleureuse et démonstrative ! Pour les cinq enfants de Taos, c'est un cataclysme et chacun y fait face avec son vécu, ses rancoeurs et son amour refoulé.


C'est avec un ineffable plaisir que je suis entrée dans la famille de Slimane et Taos, que j'ai accompagné ses soubresauts douloureux et le réveil d'une femme longtemps assujettie aux seuls rôles qui lui étaient assignés par d'autres. Magyd Cherfi parvient, avec une infinie subtilité, à disséquer l'écheveau composite des relations filiales ancrées dans une culture et des traditions coriaces. Comme Slimane dans ses recettes, l'âpreté du piment, apportée par les ressentiments de la fratrie, s'entremêle intimement avec la suavité de la fleur d'oranger et de la tendresse retrouvée, pour donner un roman savoureux. Ni concessions, ni mièvreries, dans ce récit d'émancipations mutuelles, mais énormément d'émotions pudiquement suggérées par une écriture dynamique, d'une spontanéité loin de toute affectation. La dureté des situations et des affrontements familiaux est sans cesse contrebalancée par l'humour et l'autodérision dont fait preuve le narrateur, conscient de ses failles et de ses motivations égoïstes.

"Une déclaration d'amour maquillée en bras de fer" affirme le point de vue des éditeurs sur la quatrième de couverture. Je souscris complètement à cette définition en y ajoutant mon propre point de vue : un trésor vivifiant de délicate acuité et d'humanité.
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