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Critique de raton-liseur


Le livre acheté lors de ma première visite en librairie après la fin du premier confinement. J'étais bien consciente de l'étrange résonance entre la situation actuelle et le thème de ce livre, mais c'est surtout la belle couverture choisie par les éditions Picquier et le côté énigmatique du livre qui m'ont décidée à l'acheter, alors que je l'avais déjà repéré quelques mois plus tôt. Ce roman nous entraîne loin, dans la ville septentrionale de Harbin, et il n'y a pas si longtemps, en 1910. Cette année-là, la ville a en effet été touchée par la dernière épidémie de peste que notre continent ait connu.
Roman, roman… c'est vite dit. Bien sûr, il y a des personnages, certains plus présents que d'autres, certains fictifs d'autres ayant réellement existé. Mais il est difficile de parler de roman au sens strict du terme, car il n'y a pas vraiment d'intrigue ou de fil directeur. Je me souviens que j'avais trouvé un peu étrange la formulation de la quatrième de couverture, mais en refermant le livre, je m'aperçois à quel point elle est juste : « En s'appuyant sur un formidable travail de documentation et de recherche, Chi Zejian a entrepris de dessiner une carte de la ville puis installé sur cette carte les scènes de son roman ». Car c'est vraiment cela, une ville qui est le personnage central, peut-être même le seul vrai personnage du livre. Et sur cette scène de théâtre, des instants de vie que l'on observe, l'un après l'autre, avec entre eux des liens plus ou moins ténus. Bien sûr, la ville est tout de même assez petite et les personnages sont donc liés, plus ou moins consciemment les uns aux autres, comme dans tout roman chorale qui se respecte, mais ce n'est pas le plus important.
Et étrangement, cela fonctionne bien. Malgré ce qui pourrait sembler décousu, le livre se tient, il a une unité, qui lui est d'ailleurs principalement donné par la progression de la maladie. Mais aucune scène horrible, pas de panique. Les personnages entrent en scène, certains meurent, en général sans crier gare, puis une autre scène arrive. La peste passe sur tout cela comme une fatalité, un élément du décor contre lequel on ne se rebelle même pas. Cela donne au livre une atmosphère étrange, entre le feutré de la neige et la chaleur d'un khang préparé pour la nuit.
Les parallèles avec la situation actuelle sont certes saisissants. Les lenteurs administratives mais aussi les choix difficiles, l'acceptation culturelle des mesures sanitaires… le livre a été écrit bien avant que l'épidémie actuelle ne se déclenche, mais il montre que les mécanismes sociaux demeurent les mêmes, à un siècle et plusieurs milliers de kilomètres de distance. Je ne sais pas si cela est rassurant.
En conclusion, une lecture qui m'a déstabilisée par son style, originale par sa mise en scène et sa composition. Une belle lecture, surtout si l'on apprécie la littérature étrangère, qui nous fait faire un pas de côté par rapport à nos habitudes, que ce soient celles de notre vie quotidienne ou celles de lecture.
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