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Critique de EvlyneLeraut


Sociétal, engagé, lucide, ce récit choral, est la parole-née en littérature tant elle est spéculative et nécessaire.
« Peines mineures » jeunes filles à peine nées et déjà l'horizon sombre. Sans un effort surhumain: une peine mineure, elles ne pourront s'affranchir d'un passé et d'un présent à bout de souffle et lacéré. La mise à mort de la liberté.
Elles sont ici dans un centre éducatif fermé. « Stupéfiantes » Sara, Vanessa, Awa, Sakina, Billie, Cindy et Dakota, âgées de 13 ans 1/2 à 16 ans. Elles content, se délivrent, expliquent, se révoltent, n'osent plus croire en un lendemain meilleur. La délinquance, les faillites parentales, les foyers pour antre, tours de passe passe. Franchir la ligne jaune, même si.
« T'inquiète pas Sara, je sais que c'est dur, mais je sais que tu es courageuse. Quoi qu'il arrive tu sauras affronter ça ».
« On me ramène dans les cellules ; on me laisse fumer une cigarette dans le couloir, en attendant qu'un véhicule se libère pour mon transfert à l'établissement pénitentiaire ».
Vanessa : 14 ans, « je suis transférée de l'autre côté de la France. Dans un endroit fermé avec de gros grillages, au milieu d'un champ où il y a des vaches. Il y a un trou dans la haie. Je sais comment fuguer d'ici, je sais quand ». « La gare la plus proche est celle d'A. Sorti du train aucun panneau routier n'indique l'emplacement du centre éducatif fermé ». « Signe là s'il te plaît ».
L'arrivée au centre, et la barrière tombe. L'inventaire des affaires personnelles, changeant selon la personnalité, qui du petit carnet recouvert de stickers, un brouillon de lettre adressée à la juge par Sara,  « pardon de ne jamais prendre les bonnes décisions. Pardon de ne pas penser à l'avenir ». « Je dois payer pour ma violence ».
L'habitus carcéral, entre les consignes, les règlements, les amitiés ou disputes entre ces jeunes filles, parfois difficiles, tristes, démunies, violentes et sombres. Compter les jours, s'émanciper en silence et en sagesse, se soumettre, ensuite un stage en réinsertion: le Graal. Mineures et déjà si âgées. Comment se reconstruire lorsque l'image d'un père incestueux hante les nuits dans ce centre encore et pour longtemps. Abolir les vengeances. Dévorées de l'intérieur, effrontées souvent, vulnérables aussi, elles sont des funambules sur le fil tendu d'un lieu de justice et de lois à réapprendre. Comme un nouvel alphabet, une parole sacrée. « Dehors, c'est dur/ Prends-moi dans tes bras/ Et serre-moi fort ».
Paroles lianes, confidences, paroles sous surveillance, elles sont l'idiosyncrasie et l'épars qui s'assemblent dans un même mouvement, syllabe après syllabe. Entre les murs où sanglotent les regrets incompris encore.
Ce texte fondamental, écrit dans l'instant même, est vivant, crucial et percutant. L'intimité toute de pudeur et le respect pour elle, elles et ailes qui ont fauté. Recoller les morceaux, ensuite viendra le temps de franchir la clôture et de marcher pied-nus sur l'herbe pleine de rosée. L'espace entre ces mineures aux peines légères mais réelles, l'enfermement-punition, le verrou sur le coeur. Renaître.
Dans l'internat du Bon Pasteur à la fin des années 50, c'est un autre versant. La réhabilitation par la religion et l'éducation forgée selon les diktats de religiosité. Dans cette ère, la délinquance n'avait pas la même prononciation. On se demande si les Soeurs n'étaient pas sadiques, véritablement des ogresses, l'oppression avant tout. Remettre la jeunesse d'équerre. « Au Bon Pasteur nous redressions les fugueuses, les apaches, les crapuleuses, les prostituées, les errantes, les perverses, les voleuses, les rebelles, les insoumises, les invaincues, les hystériques, les vagabondes, les opposantes, les butées ».
Filles mal nées, « ni caractérielles, ni des traînées ». La malchance d'être du mauvais côté. La normalité, le conformisme, se fondre dans le rang d'une société qui montre du doigt les filles-mères, les amoureuses, les révoltées, les robes trop courtes et les regards farouches. Un pas de côté et on t'enferme. « Je vais lâcher les chiens dans la cour, au lit mesdemoiselles ». « Gisèle est envoûtée. Notre mission est de la redresser ».
« Peines mineures » de Sonia Chiambretto est collecte et devoir. Ce livre a un impact considérable sur nos consciences. L'acuité au garde à vous. Il est un outil pour les juges et les avocats (tes), les éducateurs (trices)… Un livre essentiel, politique, la parole libérée. Un livre de salut et d'utilité publique. « Peines mineures » est né d'une version scénique écrite. le langage en pleine lumière. La parole vraie des jeunes filles du centre éducatif fermé qui ont toujours confié leurs paroles pour Sonia Chiambretto. Publié par les majeures Éditions L'Arche « Des écrits pour la parole ». L'oralité en diapason.
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