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Critique de Presence


Ce tome fait suite à Paper Girls Volume 3 (épisodes 11 à 15) qu'il faut avoir lu avant. Il comprend les épisodes 16 à 20, initialement parus en 2017/2018, écrits par Brian K. Vaughan, dessinés et encrés par Cliff Chiang, avec une mise en couleurs réalisée par Matt Wilson.

Le premier janvier 2000, il neigeote calmement sur le diner Appelbee, alors qu'une déchirure spatio-temporelle est apparue au-dessus et qu'une voix désincarnée indique que les drones de reconnaissance confirment l'utilisation d'une ride à Stony Stream dans l'Ohio, dans ce qui fut autrefois les États-Unis. Dans un poste de commandement, la Priorisatrice explique à Grand-Père que ce n'est pas encore le vingt-et-unième siècle puisque le calendrier grégorien ne comprend pas d'année zéro. Grand-Père (un homme de 40 ou 50 ans) explique qu'ils doivent intercepter les descendants, car ils ont enfreint la loi en réalisant des voyages temporels. Ils doivent maintenant utiliser l'option nucléaire. À Stony Stream, Tiffany Quilkin explique à un officier de police pas commode, qu'elle vivait là il y a quelques années et qu'elle revient d'un voyage dans le temps. Tout d'un coup, Tiffany se rend compte que 2 énormes Mecha sont en train de se battre vers le centre-ville, et elle enjoint le policier de se mettre à courir. Celui-ci ne voit rien, et pense qu'elle est sous l'effet de forts produits psychotropes. Il l'a fait monter sur la banquette arrière de la voiture de patrouille.

Erin Tieng, Mackenzie Coyle (Mac) et Karina KJ se retrouvent dans le centre commercial Stony Gate Mall, très déconcertées car elles estiment qu'il ne s'agit pas de l'année 2055 dont venait la femme (Quanta Braunstein) à qui elles ont emprunté la machine à voyager dans le temps. Elles croisent deux adolescents venant de piller un magasin de hifi et repartant avec un téléviseur à dix mille dollars. Elles se trouvent également à Stony Stream le premier janvier 2000. Erin sait exactement où aller pour trouver des réponses : rendre visite à Chuck Spachefski, l'auteur du strip Frankie Tomatah dans le journal Cleveland Preserver. Dans la voiture de police, Tiffany somnole et se souvient de quand elle était enfant et que ses parents d'adoption lui avaient offert sa première console dans les années 1980, tout en évoquant la volonté de sa mère biologique de ne pas s'occuper d'elle. Elle se réveille à l'arrière de la voiture de police et voit que le policier roule droit vers le pied d'un Mecha au milieu de la route, sans se rendre compte de sa présence. L'accident survient à petite vitesse rendant inconscient le policier. En marchant, Erin, Mac et KJ ont atteint l'immeuble où habite Chuck Spachefski. C'est une femme prénommée Charlotte qui leur ouvre et qui leur déclare tout de go qu'elle sait qu'elle s'adresse à des voyageuses temporelles.

Le tome 3 avait emmené le lecteur au Pléistocène pour une aventure assez simple, même si une voyageuse temporelle était venue leur rendre visite, et si l'étrange implantation des arbres sur le flanc de la montagne dessinait une forme qui n'avait pas reçu d'explication. le scénariste revient dans le vif de son intrigue, avec les 4 jeunes adolescentes se retrouvant en 2000 et rencontrant un personnage totalement nouveau : Charlotte Spachefski. Elle avait déjà été évoquée pour les strips de Frankie Tomatah. Il apparaît également Chris, le mari de l'un d'elles. le lecteur peut voir les Mecha en action, des robots géants d'attaque, en provenance du futur, et les agents (menés par un Diacre) de Grand-Père entrant en action. Brian K. Vaughn embrasse pleinement la fibre science-fiction de son récit, dévoilant plusieurs nouveaux éléments, établissant la nature de la guerre qui se déroule et qui donne lieu aux batailles auxquelles le clan (à moins que ce ne soit le club) des 4 se retrouve mêlé. Il revient à Cliff Chiang de montrer à quoi ressemblent tous ces éléments futuristes. le poste de commandement de Grand-Père est assez original, avec la traversée de ce qui évoque une galerie de l'évolution futuriste. Les Mecha ont une apparence de jouet sophistiqué. Celui des rebelles présente des articulations très visibles, ainsi qu'une colonne vertébrale extérieure. Cette apparence combine à la fois un visuel mémorable, avec une forme de fonctionnement plausible. le Mecha de l'ordre établi repose sur une conception plus classique : grosses bottes, équivalent d'un bassin en maillot et gros poings. Il apparaît à la fois original, à la fois très classique par rapport aux Mecha de cette époque.

Cliff Chiang doit mettre en scène l'affrontement entre les 2 Mecha, avec quelques rayons d'énergie et surtout des bons vieux coups portés avec les poings. Les mouvements du Mecha des rebelles sont très souples et fluides, en cohérence avec son apparence élancée, mais pas forcément avec ses articulations apparentes. de la même manière, le Mecha plus classique semble beaucoup trop souple dans ses mouvements par rapport à ses caractéristiques mécaniques. Chiang surprend beaucoup plus avec les uniformes de l'unité menée par le Diacre, avec une apparence plus pop à la fois dans leur combinaison, à la fois dans le choix des couleurs de Matt Wilson (jaune vif et rouge vif). Par rapport aux Mécha, le lecteur aurait plutôt associé de tels choix esthétiques aux rebelles. L'artiste montre également les destructions causées par les deux Mecha dans une banlieue dortoir dans la zone périphérique de Cleveland. Néanmoins s'il veut se faire une image globale du parcours des 2 Mecha à partir des destructions causées, le lecteur se rend compte qu'il n'y arrive pas parce que l'artiste n'a pas pris en compte cet aspect là de l'affrontement. de même ordre d'idée, le lecteur se demande comment les personnages peuvent ressortir de l'abri dans un sous-sol d'une construction sur laquelle s'est écroulé un Mecha.

Par contre, comme dans le premier tome, Ciff Chiang brosse le portrait de Stony Stream avec une conviction épatante. le lecteur éprouve la sensation qu'il pourrait arrêter sa voiture sur le parking devant le diner Applebee, avec les 4 autres commerces à côté. Les grandes allées désertes du centre commercial Stony Gate font naître une impression fantomatique, parce qu'elles sont inhabitées par les consommateurs. L'intérieur de l'appartement de Charlotte Spachefski regorge de détails, à commencer par la table à dessin. Son mur avec des coupures de presse atteste de son obsession évoquant un esprit obnubilé par la théorie du complot, et par le secret qui va avec. La découverte de son iMac G3 dans son sous-sol est un grand moment pour les 4 adolescentes et pour le lecteur. Comme dans les tomes précédents, l'une des 4 se retrouve face à son soi dans le futur, donc âgée de quelques années supplémentaires. Cliff Chiang s'est surpassé pour ce moment : la jeune demoiselle entre dans la maison de ses parents et découvre un individu très inattendu dans un accoutrement difficilement compréhensible pour quelqu'un qui vient de 1988. Certes l'intrigue comprend des moments plus variés que dans le tome précédent, mais le dessinateur a également progressé en termes de mise en scène de plans de prise de vue et de langage corporel. Il ne reste que les expressions de visage qui manquent encore de nuances.

Le lecteur n'est pas revenu que pour la suite de l'histoire, que pour l'intrigue. Il souhaite aussi savoir ce qu'il advient des 4 adolescentes, et rencontrer avec elles d'autres personnages. Il fait donc la connaissance de Charlotte Spachefski, une autrice singulière dans ses convictions et sa détermination. Elle se conduit en adulte et elle entend bien être obéie pas les demoiselles. Brain K. Vaughan s'amuse à mettre en scène la maxime qui veut que l'âge et la traîtrise auront toujours raison de la jeunesse et du courage. le lecteur reste partagé quant à cette dame, n'arrivant pas complètement à la condamner pour ses actions, car le scénariste a bien fait les choses pour lui donner de vraies motivations. En outre, il ne peut pas complètement en vouloir à une autrice de comic-strips, une petite mise en abîme du métier d'auteur de bande dessinée, réalisée par les auteurs de la série. Il a également le plaisir de faire la connaissance de Chris. Vaughan joue admirablement bien avec ses lecteurs. S'ils ont connu les années 1980, ils éprouvent le même moment de recul que l'adolescente qui découvre Chris, le même moment d'étonnement devant une apparence outrée pour l'époque. S'ils sont nés après 2000, ils s'étonnent de la réaction de l'adolescente, devant un individu à l'apparence sortant de l'ordinaire, mais très datée par rapport aux standards contemporains.

Le lecteur attend également des moments plus intimes tels qu'il y en avait dans les tomes précédents. Il se rend compte que le scénariste commence à se retrouver un peu gêné aux entournures avec le fait que certaines adolescentes ont pu avoir un aperçu de ce qu'elles pouvaient devenir. Celle qui sait qu'elle va mourir d'une maladie incurable dans un avenir proche ressasse cette information en boucle, sans possibilité de dépasser ce stade. Celle qui en a découvert plus sur sa sexualité ne sait pas trop quoi en faire car elle n'en est pas encore à ce stade de développement. Celle qui rencontre son soi plus âgé reste sous le choc de ce qu'elle va devenir, incapable de réconcilier ce qu'elle est aujourd'hui avec cette femme dans laquelle elle ne se reconnaît pas. Il se laisse néanmoins entraîner par la vivacité de ces jeunes adolescentes, par leur volonté d'aller de l'avant (ou de l'arrière) et de trouver un moyen pour revenir en 1988. Il apprécie également les références à la culture populaire, à commencer par une remarque fort juste sur L'armée des douze singes (1995) de Terry Gilliam, avec Bruce Willis

Ce quatrième tome emmène les 4 adolescentes au premier janvier 2000, dans un environnement assez semblable à celui de leur origine en 1998, mais déjà différent. le lecteur se laisse emmener par l'intrigue qui avance à grand pas, et il apprécie de retrouver ces héroïnes, et leur situation incroyable. Il constate que Cliff Chiang a progressé en tant que metteur en scène et en tant que descripteur de la banlieue, mais qu'il éprouve des difficultés à se rendre compte du niveau de destruction provoqué par les Mecha. Brian K. Vaughan n'a rien perdu de sa sensibilité pour sa direction d'acteur des 4 adolescentes et son intrigue est toujours aussi échevelée. Il y a un ou deux passages qui semble empreints de redondances pour ce qui est des conséquences du fait que les adolescentes savent ce qu'elles deviendront.
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